Au premier abord, on se demande bien comment le trio bordelais a eu l’idée d’un tel projet, lui qui a l’habitude de jouer un rock foutraque sur fond de boîte à rythmes. La question se pose également pour Group Doueh, groupe du désert qui jouent des chansons traditionnelles lors de grandes cérémonies qui virent souvent en transe. Pour tout comprendre, on a papoté avec Cheveu dans un café afin de savoir comment les choses ont pris corps, entre le Sahara occidental et la Mauritanie.
Votre collaboration avec Group Doueh n’est ni une initiative de votre part ni de la leur. Comment ça s’est produit ?
David : C’était une proposition. En ce moment c’est comme ça que nos projets se passent. On nous propose des trucs et on a qu’à dire « oui ». On n’a même plus besoin de se casser la tête à trouver les idées, c’est cool. Des supers trucs genre « pourquoi vous ne feriez pas un opéra ? » ou « pourquoi vous iriez pas dans le Sahara faire un groupe ? », et après ils se démerdent pour trouver le pognon et faire des trucs cools. Je crois que c’est le bénéfice de l’âge.
Etienne : L’idée venait de José Kamal, qui s’occupe de Doueh. Il avait monté un festival à Dakhla il y a quelques années mettant en avant la musique hassani mais qui n’avait pas pu se faire à cause du Printemps Arabe. Il cherchait un projet, pas vraiment world, mais plutôt une collaboration avec un autre groupe dans la même manière de faire au niveau de la musique. Il s’est adressé à Jacques Denis, qui avait monté le magazine Vibrations et qui a tout de suite pensé à nous. C’est ensuite passé par les oreilles de JB (gérant de Born Bad Records) qui nous en a parlé.
Vous avez été convaincu directement ?
David : C’était l’exotisme du truc, ça nous faisait envie, le côté voyage… Puis après ça a dérivé vers un vrai projet de groupe à groupe en essayant de collaborer et de trouver des manières de faire de la musique ensemble. Ce sont des projets qui mettent longtemps à se mettre sur pieds. Ca met 2-3 ans pour trouver le bon moment, les financements…
Etienne : La première fois qu’on a rencontré Doueh c’était fin 2014 à l’Institut du Monde Arabe à l’un de leurs concerts. Avec la barrière du langage, on s’est juste échanger 2-3 disques et on s’est salué. Jacques, José et JB ont monté le projet et on a débarqué à Dakhla l’année dernière pour jouer tous ensemble.
Avant d’arriver là-bas, vous aviez fait un travail en amont avec des pistes d’idées, des mélodies ? Ou c’était en mode jam sur place ?
David : On avait un peu bossé, par peur de la page blanche, puis surtout en se disant que le temps était compté. Et puis on est venu avec une sacrée équipe, fallait pas merder. Fallait qu’on revienne avec un disque.
Etienne : On a isolé quelques riffs qu’on aimait bien sans vraiment les structurer. C’était juste des idées. Puis eux, avec leur répertoire, ont fait un peu pareil.
J’imagine qu’il y a du avoir une petite phase d’adaptation, quand vous vous êtes retrouvés face à face avec vos instruments, avec vos manières différentes de voir la musique.
David : On avait conscience dès le début qu’on avait peu de temps. On s’est donc mis au boulot le plus vite possible, quitte à se précipiter et pas être forcément très corrects ; puisqu’on était accueillis chez Doueh. On a mis un peu de temps avant de s’assouplir, quelques jours, avant de se serrer vraiment la main, de se montrer ce qu’on faisait musicalement. On galèrait vachement à comprendre la structure de leur musique, la rythmique…
Etienne : Eux sont plutôt sur des rythmiques à contretemps, et nous on est sur le temps. C’est la principale différence entre nous. Néanmoins, on a réussi à mélanger les deux et ça part pour 5 minutes de transe sur chaque morceau. C’est la magie du truc.
A chaque fois les gens disent : « Oui c’est une espèce de fusion entre un truc du Sahara et du Rock, et puis ça fait un espèce de truc world machin. »
David : Entre eux qui ne font pas de compositions originales – car ils ne font que recycler des chansons traditionnelles – et nous qui essayons de proposer des trucs rock mais qu’ils comprenaient pas, il a fallu trouver un terrain d’entente. Eux ont proposé leurs morceaux en entier, nous quelques idées à apporter dessus, et les choses se sont superposées sans nécessairement dialoguer ou fusionner. Quand on parle de ce projet, à chaque fois les gens disent : « Oui c’est une espèce de fusion entre un truc du Sahara et du Rock, et puis ça fait un espèce de truc world machin ». On essaie d’expliquer que dans le temps imparti, c’était la méthode qui était la plus efficace. Ça donne quelques structures un peu bizarres en apparence, mais chaque morceau vit sa vie.
Etienne : Group Doueh et Cheveu, c’est une unité au final, puisqu’on fait des morceaux qu’on ne peut jouer qu’ensemble.
David : Faudrait qu’on ait un nouveau nom de groupe pour que ça marche vraiment.
Vous aviez des idées ?
David : Les Penelopes.
C’est déjà pris…
David : Ah… Penelope Doueh alors.
Il y a comme un retraçage historique du projet sur le site de Born Bad Records, qui explique jour par jour comment les choses se sont passées.
David : C’est Jacques Denis, qui est derrière le projet et journaliste, qui a assisté au truc et raconté l’histoire. Les photos ont été faites par Arnaud Contreras, un mec de Radio France.
Le clip de Moto 2 Places a été réalisé dans cette optique de montrer l’envers du décor ?
David : Alors le clip c’était d’autres gars. Un mélange de France 4 et Vice qui faisaient un reportage, et ils avaient des rushs en trop. Au final ce sont des gars de The Drone qui ont fait un film à partir de ces rushs. Il y avait un côté un peu envahissant quand on est arrivé là-bas. Doueh nous a accueillis chez lui et on était plus nombreux qu’une équipe de rugby. On était presque 20, dont beaucoup de journalistes.
Etienne : Sachant que du côté de Doueh ils sont 6, et que toute sa famille était là aussi… Il faut aussi savoir que c’est un lieu de passage chez lui. Il y avait un monde fou aux sessions, et plus les jours passaient et plus il y avait du monde, car l’ambiance était dingue. Ça dynamisait les moments de jam. Plutôt que d’être dans un studio sans fenêtres, ça change.
C’est pas trop déstabilisant justement de voir des gens débarquer et danser en pleine séance d’enregistrement ?
David : Ça met une pression particulière oui.
Etienne : Ils sont assez généreux dans la participation. Dès qu’un morceau fonctionne, ça danse facilement.
Ça devait être un sacré bordel, entre les curieux qui venaient voir et votre équipe de rugby qui débarquait de France.
David : Ils ont l’habitude en fait. Une génération avant, ils vivaient dans le désert en mode nomade. Ils ont des habitudes d’habitat, et quand tu rentres chez eux tu vois que c’est organisé avec un certain respect des dimensions du lieu. En plus de ça, les mecs ont ultra la classe et sont hyper bien âpretés. Ils ont tous les derniers téléphones qui claquent, les lunettes, les chemises repassés bien comme il faut… Faut que ça brille un max ! C’est assez paradoxal.
« On va arriver sur des scènes où tout le monde aime Johnny Clegg, ça va être fun de voir leurs réactions. »
Etienne : Ils sont à fond dans les mariages, et font des concerts de 6 heures sans s’arrêter où ils perçoivent des cachets vachement balèzes comparés aux concerts tels qu’on les connaît en France.
David : Y a vachement moins de rêve dans un concert où on te dit « OK t’as 45 minutes de set, t’as droit à 3 bières, t’as 15 minutes pour dégager ton matos et t’es payé 500 balles« . De l’autre côté, on leur file 5000 et c’est eux les rois de la soirée, et ils jouent pendant des heures. Le bonus, c’est que tout le monde défile devant eux tels les rois de la night en leur jetant des billets à la gueule. Si tu veux vraiment avoir la classe, tu leur jettes des liasses de billets de 50 euros, et c’est assez commun là-bas.
Etienne : Ils ont même des costumes avec une poche spéciale pour recevoir les billets. C’est assez dingue.
Vous avez des concerts prévus ensemble du coup ?
David : On va tourner au printemps et en début d’été, on va se retrouver sur des scènes un peu world. On a pas vraiment l’habitude, mais on va voir ce que ça donne. Ça conforte notre état d’esprit d’outsider, de nous retrouver là où on ne nous attend pas. On va arriver sur des scènes où tout le monde aime Johnny Clegg, ça va être fun de voir leurs réactions.
On met Cheveu sous l’étiquette du shit-gazing. Kézako ?
David : Ça remonte à notre premier album, et à notre première tournée aux Etats-Unis où il y’avait toute une scène qui portait ce nom là.
Etienne : On jouait avec toute la scène lo-fi, qui s’était autoproclamé comme tel. Pink Reason était le premier groupe nommé de la sorte. Psychedlic Horseshit aussi. C’était des groupes qui faisaient pas vraiment la même musique, mais c’était plutôt dans la philosophie et la manière de faire de la musique. On a été affilié à ce truc assez naturellement.
David : On est un peu né dans la scène garage-punk de Paris, puis on est parti dans une direction bizarre avec nos boîtes à rythmes ; ce qui n’est pas très commun aux Etats-Unis d’ailleurs. C’était surtout par rapport au son crado des disques, enregistrés à la va-vite et avec une grosse saturation.
Il y a une chanson, Azawan, qui fait très Mano Negra dans un registre différent.
Etienne : C’est un morceau de leur répertoire, sur un rythme assez tranquille à la base. On leur à dit que ce serait pas mal d’accélérer le truc et le groupe a suivi direct en partant en impro. Ça sonne un peu Stooges, mais la frénésie peut rappeler certains morceaux de la Mano oui. C’est un des premiers morceaux qui nous a mis à l’aise, d’ailleurs.
S’il y avait une chose que vous retiendrez de cette collaboration, ça serait…
David : De se méfier du thé là-bas. Il est vraiment très très fort, et servi dans des petits shots.
Etienne : Il y a un mec qui est préposé au thé, et qui fait tout un cérémonial en servant des mini-shots de thé qu’il t’apporte pendant que tu joues. Et si t’en bois 4 ou 5, tu dors plus.
Group Doueh & Cheveu // Dakhla – Sahara – Session // Born Bad Records
https://www.facebook.com/douehcheveu/
4 commentaires
le roux (ou sont c chevaux?) annonce le deploiement de 2600cameras,, restez dans le desert, c clair & pur, / arrêt du gros journal, jeu de mot baloche coucous arrêt. salamalekoum salam
merci pour l’info !
i_çi carreer Oppurtinaties
Bobby nie les 4 ‘camels’ incendiees ( ? )