Que donnerait l’enfant terrible de Patrick Dewaere et Noir Boy George ? Probablement « cérémonie malgache », le nouvel album de Poupard, une avalanche de synthés crado-candides, mi journal intime, mi cut-up mignon.

Poupard, c’est pour Franck Poupart, le fou magnifique joué par Patrick Dewaere dans Série Noire. C’est aussi le nom du duo grenoblois David Litavicki et Laurie Morcillo, qui signe tout juste son nouvel album chez Choléra Cosmique. « cérémonie malgache » (sans majuscule c’est plus authentique, comme un poème de Bukowski) partage avec le film ce sentiment de regarder d’un peu trop près quelque chose d’un peu trop intime. Et donc de provoquer tout un panel d’émotions chez l’innocent public, allant de la naturelle réaction épidermique de profonde gêne, à l’exalté « c’est du génie ! », ou un simple et interrogatif « pardon ? ».

Musicalement, on sent une certaine proximité avec les crasseux de La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, dans le côté synthé sale syncopé. D’ailleurs, Poupard reconnaît une influence nette de Noir Boy George. Toutefois, l’inspiration est ténue, et « cérémonie malgache » n’a pas la violence et le désespoir des messins terribles. Au contraire, c’est d’une candeur rare, presque pas glauque du tout. Une bonne moitié de l’album peut même dangereusement sonner comme La Femme, voire Fauve… ce qui est peut-être, quelque part, plus brutal que Noir Boy George. L’ensemble donne quasiment une ambiance de B.O. de film, dont Un Flic Au Cœur Tendre serait le thème principal, dans la lignée des claviers tendrement cosmiques de Pierre Bachelet (Coup de Tête) ou François De Roubaix (La Scoumoune). Voilà pour l’étrange recette de l’adorable couple, qui a commencé son projet en s’amusant sur un clavier cheap dont la fonction initiale était plus décorative qu’exutoire.

Les paroles sont chantées et parlées avec simplicité et légèreté, touchantes de naïveté. Écouter « cérémonie malgache », c’est comme lire le journal intime d’un gamin ou d’un adulte innocent. On est parfois surpris par un éclat de rire ou un soliloque à la chute abrupte (Coma). Parfois, le sentiment d’angoisse prend le dessus, dans Le Pont de ma Jeunesse et ses souvenirs brumeux, ou sur l’inquisiteur Vous N’irez Plus. Kojak est comme une déclaration d’amour bouddhiste sous le visage du jeune Jean-Claude Van Damme. Ça ressemble à un cut-up de Burroughs, c’est mystérieux, inattendu, intense et pur.

L’album connaît déjà un certain succès, puisque son tirage physique (25 copies CD) s’est instantanément arraché au milieu des griffes d’avides avant-gardistes. Si vous n’avez pas saisi votre chance à temps, c’est trop tard, car bientôt viendra le temps de la spéculation sur « cérémonie malgache ». Il faut parfois s’assumer une petite fascination du crade pour apprécier pleinement la tendresse de la vie. Il en faut peut-être un petit peu pour se frotter à ce nouvel album de Poupard, mais promis, ça vaut vraiment le coup.

L’album s’écoute juste ici sur Internet

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