Souvent relégués au fond de top 10 d’artistes à suivre parrainés par des marques de téléphone, ils luttent contre 60 ans d’histoire pour se faire une place dans le cœur d’auditeurs qui croient avoir tout entendu. Parce que les meilleures histoires sont souvent les plus courtes, Gonzaï leur rend hommage avec un petit tabouret vers la gloire nommé C’est bien c’est nouveau. Aujourd'hui, zoom sur les petits malins de Sudden Death of Stars, groupe plus psychédélique que Breton, et plus bien que vraiment nouveau.

Question : et si les Beatles étaient un groupe d’aujourd’hui, quelles influences inscriraient-ils sur leur page Facebook ? Et combien de fans auraient-ils ? Combien d’argent seraient-ils prêt à claquer en web marketing pour accroitre leur audience ? Et d’ailleurs, seraient-ils connus au delà de Liverpool ? Avouez que toutes ces interrogations n’ont pas grand chose à voir avec le groupe français dont il est ici question, hormis évidemment le fait que Sudden Death Of Stars – originaire de Rennes, soit le Liverpool français – sonne un peu comme du Lennon & Macca passé à la moulinette du Velvet avec du Venus in Furs joué au sitar.

En débutant l’écriture de ce papier, j’étais parti pour tronquer toutes les réponses du groupe à la petite série de question connes adressées en aout dernier. Les groupes qui débutent n’ayant souvent rien de particulier à raconter, en plus de le raconter avec l’aisance orthographique d’un collégien trépané, il aurait du être logiquement facile d’amputer tout ça façon Luka Magnotta, avec des petits bouts de légende découpés sur du joli papier à lettres. Sauf que Sudden Death of Stars est d’une part tout sauf un lapin de six semaines, et de l’autre que les réponses à lire ci-dessous sont d’une intelligence et d’une drôlerie à vous en dérider un faciès botoxé (coucou Emmanuelle Béart). Pleinement conscients des difficultés qui les attendent dans un pays tout riquiqui genre tu peux pas test, ces Rennais semblent non seulement connaître leur rock sur le bout des doigts mais aussi manier la langue avec autant d’aisance que leurs manches. Leur musique ne révolutionne rien, ils le savent, mais au final, dans une époque où l’on est capable de te vendre une place pour le concert de reformation de Ride à 50 balles, est-ce si grave…. En parlant de références aux Beatles, ces gamins méritent-t-ils a ticket to Ride ? Oh oh oh ! Lis cette interview de ces étoiles pas encore mortes, et tranche par toi-même. On va pas non plus faire le boulot à ta place.

Quelle est la raison d’être du groupe ? Quel a été le déclencheur qui vous a poussés vers un micro, un ampli ? 


Ce qui nous a poussés vers un ampli, c’est le gros Bruno quand il bousculait tout le monde pour aller à la cantoche (le mercredi il y a des frites, également appelées « exercice de suffocation en groupe contre plexiglas »). Sinon, pour savoir quel a été le déclencheur, il vaut mieux attendre la sortie du biopic de Sudden Death Of Stars par Olivier Dahan ; lui trouvera très probablement un évènement fondateur et traumatisant à base de déchirure enfantine d’envergure psychanalytique pour expliquer la formation du groupe. Le risque est qu’il pourrait être tenté de remplacer « Supernovae » par « La vie en rose » (plus émouvant).

Pardon pour cette horrible question (j’en ai bien conscience) mais si l’on devait comparer le groupe à un produit face à la concurrence, qu’est-ce qui différencie Sudden Death of Stars des autres groupes sur le « marché » ? Quel est votre petit plus ? 


Je ne sais pas trop. À première vue, je dirais qu’on est un peu plus nombreux que dans la plupart des groupes, tous genres confondus. Dans un affrontement de gangs au snap, façon West Side Story, ça peut se révéler un atout de taille, voire un ail de tatou. De plus, contrairement à ce qu’on pourrait croire (et avis aux programmateurs), on ne coûte pas cher en hébergement ; on peut dormir tête-bêche à même la banquette de van, ou, quand celle-ci est déjà bondée, dans un wagon TGV (en marche, car le bercement communiqué aux rails par le relief en région sarthoise trouve des vertus rassérénantes, paraît-il).
Sur scène et en studio je trouve que de ce nombre on fait une force, le groupe ne sonne pas pareil que la « concurrence » psyché française actuelle, car on ne met pas forcément l’accent sur les mêmes choses. Là ou les Blondi’s Salvation, par exemple, sont dans un délire psyché médiéval un peu mystique, en comparaison nous on est carrément plus straight dans l’instrumentation, et là où le trio Wall of Death envoie la sauce sonore pour un frisson électrique en longueur, nous on va plutôt essayer de trousser une chanson efficace avec une approche mélodique un peu moins « monolithique », avec plus de choses qui s’entremêlent…

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Parmi vos multiples références, je m’étonne que les Beatles (première période surtout) n’apparaissent nulle part. Acte manqué, oubli volontaire ?


Et bien pour commencer, tu vas aller m’écouter le premier album des Beatles et après on en reparle.

 Si tu veux parler de leur seconde période, « patchouli » pour certains, oui c’est vrai qu’on ne les a pas cités sur la petite liste Facebook, j’espère que Paul et Ringo ne nous en voudront pas s’ils l’apprennent un jour.

J‘aimerais comprendre quelle part d’inconnu le disque « All Unrevealed Parts of the Unknown » révèle selon vous, soit de vous-même, soit de l’auditeur qui l’écoutera.


Le disque n’est pas vraiment là pour les révéler, ce titre est une phrase extraite d’une chanson, on ne dit pas forcément ce qu’elles sont, on ne dit pas non plus qu’on les connait, on dit seulement qu’elles sont là, quelque part. D’ailleurs, si tu lis ce titre avec un peu plus d’attention, tu remarqueras qu’il ne promet aucune « révélation », mais parle au contraire de ce qui n’est pas révélé, de ce qui reste caché ou inconnu… comme, par exemple, le sens réel de la phrase en question. Il y a une autre histoire derrière le choix de ce titre, une sombre histoire d’auto-censure que le label nous a un peu imposée car il craignait que notre titre de travail (une citation célèbre du musicologue Hans Keller à propos de Pink Floyd) soit mal interprété par la presse et en particulier la presse anglo-saxonne.

A en juger par l’enthousiasme généralement suscité dans la presse généraliste comme spécialisée par tous ces groupes et têtes de gondole qui prétendent réinventer la musique occidentale à chaque note, on serait tenté de dire que rester dans le passé, c’est le vrai renouveau.

Attention, question Telerama : le nom du groupe semble avoir un lien avec l’astronomie et la lumière persistante des étoiles mortes. Quels sont les artistes cultes (et morts) qui continuent de vous obnubiler ?


Le nom du groupe est né d’une confusion avec celui des danois de Death Valley Sleepers. Moi, je trouve que ça sonne un peu métal, mais je suis sans doute le seul, d’ailleurs je n’écoute pas de métal, ceci explique peut-être cela. Pour te répondre je dirai :Brian Wilson (on peut dire qu’il est quasiment mort non ?), Syd Barrett, Lou Reed, Serge Gainsbourg, Jean-Sébastien Bach. Cela dit, d’après les démographes, il y a davantage de gens vivant aujourd’hui que de gens qui sont morts depuis le début de l’humanité ; donc mathématiquement il y aurait plus de chances de trouver de futurs artistes cultes et morts à encenser parmi ceux qui vivent encore. Il y a aussi le cas-limite des artistes cultes officiellement vivants mais qui, à écouter leurs dernières productions, semblent en état de mort cérébrale, ce qui tend à provoquer chez leurs admirateurs de la première heure un sentiment proche du deuil. Mais ce serait peut-être à réserver pour une autre liste, plus vacharde.

On pourrait reprocher à votre musique de ne rien inventer, du moins de ne pas s’inscrire en rupture avec la musique des anciens, quelle est votre réponse à cette question pute ? 


En fait, à en juger par l’enthousiasme généralement suscité dans la presse généraliste comme spécialisée par tous ces groupes et têtes de gondole qui prétendent réinventer la musique occidentale à chaque note, on serait tenté de dire que rester dans le passé, c’est le vrai renouveau, puisque personne ne le fait de nos jours.En dehors de ça, à moins d’imaginer un solfège alternatif et de jouer entre deux demi-tons pour enquiquiner son monde, je ne vois pas trop comment réellement « s’inscrire en rupture avec la musique des anciens ». Une rupture avec la musique des modernes me semble en revanche beaucoup plus nécessaire et salvatrice.

En bons Bretons, vous défendez une esthétique rennaise. Au delà de ça, quel est le manifeste esthétique du groupe (musicales, vestimentaires, philosophiques, autres) ?


Sudden-Death-of-Stars-All-Unrevealed-Parts-of-the-UnknownPour commencer, citons Philip Sheridan : « un bon Breton est un Breton mort ». Par ailleurs je ne sais pas où tu es allé chercher ça, déjà parmi les sept membres du groupe on compte seulement deux bretons, ensuite on ne revendique pas une esthétique rennaise (il reste d’ailleurs à prouver qu’une telle chose existe), on ne se sent pas de filiation artistique ou musicale avec les différents groupes rennais anciens ou actuels, à l’exception peut-être de European Sons à qui on nous a comparés un jour, un groupe du début des années 90 qui à l’époque était allé chercher Sonic Boom du fond de sa tanière pour qu’il produise leur album. On l’a rencontré il y a peu et à notre grand étonnement il s’en souvient encore ! 
 
Bon, il est certain qu’on a des affinités amicales avec certains groupes du coin (Madcaps, Spadassins, Splash Wave, Baston, Sapin…) mais ça s’arrête là.  Ce qu’on revendique c’est plutôt le fait d’être un groupe de Rennes, je reste persuadé que venir d’une ville comme Rennes, Lille, Nantes ou Bordeaux peut t’aider, que ça peut aider le développement de ton groupe. Il y a forcément des groupes super dans de plus petites villes, aux quatre coins de l’hexagone, et personne ne les connait car ils manquent d’infrastructure, locaux de répétition, lieux ou jouer, associations qui promeuvent des concerts. Ils manquent de public aussi sans doute. Je pense aussi que venir de province c’est bien aussi, tu as ce côté Rastignac de la musique, tu dois « monter à la capitale » pour faire tes preuves, ça t’oblige à tourner, à t’organiser. Alors que pour un groupe parisien tout se passe chez lui, il va préférer jouer trois fois à Paris en deux semaines parce que c’est l’endroit qui « compte » et ils vont tarder à venir en « région » comme on dit désormais, ils ne jouent qu’à Paris et c’est bien dommage, car être dans un camion, se « tape[r] 800 bornes aller, 800 bornes retour pour faire un concert devant 50 personnes, bouffer un taboulé en boîte, dormir par terre dans le salon de l’organisateur » selon l’expression désormais consacrée de JB Wizz, c’est ça l’essence du rock en France aujourd’hui, et c’est la bonne école.

https://suddendeathofstars.bandcamp.com/

13 commentaires

  1. La phrase suivante est aussi très vraie : « à moins d’imaginer un solfège alternatif et de jouer entre deux demi-tons pour enquiquiner son monde, je ne vois pas trop comment
    réellement « s’inscrire en rupture avec la musique des anciens. »

  2. Pourtant, c’est une réalité. Même l’electro pille allègrement dans des trucs qui existaient dans les 90’s, voire Tangerine Dream, Klaus Schulze dans les 70’s… Le passé est désormais l’unique référence, insurpassable, indépassable…

  3. Revival techno, afrobeat, soul, garage, psyché, synth wav, northern soul, swing, folk… Chaque niche est dans la postmodernité ! No future=vive le passé

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