Le statut de pigiste étant ce qu'il est (à savoir la plus belle profession du monde, où les primes ne succèdent pas aux bonus de fin d'année et où avoir un 13ème mois s'avère aussi probable que de danser une polka avec Chewbacca au Baron), être chroniqueur musical chez Gonzaï n'est pas encore reconnu par la sécurité sociale comme faisant partie des professions à risques. A tort.

Ecouter de la pop music en 2014, c’est un peu comme aller chez Carrefour un samedi après-midi avant un week-end de 3 jours : un long, très long chemin de croix duquel on ressort souvent le caddie repu mais sans avoir éprouvé le moindre soupçon de plaisir. La mélancolie guette. Au-delà de ce bilan un peu dark, il y a l’homme. Celui qui écrit ces quelques lignes. On ne va pas tortiller et regarder pendant des heures le hublot de la machine à laver pour savoir s’il y a par erreur du canard WC à l’intérieur, alors disons simplement que cet homme là n’a plus forcément envie de se fader à la chaîne des groupes sans intérêts ou d’écouter distraitement au kilomètre des albums mineurs (à ses yeux).

Plus envie non plus de passer des heures à bouffer de la boîte de conserve pour enfin dénicher un album tout droit sorti de chez le traiteur. Et pourtant, il s’y colle. Et pas qu’un peu. L’écoute prolongée au casque irrite ses oreilles, les écrans Spotify succèdent aux écrans Soundcloud ou Bandcamp, les vinyles tournent, l’aveuglement chromatique guette. Et c’est l’ennui qui le gagne. Jusqu’à ce que…Je ne vais pas détailler ici les quelques expériences douloureuses qui m’ont amené à vous parler de « Go easy », le nouvel album de Blank Realm, car elles n’intéressent probablement que mon banquier et l’actionnaire principal de la RATP. Penchons nous plutôt sur cette véritable surprise qui vient tout simplement de sauver ma semaine.

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En musique comme en Curling, ce qui compte, c’est avant tout le résultat.

L’affaire est entendue, les 8 titres de « Grassed Inn » m’ont retourné comme une crêpe à Douarnenez en pleine chandeleur. Non, sincèrement, là, je crois qu’on tient quelque chose : un disque, un vrai. Pas un machin lyophilisé qui sentirait bon la pop Ikéa ou le rock Canada Dry mais un véritable ovni sonore. J’ai aussi la sensation d’avoir rencontrer un groupe sur lequel on va pouvoir compter pour multiplier dans un avenir proche les acouphènes chez nos amis mélomanes.
Pour celles et ceux qui ont activé la géolocalisation sur leur smartphone et qui ont en permanence besoin d’être guidés par une parole divine, résumons cette galette en une formule expéditive et forcément réductrice : le mix parfait et déjanté entre Télévision, Suicide, et les Go-Betweens. Tout ça sous LSD (actuellement non disponible chez Carrefour), produit à coups de rasoirs ultra-aiguisés. Ca sature parfois un peu au niveau des pavillons, ça grésille au niveau des bouchons, mais dieu que c’est bon d’entendre enfin des morceaux solides comme des parpaings. Voilà un disque trop peu visible (en soirée Youtube entre potes, ça s’entend mais dans les médias de tout poil, beaucoup moins) qui tient pourtant la route de fort belle manière.

Alors, qui sont ces Blank Realm ? Un quatuor australien originaire de Brisbane configuré Pixies : 3 hommes et une femme (certes aux claviers, donc pour les Pixies, on repassera). Là, j’en vois déjà certains d’entre vous faire la gueule : le pays des kangourous n’est-il pas celui qui donna naissance aux immondes Midnight Oil et INXS? Certes, certes, mais également aux Go-Betweens, aux Easybeats, à Nick Cave ou encore aux Saints, etc, etc. Bref, ce pays n’est pas uniquement le père spirituel de Crocodile dundee. L’Australie, c’est surtout très loin, et les groupes issus de cette contrée tournent assez rarement en Europe, d’où une méconnaissance certaine d’une scène wallabie pourtant très riche, mais géographiquement underground.

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Jusqu’ici, je confesse ne pas avoir vraiment prêté attention à ces Blank Realm pourtant sur le marché depuis 2007. Très actifs depuis leur création, ils avaient sorti en 2010, « Déjà What? », puis l’année dernière « Go easy », album de rock psyché assez jusqu’au-boutiste, à déconseiller aux oreilles sensibles, mais à recommander fortement aux amateurs de sensations fortes. Avec « Grassed Inn », le groupe met un peu d’eau dans son vin et du sucre dans ses mélodies. C’est toujours aussi noisy, mais du noisy blindé de refrains accrocheurs, de gimmicks Haribo et de riffs sérial-killers. Pour ceux qui en douteraient encore, on a affaire ici à de véritables songwriters, à des chantres d’une pop festive et psyché qui s’écoute plus facilement dans un squat en headbangant à mort que le fessier posé sur un canapé Habitat.

Et puis, ce qui sidère, c’est l’accroche immédiate, la prise en main instantanée que procure le titre d’ouverture, Back to the flood. On se dit alors que, comme nombre de leurs contemporains, les Blank realm dégainent leur meilleure cartouche d’entrée de jeu et que le reste sera plus difficile, moins percutant. Ô surprise, c’est tout le contraire qui se produit : l’album gagne en consistance au fil des titres, puis au gré des écoutes répétées en salon, salle de bain, métro ou rollers en ligne.

En vrac, on y trouve des cordes et des synthés à la pelle, des guitares tranchantes et surtout des hymnes pour l’année à venir. Au hasard, Bulldozer love défonce tout sur son passage et les german MILF n’ont qu’à bien se tenir au canapé (toujours de chez Habitat, pour ceux qui n’ont pas suivi) si elles ne veulent pas se crasher sur la moquette Saint-Maclou. Avec Reach you on the phone, Blank Realm assène un morceau catchy de chez catchy, nerveux et vénéneux, un truc qu’auraient pu sortir les Buggles s’ils avaient enregistré avec David Axelrod ou Kim Fowley. Difficile de ne pas entonner ce refrain sous la douche ou en épluchant des carottes Bonduelle, c’est dire la qualité de l’affaire, messieurs, dames.
Les voix sont un autre atout de cette affaire : un homme, une femme. Siblings Daniel and Sarah Spencer. A quelques années près, on se croirait revenu chez Prefab Sprout ou Papas Fritas, mais en mode survitaminé, avec potards à fond, lignes de basse dantesques et guitares fuzz saturées de partout.

Alors que dire de plus à celles et ceux qui ne seraient pas encore aller faire un tour chez leur fournisseur de streaming préféré? Peut-être que ce disque tout-terrain emporte la mise haut la main et que ça fait plaisir au pigiste. Mélancolie, tu ne m’attraperas point. Ce n’est que probablement que party remise, mais cette fête risque de durer un bon moment. Blank Realm vient de me mettre au tapis dès le premier round, façon Mike Tyson, et devrait en surprendre plus d’un.

J’allais oublier, le statut de pigiste chez Gonzaï étant ce qu’il est, toutes les marques précitées peuvent me contacter par Colissimo afin que je leur communique dans les plus brefs délais possibles mes coordonnées bancaires. Toute contribution sera reversée dans une cagnotte collective destinée à acheter une nouvelle poupée gonflable à l’équipe, pour cause de surchauffe passagère liée au Gonzaï show. Sur ce, je vais appuyer sur Play, tiens, et m’en remettre une couche.

Blank Realm // Grassed Inn // Fire Records
https://soundcloud.com/blank-realm

1 commentaire

  1. « Siblings Daniel and Sarah Spencer »
    oh le vilain copier/coller!
    pour ton information « siblings », ça veut dire fratrie en anglais
    Le nom est donc Daniel Spencer et non Siblings Daniel…

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