Quel âge as-tu ?
Ah non, ne me demande pas de choses trop personnelles. Restons énigmatiques.
Mince, je ne peux pas te questionner à propos de toi ?
J’aime que la musique parle pour elle-même. Les informations autobiographiques sont inutiles. Tout le monde fait ça, y compris les non-musiciens sur le Facebook… Restons hors de ça, pour ne parler que de musique.
Quelle est ta ligne de conduite alors en interview ? Le Prince des premiers albums, c’est ton modèle médiatique ?
Non plutôt comme ces Allemands de Basic Channel… J’ai aimé Underground Resistance de Detroit aussi, mais je ne pense pas vraiment une démarche médiatique « activiste ». Je préfère ce genre d’actions, ça m’attire plus que les démarches personnelles mais je ne veux pas avoir un agenda de communication comme eux. Et notre musique est esthétique, pas politique.
« Pensé qu’on a tort d’avoir raison trop tôt, c’est un vieille conception de l’avant avant-garde. »
Parlons du quartier. Nous sommes sur le plateau Mont-Royal, le quartier le plus « bobo » de Montréal ?
Oui, j’ai déjà entendu ce mot (rires). C’est vrai : il y a un peu d’étudiants, des Français, des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent, c’est assez mixte et c’est bien comme cela. J’y habite depuis longtemps, j’aime le mélange des cafés, des lieux de concerts. C’est un des endroits pour sortir à Montréal. Il y a beaucoup de groupes ici, des années 90 et 2000.
Est-ce que pour Chevalier Avant-Garde, l’avant-garde est une croisade ?
Non, c’est juste le nom du groupe.
Ah. Est-ce que s’il y avait un spectre allant de l’arrière-garde à l’avant-garde, où mettrais-tu Chevalier ?
Oui, c’est sûr qu’on aime cette idée d’avant-garde et ça ne nous dérange pas qu’on pense que l’on est avant-gardiste. Mais encore une fois : ce n’est pas un but.
La popularité – dans le sens de la célébrité – est-elle l’inverse de l’avant-gardisme ?
Je ne pense pas qu’on puisse opposer ces deux idées. L’une s’est appropriée l’autre et les gens ne font plus forcément la différence. Une musique obscure ne veut pas dire forcément « expérimentale ». Tu peux être très commercial et avant-gardiste.
Tu ne croies pas qu’on a tort d’avoir raison trop tôt ?
C’est une vieille idée. C’est peut-être la vieille idée de l’avant-garde.
Vos disques en tant qu’objets me laissent toujours circonspect. Sur « Heterotopias », la statue grecque sur fond laser faisait un peu cliché. Là sur « Resurrection Machine« , la photo vide, floue et bi-chromatique… Ça manque un peu d’explications
Qu’est-ce que tu veux dire par là ? [Il prend la remarque avec le sourire] Cette pochette c’est une image d’une vidéo qu’on avait faite des pyramides. On pensait que les pyramides étaient une « resurrection machine » et qu’on était des sortes de pharaons. Ce concept est fascinant, comme celui de lieu sacré.
Tu croies aux ovnis ?
[Réponse recopiée telle quelle, nda] Oui, ça aussi. C’est impliqué dans notre idée. Oui oui… C’est une question de résurrection, c’est l’idée de revenir dans le passé et comment tout le monde fait ça dans la musique avec le Youtube aussi, c’est culturel aussi, la machine de résurrection, c’est comme la machine qui revient, qui reprend tout et refait tout depuis le commencement…Qui ferais-tu revivre avec ta machine ? The Wake ?
J’aime beaucoup The Wake ! On ne pense pas ça comme cela, on n’a pas voulu copier, c’est accidentel alors. On avait fait une cassette en 2005 qui s’appelait « Postcards », et on a enregistré à nouveau avec le label de l’époque Postcards. Ce retour en arrière nous a inspiré ce genre de sons.
Vous travaillez toujours tous les deux, dans une chambre ?
Oui toujours sans musicien, avec guitares et appareils électroniques. Et on a un studio à nous.
Sans jamais vous foutre sur la gueule ?
Non, on se connaît depuis très longtemps, on a les mêmes goûts et on sent de la même manière ce qui marche. C’est important. Alors que rentrer dans un groupe, ça ne m’intéresse pas tellement ; notre musique est tellement liée à notre méthode que jouer en groupe me serait trop étrange. Ça serait pour moi comme un nouveau commencement, et ça serait long de réapprendre.
Quand estimes-tu avoir appris à travailler comme tu le fais aujourd’hui ?
Après un certain nombre de chansons, quand tu sens que ça marche. Et que ça devient une routine, que ça devient facile, là tu sens que tu as acquis une méthode. La routine ne me fait pas peur ; pour certaines choses chaotiques tu as besoin d’un cadre. La création artistique a besoin d’un cadre. Quand tu n’as pas envie de travailler, tu as besoin de la routine.
Typiquement, c’est quoi ta routine ?
Pour cet album, on avait besoin d’écrire différentes pièces chaque semaine, et de changer doucement les choses. Parfois, certains passages fonctionnaient dès le début, d’autres morceaux ont du être repris.
La routine justement : on sent depuis les compositions du début que c’est toujours votre patte, mais cet album est peut-être encore plus mélancolique ?
Oui. Peut-être parce qu’on est revenu d’une tournée en Europe, dans un climat d’automne. Rentrer, arrêter de tourner. On avait un « mood », et les morceaux se sont enchainés de manière cohérente.
« Trop de groupes font des copies ».
Sur votre page vous dites que vous êtes désenchantés, dédaigneux.
C’est aussi notre façon de voir les choses. On n’est un peu cyniques, pas négatifs, mais mélancoliques. Enfin : on n’était pas cliniquement déprimés pour faire ce disque. Mais encore une fois ce n’est pas important, c’est le mystère encore une fois. Il n’y a pas à faire de biographie.
Il y a quand même des morceaux comme It was me, lourdement chargés de tristesse.
Il y a des gens dérangés par les mélodies tristes, les tempos lents, moi ça ne me dérange pas.
Vous avez voulu reproduire des sons de synthés 80’s, des sons dont vous êtes fans ?
Non, on ne pastiche pas. On essaye de ne pas avoir de références concrètes. Trop de groupes font des copies. On essaye tout de même de rester plus mystérieux.
À Montréal, faîtes-vous tout de même partie d’une scène ?
Il y a beaucoup de groupes et d’endroits pour jouer sans pour autant que nous côtoyons d’autres musiciens, que nous partagions des scènes. Par contre, il y a pléthore de bons groupes et bons labels : Fixture Records, Visage Music, Constellation…
Dans quelle condition voulez-vous que votre disque soit écouté ?
Il n’y a pas de manuel d’utilisation mais j’aime assez l’idée de conduire ou de voyager au crépuscule ; de voir un paysage en se déplaçant.
Un truc romantique… Montréal est-elle romantique ?
Oui, pour ses lieux et ses températures extrêmes.
Tu as des origines grecques et égyptiennes, où te sens-tu le mieux ?
Ici pour pour travailler, c’est idéal. L’Europe est trop aliénante pour quelqu’un d’habitué à Montréal. J’aime le multiculturalisme, que vous n’avez pas. Enfin si vous l’avez, mais il y a trop de problèmes liés à cela chez vous.
Gonzaï vous avait fait jouer à Paris. Quel souvenir gardes-tu de votre concert l’année dernière à la Maroquinerie ? (public très tiède, salle à moitié vide, nda)
Ha. C’était le premier concert d’une tournée, et on n’était pas bien réglés… On n’était pas dans notre meilleur état, avec peu d’instruments, c’était un peu étrange. Je voudrais continuer les tournées en Europe et ne pas être jugé sur cette date.
Chevalier Avant-Garde // Resurrection Machine // Fixture Records
http://chevalieravantgarde.bandcamp.com/
1 commentaire
Putain, ils sont pas rancuniers les types après ce qu’on leur a fait subir… hormis le fait que ça reste l’un des pires souvenirs de concerts organisés par Gonzaï, les deux ont un peu halluciné, entre la boite techno belge où on les avait embarqué, l’accident de voiture sur l’autoroute et tout le reste… fair play donc.