Souvent relégués au fond de top 10 d’artistes à suivre parrainés par des marques de téléphone, ils luttent contre 60 ans d’histoire pour se faire une place dans le cœur d’auditeurs qui croient avoir tout entendu. Parce que les meilleures histoires sont souvent les plus courtes, Gonzaï leur rend hommage avec un petit tabouret vers la gloire nommé C’est bien c’est nouveau. Aujourd’hui, Saint Sadrill, échappée en solo du saxophoniste de Chromb!, dont il délaisse les folies de grand huit jouées en ternaire pour aller fouiller sous la peau avec des chansons bizarres.

12382711184_c716a6ef1a_cAu commencement, il y avait Chromb!, quatuor lyonnais éparpillant le jazz façon puzzle, du TNT plein leurs partitions. Leur découverte, il y a un an, m’avait mis en joie pour au moins trois raisons. Ils faisaient du boucan, mettaient leur virtuosité au service de leur musique plutôt que l’inverse et ils étaient Français. Leurs deux albums s’étaient taillés une bonne place dans la BO de mon année 2014, au point de jouer les prolongations ; ça n’est pas un scoop, mais ça va toujours mieux en le disant : on mesure les bons disques à leur résistance à l’usure. Ceci dit, pour peu qu’on ait pas complètement rendu notre dossard dans la GRANDE course à la découverte au pays de la clé de sol, le besoin de nouveauté, cette dépendance du toxico-mélomane, s’en vient régulièrement taper à la porte. Et ces derniers temps, je n’avais pas grand-chose à lui mettre sous la dent. Puis Saint Sadrill est arrivé.

Si Thom Yorke avait sorti un quatre titres pareil, la presse spécialisée en aurait déjà fait des caisses.

Ce lundi matin ressemblait à tous les lundis matin de glandouille, avec scrollage de rigueur sur Facebook quand soudain. Soudain, Antoine Mermet, saxophoniste de Chromb! s’invite sur mon fil d’info, annonçant, tout fier, qu’il vient de boucler le casting de zigotos qui vont l’accompagner sur scène pour défendre les morceaux qu’il compose sous le blaze Saint Sadrill. Passé la déception de constater que ladite tournée ne va pas passer par chez moi, je me rabats sur la fin de son post, où il invite à venir écouter ce que ça donne depuis sa chambre. Autant vous le dire tout de suite : j’en ai au moins jusqu’à la fin de l’année. Et il n’y a que quatre titres.

Je m’attendais au big bang, aux doubles croches crachées à la mitraillette et à une paire de suraigus plantés dans les tympans ; je me suis retrouvé avec des nouveaux trucs à chanter sous le Tahiti douche. Les musiciens talentueux ont ceci de formidable qu’une fois le Graal trouvé, ils se mettent à en chercher un autre. Exit donc, le bombardement en ternaire, bonjour la douceur des mélodies. Avec des sons chelous, faut pas déconner non plus. Et du chant, du vrai. Si Thom Yorke avait sorti un quatre titres pareil, la presse spécialisée en aurait déjà fait des caisses. Dans dix ans, peut-être… La patience n’étant pas mon fort, et parce que je dois en être à la soixante-douzième écoute en même pas une semaine, voici quelques trucs à savoir sur un EP en cours de construction (sortie prévue en septembre, LP en 2016), et qu’on ne peut écouter pour le moment que sur le Soundcloud du bonhomme, ce qui est fort dommage, si vous voulez mon avis. D’ailleurs, le voici.

Crooner (The Kiss Song). Ca commence tout recroquevillé, un pauvre beat en guise de fil rouge puis ça se redresse, et se redresse encore, une guimbarde à la place des tambours, avec ce chant comme enregistré depuis une nef à l’abandon. On finit les deux bras en l’air, les mains ouvertes, de la lumière plein les oreilles.

Don’t Miss The Loco. Chef-d’œuvre de poche. La chanson, art mineur ? Mon cul. Un cul, ça se bouge, sous l’impulsion de mille sons bizarres, d’un bon vieux couplet-refrain planqué derrière une exaltation peu commune, d’une variation autour de trois notes de clavier et d’une voix qui monte, qui descend et de chœurs venus allumer la dernière mèche. Vous chantiez ? Eh bien ! Dansez, maintenant. Voire les deux à la fois. Plus dingue, c’est possible ?

Soeheniona. Saint Sadrill aime la répétition, les boucles, les crescendo tout en pas de côté. Et fait ça très bien. On ne s’ennuie jamais. Après le mini solo de saxo pour réveiller les morts, on croit entendre le fantôme de Jeff Buckley venu se charger du final. Parfait pour se sentir vivant comme jamais.

Corq. Marcher dans les nuages. Fouiller sous la peau. Explorer sa mémoire. Claquer des doigts en silence. Ouvrir les vannes en fermant les yeux. Déclencher la sirène et oublier les incendies. Effleurer les nerfs.

http://www.antoinemermet.com
https://soundcloud.com/manvoydesaintsadrill

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