Abuser de la mauvaise foi dans mes chroniques tient du plaisir facile – dont je ne devrais pas avoir à m’excuser. Si les choses se compliquent  quand il est question de partager ma ferveur, l’exercice le plus difficile est bien de garder un minimum de panache en évoquant quelque chose de… sympa. Voilà plus d’un mois que le DVD de Coco Chanel & Igor Stravinsky de Jan Kounen s’incruste toujours plus profondément dans les lattes de mon plancher. Il doit sûrement être temps d’en parler.

Problème ? Il est probable qu’à l’évocation du titre, vous ne parveniez à tirer de moi qu’un « ouais, cool » accompagné d’un sourire compassé. Je m’explique :

Des syllabes soigneusement détachées, les clichés d’un Paris rétro digéré par l’inconscient collectif et la beauté froide d’Anna Mouglalis – interchangeable avec Audrey Tautou sur une cible mainstream : Kounen revisite la recette du film d’auteur français destiné à l’export.

La photographie se doit d’être belle. Par chance, tout est plus délicat sous le prisme années 20 : ta musique est plus belle sur gramophone et ta cigarette ne sera jamais aussi glamour qu’au bout d’un fume-cigarette en ivoire. Jan Kounen l’a compris et surenchérit en déroulant ses longs plans de personnages immobiles fixant la caméra le regard vide. Comme dans un docu-fiction de France 5, tout semble être à sa place, les codes esthétiques des clips vidéos 00’s en plus.

Kounen raconte la brève histoire d’amour qui unit Coco Chanel et Igor Stravinsky, deux esprits hors normes parvenus à transcender la violence de leur passion dans la création. C’est beau. Que l’on mette en lumière le fait que certaines femmes ont été bien plus libres et exigeantes que je ne le serai jamais  me contrarie. L’espace d’une minute, en pensant à ma vie sexuelle résiduelle et à ma difficulté à finir cette chronique, je serais presque tentée de me remettre en question.

Heureusement pour moi, il est difficile de s’émouvoir d’une histoire d’amour entre deux control freaks mise en scène sans la moindre faute de goût. Le réalisateur ne laisse rien au hasard : le jeu des acteurs est juste, la musique de Stravinsky superbe, et nos yeux se repaissent d’images soignées. Blockbuster d’auteur, Coco Chanel & Igor Stravinsky est  un de ces bons films que je ne ressentirai jamais le besoin de revoir. Le sacre attendra.

Jan Kounen // Chanel : Coco & Igor // DVD WildSide


8 commentaires

  1. Profiter d’une histoire de cul pour évoquer ces deux personnages en y mêlant « libération de la femme » et « passion de la création » pourquoi pas … C’est de la vulgarisation qui peut peut-être servir à éveiller certaines consciences. Stravinsky est peut-être le compositeur le plus en avance sur son temps (début XXe), un créateur extraordinaire. Et on ne s’ennuie jamais à un concert où une de ses oeuvres pour orchestre est jouée!

  2. C’est le type-même de film wikipédia qui, plutôt que de s’incruster dans les lattes de votre plancher, devrait plutôt vous donner envie d’aller dormir chez la dame de Haute Savoie (ou chez n’importe quelle dame qui n’aurait rien à voir avec cette Coco si peu charnelle).

    « Vulgarisation », en effet – quand on pense à ce que ce réalisateur handicapé de la vue et des bras a pu dégueuler sur les films chics ou bourgeois !

    On appelait ça la Qualité Française, il y a 60 ans ! Bien la peine de s’être infusé autant de sous-culture pour en retourner là …

  3. Pas mal le « Control Freaks »…C’est en effet un bon film qui a surtout comme intérêts la présentation de la splendide maison de Coco Chanel interprétée par la splendide Ana Mouglalis. That’s all folks!

  4. La fin est horrible, et les motifs transcendantales du générique n’a rien à faire. Avec « d’Autres Mondes » le Kounen s’était trouvé son cinéma, sa caméra, son art. « 99 francs » son succès. Quoi faire après ça?…bah un film qui touche autant de monde que le précédent film, glamour, gentillet, un poil plat, une Chanel en Mouglalis ou l’inverse, un Stravinski moins froid que l’original (dommage).

    Résultat: Jan Kounen a perdu son pari de séduire les spectateurs avec cette histoire d’amour à l’eau de rose aux épines.
    Mais pour se redresser le Kounen remet les couverts avec Octave et Dujardin pour « 99 roubles ».
    Nous prendrait-il pour des poneys? on le saura en 2011.

  5. Kounen est très cohérent : son adaptation de « 99 Francs » de Beigbeder (le degré zéro de la littérature) était le degré zéro du cinéma ; mais par pitié,qu’il laisse Stravinski tranquille !

  6. Si Beigbeder est le degré zéro de la littérature, c’est difficile à dire, il y a tellement de monde à ce dégré qu’il y a un choc de style au delà des appréciations personnelles sur tel ou tel écrivain dit « zéro ».
    Ce qui est sûr c’est que Beigbeder est un artiste de son époque exactement l’était Stravinsky. La différence entre les deux : l’un a dû mourir pour être apprécier à sa juste valeur, l’autre est plus apprécié que décrié de son vivant; mais une fois mort, il sera dans la même fosse commune que Jean Edern Hallier.
    -« Qui? »
    Je sais je sais mon pauvre Jean, que ca t’emmerde que l’on t’ait oublié et d’avoir Beigbeder comme voisin de mort. Je m’en excuse Jean. Souhaite qu’il meurt le plus tard possible, comme nous attendons le plus vite possible son « petit-suisside ».

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