Fille / Garçon, un synthé, des fringues pas possibles, des références au Bahaus allemand et aux dadaïstes… On se dit au premier abord que cette chanson là, on commence à la connaître, et dans le texte. Le truc magique à propos des années 80, c’est qu’elles paraissent inexpugnables en terme de projets artistiques barrés et grouillent de mini chefs d’œuvres, de bizarreries inexplorées. Born Bad en offre une nouvelle preuve avec cette réédition du très élégant « FRENCH SYNTH WAVE St Etienne – 1981 » de Cha Cha Guitri ; un groupe composé de deux couples, comme dans un pièce de Guitry, mais l’intrigue ici sera musicale. Fiction inspirée d’une histoire vraie.
79’. Sortie du lycée André Breton à Saint-Etienne. Serge tient la main de Dominique. Charly, marchant au côté de Marie, imite son copain. Après tout, eux aussi forment un couple. C’était la dernière fois qu’ils foulaient les marches du « bahut », demain, il faudra penser à être adulte. Les filles crient qu’elles ne veulent pas, et Serge et Dominique couvrent leurs voix de rires anxieux et enfantins. Demain, demain…
Deux ans depuis le bac et toujours pas envie d’aller travailler comme papa, d’y laisser sa chemise et sa jeunesse. Quand on a vingt ans à Saint-Etienne, le mieux qu’on ait à faire pour s’occuper, c’est encore de jouer de la musique. Mais pas de revival, Serge, Dominique, Charly et Marie se sentent modernes, un peu comme ces jeunes gens dont parlait la revue Actuel quelques mois auparavant. Ils ont acheté un synthétiseur EMS AKS, d’un Roland SH101 et une boîte à rythme Roland TR808. Rien que ça. Pendant que les garçons s’accordent avec les machines, les filles ne sont pas parties faire du shopping, non. Ce qu’on trouve en magasin n’a ni l’élégance ni la fantaisie auxquelles elles aspirent. Au milieu des larsens et des beats improbables, elles s’installent par terre, munies de ciseaux et de papier. Boum, deux robes de créées. Au moins, les lignes sont claires, acérées, et c’est tout ce qui compte. Elles fredonnent sans y penser sur les airs débités par le synthé
Ouh ouh…Monsieur Monsieur Monsieur Monsieur…
Ooooo Madame Madame Madame Madame
Leurs chansons pourraient être aussi simples que cela. Ils le décident à ce moment précis, encore surpris du dialogue inédit qui vient de s’instaurer : leur musique.
C’est devenu une addiction. Rendez-vous au home studio à 14h, à 23h, toute la nuit, tout le temps. Charly glace le corps de Marie sur des plaques Polaroïd, Dominique découpe tout ce qui lui passe sous la main et réassemble son monde en collages. Serge n’est plus que l’esclave de sa musique, elle l’obsède avec la légèreté d’un fa synthétique. Les Stones voulaient tout peindre en noir ? Cha Cha Guitri décrète vouloir tout recouvrir de blanc. La Lumière est immaculée. On blanchiiit tout ce qui est griiis, les visages paaales… Ils ont trouvé leur ton, un thème musical inquiétant et sophistiqué accompagnant des paroles empreintes d’une naïveté qui s’accroche.
Cadillac! Moulinex. scande le groupe dans son dernier morceau L’hymne au confort. Pour être honnêtes, ce sont plus des mots agréables à faire claquer dans le micro que des signes de protestation contre une société qui leur importe encore peu. Ils s’amusent bien trop pour être mécontents.
81’. Tout est allé très vite. Les copains du label Kronchtadt Tapes viennent d’éditer une centaine de cassettes de leurs chansons, composées durant ces insomnies collectives et euphoriques. L’heure est aux concerts. Marie et Domi peuvent enfin arborer leurs tenues géométriques et les garçons s’enduire le visage de maquillage sombre et criard. Jouer Paris Paris à Paris-même, ça a de la gueule. Ça va durer un peu, le temps de l’adulescence. Viendra le temps de l’oubli. Mais les cassettes restent, et en 2014 se muent en disques destinés à palier les lacunes de la mémoire collective. Cha Cha Guitri, d’incontournables jeunes gens mödernes.
Cha Cha Guitri // French Synth wave – St Etienne 1981 // Born Bad
http://shop.bornbadrecords.net/album/french-synth-wave-st-etienne-1981
4 commentaires
Bel exploit que d’acheter un SH-101 en 1981 quand il n’est sorti qu’un an plus tard…
Ou quand le phénomène des ‘Jeunes Gens Modernes’ ne fini par amuser que des ‘Vieux Lourdingues Has-Been’. L’écoute du LP relève de l’épreuve tant le contenu souffre de putréfaction et de peu d’inspiration. A force de puiser dans le vieillot on fini par toucher le fond…
Moi j’aime bien mais j’aurai peur que mes voisins l’entendent.
Y’a jamais eu de lycée « André Breton » à Saint-Etienne