Ne pas se fier à la pochette d’ « Intensity Ghost » pour juger de son contenu. Si l’emballage de ce nouveau disque de Chris Forsyth (Chris qui ?) pourrait évoquer à la confrérie stérile des jeans slim trop serrés à l’entre-jambe un énième projet d’indie rock coupé à l’eau, à l’intérieur c’est une autre affaire. Le fantôme dont il est ici question, c’est celui de Jimmy Page. Et le label coupable de ces cavalcades guitaristiques, ça ne s’invente pas, se prénomme No Quarter…

150159Avec le pataquès savamment organisé autour des rééditions des disques de Led Zeppelin avec le caniche permanenté dans le rôle du serveur d’hostie, et abstraction faite des publireportages ayant rythmé la vie des magazines de presse écrite pensant qu’on vit encore en 1975, on finirait presque par oublier que sortent encore des disques à guitare. Certes, des disques qui n’inventent pas grand chose, des disques qui ne rajoutent pas une septième, voire une huitième corde au manche, et dont l’ambition n’est même pas de croiser le fer avec les anciens, ni de se croire plus gros que le bœuf.

Dans ce monde anachronique où l’agenda des sorties est désormais chamboulé par des squelettes tombés du placard (tiens un Remaster de Led Zeppelin, oh des inédits de Queen avec Mickael Jackson, diantre un disque posthume de Pink Floyd, par ailleurs inécoutable), le « Intensity Ghost » de Forsyth a donc peu de chances de se tailler une place sur le marchepied vers le paradis. Et quelque part, c’est bien dommage. Parce que ledit Forsyth, depuis qu’il publie des albums passés sous silence (le premier date de 1998), s’est finalement habitué à son costume d’anti-héros un peu grassouillet ; le genre qui ne la ramène pas trop quand bien même les chansons de ce nouvel album ramènent les guitares au premier plan ; un truc pas vu – ni entendu – depuis le meurtre du rock dit « bavard », assassiné successivement par le punk, la disco, la coldwave et les clips MTV – que Forsyth avoue détester au passage. Paradoxalement, c’est le son new-yorkais de Television qui résonne en écho sur « Intensity Ghost ». Autre hasard, Forsyth a pris des cours de manche aux côtés de Richard Lloyd. « Ce jour là, j’ai compris comment la musique devait fonctionner ». Tu m’étonnes, John.

Le résultat de « Intensity Ghost », ce qu’on peut en comprendre tant la musique instrumentale de bout en bout laisse peu de place aux interprétations, c’est l’impression d’entendre les chutes d’un disque du Zeppelin sans la voix de bateleur de Robert Plant. Est-ce un bien, est-ce un bien ? Dans tous les cas pas un mal. De l’école des mélodistes, Forsyth puisse ici dans une technique maitrisée qui lui permet d’éviter le sobriquet de technicien. Pas de solo gras du bide, peu de déchets, cinq chansons. Point barre (ou barré, vu le contexte). Un certain art de la concision où les notes alignées forment un paysage typiquement américain qui pourrait autant évoquer Endless Boogie (en moins boogie) que Earth, en accéléré. Une musique de cowboy dans un monde sans John Wayne, forcément un peu désuète, où le mime Marceau chercherait la porte de sortie dans la maison de Holy.

Bon évidemment, c’est pas tout ça mais Forsyth, avec son look de peigne cul abonné au Starbucks de périphérique, ne sera jamais Tom Verlaine ni aucune des idoles que vous auriez aimé connaître du temps de votre jeunesse – à la place vous avez eu Jean-Louis Aubert et c’est peut-être tout ce que vous méritiez. Ca n’empêche que si vous souhaitiez oublier pendant 40 minutes la légende de Jimmy, « Intensity Ghost » s’avèrera un excellent moyen pour tourner la Page.

Chris Forsyth // Intensity Ghost // No Quarter (Differ-Ant)
http://thechrisforsyth.com/

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