Bientôt nous aimerons oublier les années 2000. Quand viendra – ne serait-ce pas le moment d’ailleurs ? – le moment d’en faire le droit d’inventaire, on ne retiendra finalement pas grand chose de cette décennie ; exception faite du règne incontestée de James Murphy, du lessivement progressif des Strokes et d’une poignée de tubes composés – pardon Clémentine Autain – par des femmes paranoïaques (M.I.A.), encore plus nulles que Chrissie Hynde (Karen O des Yeah Yeah Yeahs) ou simplement bonnes à chanter des niaiseries composées dans les Brill Buildings 2.0 par des ordinateurs (Beyoncé).
On l’oublie un peu trop souvent, mais cette époque d’entre-deux siècles est aussi celle de la pop dite ‘’lesbienne-berlinoise’’, et dans laquelle des groupes synth-tronica comme Ladytron ou Peaches réussirent l’espace de quelques années à raconter autre chose que les culs qui bougent et le consumérisme Biba. Cette longue digression, peut-être finalement sans aucun rapport avec ce qui suit, pour dire que Tamara Goukassova, avant de se dissoudre en solo dans son projet synthétique, s’était déjà fait repérer comme la Russe de service au sein (sic) du groupe Konki Duet ; trio féminin (pas féministe) repéré par les branchés (la compile D.I.R.T.Y Diamonds vol. II en 2006) et depuis invisiblement réduit à une vulgaire carte postale des années 2000 ; à la fois pas vraiment jaunie mais pas complètement rose non plus. Un entre-deux couleurs pour trois culs entre deux chaises, deux décennies, deux siècles. Position bancale.
Le temps passant, Tamara Goukassova – putain ce nom est vraiment impossible à écrire – a fait son chemin et outre un premier 45t et un EP sortis tous deux chez Alpage, propose sur son compte Soundcloud des covers, remixs et compositions originales de toutes beautés ; conjugaison au pluriel tant la violoniste sait être plusieurs. Parlez-lui d’electronica, elle vous cite la scène anglaise des années 90 (Nurse With Wound, Death in June, Legendary Pink Dots), demandez-lui d’où elle vient et elle omet Konki Duet, cherchez un autre morceau de la trempe de son remix du Achlys de Volcan, et vous tomberez sur une reprise low-fi-batcave du Je t’ai toujours aimé de Dominique A (qui en fait l’avait déjà chipé à Polyphonic Size, voyez comme c’est le bordel).
Revenons un instant à ce récent remix de Volcan, parce que son écoute équivaut à un flash 3D de la scène finale du Seigneur des anneaux entièrement reconstruite devant les portes closes du Pulp. Il y a le crescendo et l’intensité de la musique néo-classique avec travelling à la Michael Mann sur un futur possible à base d’elfes électroniques, de lesbiennes en string médiévaux et de cor anglais mixé sur Reaktor. Bon, comment dire autrement qu’avec des mots simples que, et en paraphrasant Kendji Girac, « putain c’est juste trop beau » ? Pour les amateurs de bandes-son épiques, direction La collision des mondes, autre morceau supra-aérien à passer à l’enterrement de Gandalf après overdose d’herbes synthétiques à Fangorn-sur-Korg.
Si la musique de Goukassova sent l’Oural à plein nez, le plus perturbant reste cette aptitude à la souplesse – n’oublions pas la suprématie de l’URSS en gymnastique. Capable de tout et son contraire avec « des synthés, un violon, sa voix et un ordinateur », l’ex Konki aussi vue chez Strasbourg confirme avec le peu de choses entendues la citation du Cardinal de Retz : on ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment. Alors finalement, quand viendra le moment de rouvrir le petit livre des années 2000, Tamara vous répondra certainement qu’elle était déjà là un peu avant, surtout après. « Je cours après l’excitation » dit-elle. Direction droit devant, future unwritten. Encore qu’en fait non, même pas : Tamara prépare un EP avec son camarade de Strasbourg, Raph Sabbath, qui devrait sortir sur son propre label, Mort Pour La Transe. « Si tout se passe bien ». Oui, forcément.
4 commentaires
Oublier les années 2000? Vas y mec on te regarde.C’était la fin du quasi vide pour tout romantique qui se respecte,la forme était géniale et ça manquait à peine de fond, à moins que tu sois passé à côté de tout.
https://www.youtube.com/watch?v=bvEFkxEuY1c
https://www.youtube.com/watch?v=3rE04_c3jA8
https://www.youtube.com/watch?v=asVi-6E0NhI
https://www.youtube.com/watch?v=TH_SPWhW7u4
https://www.youtube.com/watch?v=HhSGgtrV1HY
etc etc…
ils sont nuls tes liens
Mais je m’en branle de ton regard dix ans après,l’insatisfaction n’a aucune fin, t’es au courant? Dans dix ans on dira que Is This Is Are était à chier, et ainsi de suite. Ces artistes étaient foutraques mais leurs personnes étaient géniales,et c’est bien là le détail qui compte,à moins que l’esprit rock se limite pour toi à bien te servir de ta queue. Ne compte que l’energie adolescente,née de…. méconnaissance.Je me branle de l’avis de l’érudit, et je danse collé à Zakary Cole Smith. Fuck les 2010s et son public,vous ressemblez à rien à ressembler à tout. you break it. boom
https://www.youtube.com/watch?v=dzr4jn68eRY
Finalement, ce que raconte l’article, c’était pas très intéressant, mais on s’en calisse, tout comme on se calisse de l’autre bolosse qui ramène sa culture en commentaire, allez quoi, on s’insulte entre cancrelats, après tout la libre expression internet ça sert à cela.
et moi MOI MOIIIIIIII je veux dire que je découvre cette artiste – comment avoir pu louper ça jusqu’ici ?? – et j’ai un coup de foudre. Au bout de 3 écoutes intégrales du soundcloud, j’ai chopé « A Sit with No View », et comment dire .. C’est simple, et simplement inspirant, ça me rend amoureux de quelque chose d’insaisissable, une petite chose terriblement juste, je trouve cela beau et à la fois tellement humble. Peut-être que j’aime juste toutes ces subtilités qui me chatouillent l’esprit à cette écoute. Donc merci à l’artiste, et puis merci quand même à cet article pour la découverte. (Moi non plus, j’sais pas en parler, mais bon j’suis pas journaliste, j’en branle !) LOVE