Dix ans d’activité pour un label rock, surtout en France, c’est souvent plus long que d’écouter un mauvais disque. Pour fêter l’anniversaire de Born Bad, on a donc voulu lui offrir un cadeau à la taille de sa pierre à l’édifice : une rencontre avec l’un de ses mentors, Patrick Mathé, fondateur de New Rose, pour un face-à-face forcément franc du collier.

Une entreprise, c’est toujours une histoire d’hommes. Les labels indépendants aussi, mais en pire. Les patrons de PME que sont Jean-Baptiste Guillot et Patrick Mathé en savent quelque chose, puisqu’ils ont tout creusé tout seuls. L’un vient de fêter les dix ans de Born Bad (et il semble en avoir bien ras-le-bol), l’autre a débranché New Rose voilà vingt ans (et il n’en a rien à foutre). À eux deux, ils représentent les pointillés d’une culture rock qu’on pourrait relier sans trembler tant leurs histoires, similaires, sont une anomalie discographique dans un pays fasciné par Téléphone, Mickey 3D et autres constipants auditifs.

Born Bad vs New Rose, rien ne les oppose. Ou presque. Le premier est sorti de terre en 2007 avec un nom en hommage aux célèbres compilations psychobilly, l’autre trente ans plus tôt, en 1976, inspiré par une chanson des Damned. Patrick Mathé, diplômé d’HEC, s’est lancé sans un rond dans une aventure inconsciente où il a croisé la route du Gun Club, d’Alex Chilton ou encore de La Souris Déglinguée. L’autre a fait ses gammes chez les majors au point d’en être dégoûté, puis a construit, seul encore, cette légende de « chevalier blanc paumé en banlieue qui s’est fait une place avec sa bite, son couteau, un rouleau de scotch et une connexion internet » (dixit). Et quand on pense à la boutique Born Bad, grande sœur du label éponyme, impossible de ne pas penser à celle, mythique, de New Rose, où les gamins des années 80 venaient trouver, sans doute, une bouffée d’air pur dans une époque marquée par le rock FM, initiales France Molle.

Voix de titi parigot contre voix de barreau de chaise, les deux résistants, chacun à leur manière, ont donc accepté de comparer leurs parcours, leurs visions et bien sûr, leurs disques. Le jour de la rencontre, Jean-Baptiste Guillot semble étonnamment sur la réserve (la suite de l’entretien prouvera qu’en bon diesel de la promo il met toujours un peu de temps à se chauffer), un peu dans ses petits souliers en cuir face à cette masse de moustache qu’il a souvent cité en interview comme l’un de ses rares modèles. Face à lui, une force tranquille ayant écoulé, l’air de rien, au moins deux millions de disques, non seulement en France, mais partout dans le monde. « J’ai jamais cherché à être médiatisé » avoue Patrick Mathé en préambule, ce à quoi Jean-Baptiste Guillot, aka JB Wizz, lui répondra sobrement que le monde de la musique a changé. C’est vrai qu’il a.

Et pour mieux s’en convaincre, ne reste plus alors qu’à poser le diamant sur la platine.

(C) Astrid Karoual
(C) Astrid Karoual

J’ai cru comprendre que cette rencontre était la première, et que vous ne vous étiez jusque-là jamais croisé. Pardonnez-moi, mais ça semble assez improbable.

Patrick Mathé : Jamais !

JB Wizz : Non, on ne s’est jamais rencontré. On ne se connaît pas…

Patrick Mathé : Et puis on n’est pas de la même génération… J’ai pratiquement arrêté [New Rose] quand lui a commencé !

JB Wizz : Et puis, aller voir les gens pour leur dire « j’aime beaucoup ce que vous faites »… pas trop mon truc.

Patrick Mathé : Pareil.

JB, cela fait dix ans que tu cites New Rose dans les interviews, comme l’un des modèles qui t’a donné envie de fonder Born Bad. A quand remonte ta première rencontre avec le travail de Patrick ?

JB Wizz : Ca a commencé avec le disque du Gun Club, « Sex Beat ». Ah non, en fait le disque que j’ai le plus usé c’était le premier de La Souris Déglinguée [1981, NdlR] avec lequel je me suis personnellement construit, littéralement. Même aujourd’hui je peux encore te citer les paroles, tout. Je reste un fan inconditionnel. Et puis après il y a eu le lancement de ton label de réédition, Fan Club, avec le disque des Sonics, énorme claque ! C’est là que je bascule dans le garage.

Patrick, en quelle année s’arrête précisément New Rose ?

Patrick Mathé : 1994, pour être exact. Deux ans plus tôt, j’avais vendu le label à Fnac Music [lire notre dossier dans le Gonzaï n°13] mais j’ai continué à diriger New Rose jusqu’à ce que Fnac Music se casse la gueule. Ce qui entre nous a été la meilleure chose qui me soit jamais arrivée puisque je leur ai racheté mon catalogue, mais beaucoup moins cher que ce que je leur avais vendu, ah! ah ! Le hold-up du siècle ! Et puis après j’ai lancé le label Last Call, toujours en activité, même si je sors plus de disques… je suis pas maso.

Donc si je comprends bien, JB, tu n’as pas rencontré New Rose de son vivant, si je puis dire.

JB Wizz : Non. J’ai 43 ans, j’étais trop jeune, trop fauché. Mais y’avait toute la diaspora provinciale qui montait à la boutique New Rose le week-end, pour acheter des piles de disques. Des PILES ! Ca, ça n’existe plus aujourd’hui.

Ca tombe bien qu’on en parle : New Rose c’était un label mais aussi un magasin, à la manière de ce qu’a lancé, même époque, Rough Trade en Angleterre. En France, hormis Skydog fondé par Marc Zermati dans la foulée de l’Open Market, il n’y avait alors pas de modèle semblable. D’où t’es venue l’idée ?

Patrick Mathé : Avant New Rose, je dirigeais un magasin nommé Music Box, vers 1976. Le mec ne savait pas trop quoi en faire… et c’était l’époque du punk à Londres. On s’est donc lancé comme ça… et ça a cartonné ! Alors que pourtant à l’époque, rue Saint Sulpice, hormis des articles pieux, y’avait que dalle. Au bout de deux à trois ans, comme j’étais salarié et que j’avais l’impression de me faire arnaquer, je me suis barré pour fonder New Rose avec un gamin que j’avais engagé comme vendeur, Louis Thevenon. Tu parles de Zermati, oui à l’époque c’était un vrai Parrain ; mais il aurait mieux fait de monter un vrai catalogue ; il avait vraiment toutes les cartes entre les mains.

« Mon modèle c’était Mélodie Massacre à Rouen. » (Patrick Mathé)

Le côté label-disquaire, économiquement, c’est immédiatement rentable ?

Patrick Mathé : C’était assurément la bonne formule ! Un magasin, c’est un lieu où tu rentres de l’argent tous les jours, ça fait tourner la machine. Le label, si tu arrives sans un sou et que tu veux sortir un disque, t’es comme un con. Il se trouve que moi, n’ayant pas une fortune personnelle, fallait que je fasse entrer immédiatement de l’argent. Au départ quand on s’est lancé, l’idée c’était de sortir quelques disques par an pour se faire plaisir. On n’avait pas du tout prévu que le label allait prendre le dessus à ce point là. Mon modèle c’était Mélodie Massacre, à Rouen…

JB Wizz : Et tu as d’ailleurs sorti les frères Tandy [de Rouen, NdlR] et tous les Olivensteins…

Patrick Mathé : Ouais mais non. J’ai financé l’album de Gilles Tandy, qui était produit par Dominique des Dogs. Mais j’ai signé Tony Truant aussi… c’est un mec que j’adore. Bon le disque, il l’avait fait avec les producteurs de Pow Wow à l’époque, ça a été un four.

De ton côté JB, la boutique Born Bad est une sorte d’ambigüité en revanche. Il y a toujours eu un lien avec le magasin du même nom, mais l’idée n’était pas de faire un New Rose bis.

JB Wizz : Non. Surtout que ce n’est pas moi qui suis à l’initiative du magasin. Pour moi c’est de l’opportunisme : j’ai tenté de trouver des solutions pour ne pas subir la crise du disque, mais en cloisonnant la boutique et le label, pour pas que l’un coule l’autre. Avec cette vitrine physique, j’avais la possibilité de passer entre les gouttes… et j’ai bien fait parce que quand je sors un disque, j’en vends encore des caisses chez Born Bad ! Au minimum, cent copies par référence…

Patrick Mathé : C’est pas des chiffres de merde dis donc.

JB Wizz : Par contre toi quand la société New Rose a fermé, tout s’est arrêté.

Patrick Mathé : Bah ouais. C’était compliqué. La séparation avec mon associé n’a pas été facile. Quand le divorce a été prononcé, lui il a eu le magasin et moi, le label. C’est ce que je souhaitais de toute façon : le magasin s’est cassé la gueule six mois plus tard, en 87…. A la fin des années 80 en tout cas.

« Quand tu fais un label, tu peux pas être démocrate, ça n’a pas de sens. » (Patrick Mathé)

Comment tu vis le divorce à l’époque ? Là ça ressemble un peu au papa qui garde un enfant et la mère qui garde l’autre.

Patrick Mathé : C’est un peu ça, ouais. Quand deux associés se séparent, y’a ce qu’on appelle la séparation des biens…

JB Wizz : Et toi tu étais beaucoup plus impliqué sur la partie label. Et vous n’aviez pas les mêmes goûts musicaux non plus…

Patrick Mathé : Complètement. Thevenon était plutôt new wave [il créera le label Lively Art par la suite, NdlR], moi plus garage et rock’n’roll. On va donc dire que sur la partie discographique, j’ai pris le pouvoir assez vite. Quand tu fais un label, tu peux pas être démocrate, ça n’a pas de sens.

(C) Astrid Karoual
(C) Astrid Karoual

Si l’on compare vos histoires, il y a donc d’un côté New Rose, où la démocratie partagée n’a pas fonctionné, et de l’autre Born Bad, avec cette image d’Epinal de JB, seul dans son jardin, en train de préparer les shippings de disques à envoyer avec une brouette…

JB Wizz : Ah mais c’est le cas ! C’est très dur de partager une vision artistique…

Et ça n’empêche que, selon les témoignages, New Rose s’exporte à l’époque bien au-delà des frontières françaises.

JB Wizz : Mais c’est vrai ! Patrick, chez lui il a des disques d’or, des disques qui se sont vendus à plus de 100 000 exemplaires !

Patrick Mathé : Oui bon… à une certaine époque New Rose était devenu le plus gros label texan. Au milieu des années 80, le réseau indie américain c’était peau de zob. Moralité, on cartonnait là-bas avec des artistes américains que personne n’avait voulu signer. Conclusion : les mecs débarquaient avec leurs bandes produites sous le bras et venaient me voir pour signer les licences. Quand ça a commencé à se savoir, la boîte aux lettres a débordé, littéralement, de trucs qu’on nous envoyait des USA ! C’est comme ça que je me suis retrouvé citoyen d’honneur de Memphis, des conneries comme ça… On vendait les disques outre-Atlantique par dizaines de milliers… Le jour où j’ai signé Calvin Russell, y’a pas un mec à Austin qui en voulait ! Bande de cons !

JB Wizz : Idem pour les Cramps, non ?

Patrick Mathé : Disons qu’aux Etats-Unis ça marchottait, idem pour Suicide. Mais oui, pour eux l’Europe a été la voie du salut, comme pour d’autres.

Mathé et Calvin Russell

A quel moment prends-tu conscience que tu vas devenir une terre d’accueil pour tous ces pestiférés ?

Patrick Mathé : A aucun moment. Maintenant que je refais le film, ça semble plus clair. Mais à l’époque, ma seule passion, c’était de sortir des disques. Mon rêve, c’était de bosser avec des gens que j’avais admirés quand j’étais gamin, et c’est pour ça que j’ai travaillé avec Bo Diddley, Sky Saxon, Roky Erikson… Bon faut dire que pardon, même sans internet, trouver des groupes c’était presque facile. Encore qu’Alex Chilton, par exemple, il m’a fallu quatre ans pour le trouver et le signer… inimaginable de nos jours !

Pour la petite anecdote, la légende raconte qu’un jour, Jeffrey Lee Pierce du Gun Club, furieux, avait passé la nuit dans Paris à chercher Bertrand Cantat pour lui péter la gueule. Info ou intox ?

Patrick Mathé : Intox ! Mais il est vrai qu’il était furax de ce qu’il faut bien appeler un plagiat. Je plaide coupable : c’est moi qui, à dessein, lui avait glissé les disques de Noir Désir…

Quels étaient tes concurrents en France ?

Patrick Mathé : Au départ, y’a personne. Après quelques années, Danceteria, à Lille, a décidé de nous rayer de la carte ; les mecs avaient les dents qui rayaient le parquet faut dire. Mais ils n’ont pas réussi.

JB Wizz : Quid de tes rapports avec Celluloid ?

Patrick Mathé : Excellents. On n’était de toute manière pas sur la même ligne musicale, et je me suis toujours très bien entendu avec Castro et Karakos.

« Quand j’ai commencé Born Bad j’avais aucune charge, à peine un abonnement téléphonique et une ligne internet. »

Patrick, même question que pour JB, à quel moment as-tu découvert Born Bad ?

Patrick Mathé : Pour être honnête, je connais le label et apprécie la démarche, mais je connais peu les disques qu’a sortis JB.

JB Wizz : Toi tu vas repartir avec des disques…

Patrick Mathé : J’avoue avoir perdu tout contact avec le milieu actuel du disque.

JB Wizz : En parlant de ça, je me souviens d’une interview où tu disais qu’à l’époque, New Rose pouvait compter sur un réseau de distribution d’environ 3000 disquaires… 3000 disquaires !

Patrick Mathé : Non, non. J’avais un listing avec 2600 comptes [points de vente, NdlR)], soit à peu 400 disquaires solides. Le premier disque qu’on a sorti sur New Rose, c’était le « Paralytic Tonight, Dublin Tomorrow » des Saints et Dieu merci, j’avais gardé mon listing du temps où je bossais chez RCA. Donc j’ai fait quoi ? J’ai pris mon téléphone, en deux jours j’en ai vendu 6000 !

JB Wizz (dépité) : Ah non mais c’est pas possible ça…

Patrick Mathé : Bah ouais, c’était comme ça mon pote, ah ! ah ! Si tu voulais vendre des disques, c’était possible. Calvin Russell, idem, personne connaissait ce mec mais on en a quand même foutu 12 000 en place dans les magasins.

Pour combien de ventes au final ?

Patrick Mathé : Les trois premiers albums se sont vendus à plus de 200 000 copies. Et puis après la parenthèse Fnac Music, je l’ai mis en licence chez Sony et tiens-toi bien : c’est là que les ventes ont baissé, ah ! ah ! Bon au global sur Calvin on a du vendre un million de disques quand même…

JB Wizz : Totalement délirant.

« Ca te ferait rire, toi, de passer 10 heures à scotcher des cartons de disque ? » (JB Wizz)

JB, pour rebondir sur la vente de New Rose à Fnac Music, imagines-tu que tu puisses, un jour, revendre Born Bad ?

JB Wizz : Oui, bien sûr. Je le revendrai à l’autre là, Matthieu Pigasse !

Patrick Mathé : Moi si j’ai vendu New Rose, c’était pas par plaisir. C’est qu’à l’époque on sortait d’une période de merde avec la récession, à cause de la Guerre du Golfe. Ca a tout foutu par terre ; moi j’avais trente personnes à payer. En face, t’avais la Fnac qui voulait devenir la major française et qui nous sort le carnet de chèques ; j’ai estimé que c’était la meilleure solution.

JB Wizz : Moi à l’inverse quand j’ai commencé j’avais aucune charge, à peine un abonnement téléphonique et une ligne internet. Tu vois bien la différence d’économie de moyen avec New Rose, à trente ans d’intervalle.

(C) Astrid Karoual
(C) Astrid Karoual

Patrick Mathé : Le pire, c’est que les plus grosses ventes de ma vie, je les ai faites avec Last Call, où j’avais seulement deux employés.

JB Wizz : Putain…

Patrick Mathé : Et le pire du pire, c’est que ma plus grosse vente, c’est pas avec un disque de rock, c’est avec… un lama tibétain, Lama Gyurme. Le mec avait fait un disque avec Jean-Philippe Rykiel, fils de Sonia, que m’avait envoyé Fabien Ouaki, le patron de Tati que j’avais eu comme vendeur chez Music Box à l’époque où il était punk ! Quand il a repris la direction de Tati, le mec s’est converti au bouddhisme et a financé l’enregistrement de ce lama… il était convaincu que j’en voudrais pas, sauf que moi je m’emmerdais dans mon bureau. Tout le monde s’est foutu de ma gueule quand j’ai signé ça mais putain, on en a vendu 500 000.

JB Wizz : …

C’est important les chiffres de vente, quand on est un patron de label indépendant ? Est-ce un jeu de regarder les scores, au quotidien ?

Patrick Mathé : Des Dead Kennedys aux Béruriers Noirs, tout le monde s’intéresse aux chiffres, même les plus radicaux. Faire de la belle musique qui se vend pas, ça rend personne heureux.

JB Wizz : Ouais n’empêche qu’en entendant ce que tu vendais à l’époque, je comprends que ton pire échec c’est ma meilleure vente d’aujourd’hui. Le plus important pour moi, ce sont les jauges en concert. Voir des groupes avec lesquels t’es parti de zéro, avec leurs trois potes bourrés, commencer à remplir des groupes de 500 à 1000 personnes. Là tu vois le résultat de ton boulot. Moi j’ai aucun recul au quotidien, je passe mes journées à envoyer des mails, répondre à des coups de fil… c’est quand tu sors que tu peux mesurer l’engouement que tu peux susciter. N’empêche qu’à force de préparer des commandes de disques et de faire un métier de chien, moi j’ai l’impression de loser toute la journée ! Ca te ferait rire, toi, de passer 10 heures à scotcher des cartons de disque ? Après ça, t’as du mal à aller faire le malin en soirée putain ! Appelle Pigasse s’il te plaît… ah ! ah !

Patrick Mathé : C’est pas déshonorant de vendre…

JB Wizz : Le problème c’est pas de vendre, c’est de BIEN vendre. Si tu viens avec 10 000 €, je vais pas te donner Born Bad. A un million, tu repars avec les clefs et tout le barda.

« Maintenant tu vends plus des disques, tu vends des histoires aux gens. » (JB Wizz)

Ah c’est un message pour nos lecteurs ça… Y’a des jours où t’en as plein le cul de Born Bad ?

JB Wizz : Nan mais tu plaisantes ? Tout le temps ! Quand tu vois l’énergie que tu mets dans les choses, le temps que ça te prend et l’énergie que ça nécessite, tu fais la colonne des plus et des moins et je suis désolé de te le dire, mais c’est dur de toujours rester du côté positif. Alors oui, reste l’aventure humaine. C’est ça qui m’intéresse, l’épopée. Les disques ne sont plus qu’un prétexte, maintenant tu les vends plus, tu vends des histoires aux gens. Bosser avec des connards qui vont pourrir ma vie, pas envie, moi je veux juste rencontrer des gens avec qui je suis heureux de partager quelque chose. Mais j’ai aucun problème à imaginer que tout puisse s’arrêter dans deux ans ; Born Bad n’a pas vocation à être repris par ma fille, puis la sienne et ainsi de suite.

(C) Astrid Karoual
(C) Astrid Karoual

Parlons maintenant de tout ce qui, comme disait Jil Caplan, vous sépare. Patrick, New Rose s’est fait reconnaître grâce à ses artistes américains ; et toi JB, pour ta volonté de signer exclusivement des artistes français. Dans les deux cas, était-ce une volonté, un manifeste ?

JB Wizz : Dans mon cas, c’est une volonté. Envie de devenir acteur du développement d’une scène locale. Et je sais que le label a contribué à tirer le niveau français vers le haut ces dernières années. On vit dans une période faste en France, pour la musique.

Patrick Mathé : Et attention, j’ai aussi signé des artistes français ! Mais l’activité américaine s’est développée naturellement, et il se trouve que ça a cartonné. Pour les Français, il faut dire que des bons, il n’y en avait pas tant que ça. Et comme on avait parallèlement toute la scène indépendante alternative en distribution, j’allais quand même pas les piquer à mes confrères. Mais on a quand même signé des artistes comme Gilles Tandy, les Soucoupes Violentes ou Les Lolitas, qui reste mon groupe préféré.

JB Wizz : Et puis il y a ce groupe que j’écoute tout le temps, Les Calamités… Dans mon top 5 des disques New Rose.

https://www.youtube.com/watch?v=pcM5sU1JWwo

Et comment Dick Rivers s’est retrouvé signé chez toi, Patrick ?

Patrick Mathé : Ah… je me suis fait injurier à l’époque. Quand t’étais signé chez New Rose, fallait que tu sois rock’n’roll, sauf qu’être formaté rock’n’roll à vie, y’a rien de plus chiant. Donc bref, Dick, quand j’avais 13 ans, c’était mon idole. Et j’ai toujours aimé ses disques. Donc le jour où on se rencontre, et qu’on s’aperçoit qu’on est tous les deux fans de Buddy Holly, on se dit qu’on va partir enregistrer un disque de reprises à Memphis. Et on le fait.

JB, c’est quoi le disque pour lequel tu t’es le plus fait caillasser par ton public intégriste ?

JB Wizz : La Femme, évidemment. Surtout maintenant que grâce à Facebook tu peux injurier les gens en direct. C’est marrant le point d’honneur que mettent les gens à venir te dire que tu fais de la merde ! Le problème sur ce groupe, c’est même pas la musique ; c’est leur succès. C’est terriblement suspect en France, de réussir. Quand ça lose, c’est formidable mais dès que ça cartonne…

Comme vous avez tous deux dépassé le cap des dix ans d’âge pour vos labels respectifs : c’est compliqué pour un patron de label, de continuer d’avancer sans trop regarder en arrière ? A quel moment ça commence à coller aux basques, le passé ?

Patrick Mathé : Maintenant que je suis un vieux monsieur, on vient me rendre visite comme Saint Louis sous son chêne, pour me rendre hommage. C’est délicieux, j’adore. Mais quand New Rose était encore ouvert, j’en n’avais rien à foutre. Un artiste me plaisait ? On sortait le disque, sans réfléchir. J’ai passé ma vie à sortir des disques que j’aimais, et à essayer de les vendre, ça ne va pas plus loin. Quand le marché a commencé à perdre 15 % par an, vers 2003, je me suis dit que c’était le début de la fin, du moins pour moi.

JB Wizz : Chez moi, c’est plus cérébral. Aujourd’hui, tu ne peux plus sortir un disque uniquement parce qu’il est bien. Il faut aimer les mecs, que leur live soit bien, etc.

Dernière question pour rebondir sur les dix ans de Born Bad : faire et vendre du rock en France, c’est une fatalité ? Avez-vous déjà eu l’impression d’être nés du mauvais côté ?

Patrick Mathé : Pour moi, ça a été une grande opportunité. New Rose, pour les Ricains c’était exotique parce qu’on était justement français. Même en Angleterre je n’aurais pas pu avoir la même carrière, les réseaux étaient saturés.

JB Wizz : Moi je réfléchis jamais à ça, je suis né ici. Mais oui ça a été difficile, comme avec la crise du disque, le manque de moyen pousse à la créativité, à la castagne ; tu dois trouver des solutions sans pognon. L’autre fois je regardais les vidéos sur ma chaîne YouTube, doit y avoir 800 vidéos. 800 vidéos ! Tout cela m’a permis d’être à 200 % par rapport à mes propres limites, intellectuelles et physiques. Qu’on aime ou pas, Born Bad m’aura au moins permis ça : donner, tout le temps, le meilleur de moi-même.

Toutes les dates de la tournée des 10 ans de Born Bad, partout en France, sont ici.
Quant à Patrick Mathé, il vous attend cigare aux lèvres sur la page Discogs de Last Call Records.

23 commentaires

  1. Putain ca vous casserait les pattes à tous là de sortir des K7?
    Et tous ces mecs qui vendent des disques sans pouvoir faire ecouter. Platines portables tu connais? Walkman tu connais?,non tu te casses le dos avec tous tes disques jusqu’au Petit Bain,en esperant qu’on achete juste sur l’impression de la cover? Les gens ont que ca a foutre entre les premieres,deuxieme parties des soirees,que de decouvrir de la zique,mais vous non,ca vous effleure pas l’esprit d’investir dans des players portables.
    Putain vous etes quand meme des nazes,et disquaires inclus.
    Ouvrez cette putain de cellophane et mettez des bornes d’ecoute,vous croyez que ca nous plait de demander 5 fois de suite a la vendeuse si elle peut nous faire ecouter sur le web tel ou tel morceau.
    Au lieu de monter en epingle des faux labels indés,on sait trop pour quelle raison,une sorte de lievre peut etre,feriez mieux de faire vos lapins blancs.
    Titi toi?
    mes fesses de titi.

    1. Belle fesse de titi .. Mais on a pas vu tes fesses et on comprend rien à ton post ..Je dois être vieux.. Mais tu es rigolo et donne nous ta marque de drogue ..

      1. « j’ai deja vu ça quelquepart » comme dirait l’autre. un gonze qui a rien à repondre,qui fait semblant de pas comprendre, mais qui vient me les casser quand meme en me traitant de shooté.
        Il se trouve que le sevrage est le lapin qui veut redevenir blanc,mais…quelquechose me dit que tu le sais deja.
        Born bad=new rose=rough trade=arnaque,si ya encore des gens qui l’ignorent,et ca me dérange que parce que en terme d’arnaque yavait beaucoup mieux à faire,comme yavait mieux à faire avec feu magicrpm,comme les disquaires font de la merde,comme on pourrait se payer 4 K7 pour le prix d’une putain de galette poussiereuse.
        Tout ceci à dépoussierer,sans vouloir jouer les Morpheus.

  2. $HIT & VOMIT cause they dont believed what they said, we knows the GUYS, one in Burgundy, the other in Paris suburds with le garden, don’t care where they lives, they just scrawl bands.

      1. Super interview en tout cas. Et j’espère que Born Bad offrira à la France encore 10 ans de supers galettes. Elle en a bien besoin.

  3. En fait, faché à cause du nom du label. Et ces cccoooouuuuvvvv des albums de CHEVEU. nan mais t’esperes quand meme pas nous vendre ça?
    la tronche du mec de teledetente666 sous le pied.parce qu’il se pointe avec sa pile de disqes madein stras bourg, uh? comment tu veux que j’achete ta cam,fais gouter. non? alors nike ton squat conard.
    nique ta zique. nique ton chien.
    MagnetIx. magnetix. serieusement,c’est un nom de groupe valable? meme a 3 grammes j’aime pas ce nom. putain,et l’autre qui vient nous dire que la France a besoin de bornbad. cetait mieu sans,putain de pute,
    des vrais labels,des vrais artistes,des filles qui en jouissent et des k7 plein le coffre.
    et ca continue de croire dans le vinyle.
    vendez tout.

  4. On dirait que la possibilité de laisser des commentaires anonymes affute le verbe des petits gangsters numérique! 😀 Merci à vous Patrick et Jb! c’est des mecs comme vous qui faites avancer le schmilBlik! Spéciale dédicace au petit gonz qui vient se la jouer hype avec son « le vinyl c’est so 2016, la k7 y’a que ça de vrai… » branleur. Quand il y aura assez de gonz comme toi a donf de K7, les labels en referons, pas de pb! c’est pas le support qui compte, c’est la zique et le processus qui permet de faire des choses bien sans compromission. De toute manière vous êtes tous tellement 2017 bande de nazes, Vive le DAT!…non vive le iPod! (j’entend dans l’oreillette que la prochaine hype se développe autour des fichiers aiff vintage d’avant 2005!)

    1. « C’est pas le support qui compte »
      à un moment donné,quand les labels arrivent à tout juste survivre,SI IL FAUT SE POSER LA QUESTION DU SUPPORT. Et des vendeurs,c’est à dire des disquaires,qui,ä de rares exceptions prêt,sont tous des gens qui attendent sagement derrière leur comptoir le miracle du mec qui va rentrer dans leur boutique et acheter quand même des disques qui sont tous ou presque cellophanés. C’est comme si tu allais dans une épicerie remplie de conserves sans étiquettes. Citez moi un commerce où tu ne peux pas essayer avant d’acheter. Tu vas chez Dangerhouse à Lyon,tous les disques sont ouverts,et donc écoutables. Et tout est à 20 euros en moyenne. Bon ok tous les disquaires peuvent pas vendre à ce prix mais franchement je me repete,ce sont quand même des nazes pour la plupart. FAITES PÉTER CETTE CELLOPHANE. Même à la Fnac tu peux écouter les disques !! Les disquaires ont complètement oublié qu’ils doivent faire DECOUVRIR !!
      ça c’est pour les vendeurs.
      Et concernant le support,oui il y a pas de cassetttes,c’est pas une question de trouver le vinyle so 2016,branleur qui lit en diagonale,c’est une question que les disques à 25 euros ca va bien deux secondes,et donc le format K7 est clairement pertinent en 2017. Et force est de constater que pas assez de labels (donc Born Bad) l’ont compris.
      cqfd
      ps: message écrit en allant acheter un ipod que je vais remplir de fichiers Audacity enregistrés via bandcamp,en attendant des vendeurs de k7

  5. paralysed tonight Dublin tomorow en mains propres le white label , j’avais laissé une toise de 9000francs.

    J’ai aussi un magnet (chipé) born bad, j’amais rien laissé a lui!

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