L’œil bleu jette un regard circonspect sur la pièce : vision d’horreur. Tant de jeunes gens et aucune beauté. Juste des coquillages sans même l’odeur d’iode. Rien ne bat en eux. Le vide est palpable et le manque de grandeur crée un vortex dans lequelle se plonge le spleen. C’est l’une des dures lois des années qui passent : on y apprend que la déception est un lieu terriblement commun. Et que les êtres flamboyant se comptent sur le bout des ongles.
Les gens sont mous, du mou de veau maladif et imperturbable.
Alors on sert les dents en espérant tomber sur les bonnes personnes. Quelques disques en support moral : Marquee Moon car ses notes vont droit au cœur ; T.B Sheets pour maintenir le Rhum à niveau; Coney Island Baby pour prier le soleil… Dans le méandre des tristesses, la musique est de la codéine qui place le nez au niveau de la surface. Le tout est de ne jamais se laisser sombrer : ne pas redevenir un monstre marin et un outsider du jeu social. Quitte à abandonner la partie, autant y jouer le hors-la-loi.
Le Black Rebel Motorcycle Club, c’est le papier tue mouche des sentiments adolescents: il les attire, les absorbe et n’en finit de les stimuler. Je me suis souvent demandé pourquoi ce groupe était tant charrié dans la presse spécialisée. Le BRMC possède à peu près tout ce que la fiche de notation du rock-critic contient de catégories : allure, son, appartenance à une scène, un nom, une esthétique et une proposition. Pourtant, impossible pour eux de faire un pas sans être moqué, guignolos du cuir et mauvais jouisseurs des opiacés. O.K…
Mais c’était oublier que tous ces spécialistes ont dépassé l’âge de se prendre le groupe en pleine face d’adolescents purulents. Oui ! Il fallait avoir 16 ans en 2002 pour toucher la moelle du gang. Impossible sinon.
2002, le ciel est continuellement gris dans le pays de Flaubert. Et de Flaubert, il ne reste que l’ennui sans le sexe. Les jeunes ici sont translucides, couleur de la rage résignée. Leurs hormones se monte en guirlandes sous les sonorités les plus extrêmes : métal noir, tout en double croche et voix gargarisante. Alors ils creusent une tombe tout en réfléchissant a ce qu’ils vont y plonger. Le miracle souvent, c’est de ne pas s’y enterrer soi-même.
C’est dans ce contexte que j’ai grandi avec amusement. Trépignant de vieillir en promesse a la fin de cet ennui. Alors, en attendant que le temps s’écoule, il fallait apprendre et expérimenter. Nous appellerons cela la phase de maturation. De toutes les choses découvertes, restait ce groupe, aimé par la fange sombre de la jeunesse. L’un des seuls que nous avions en commun. Le premier contact : Spread Your Love. Une injonction pressente, hippie inversée, ordre de manœuvre ridicule. Mais il y avait de la méchanceté dans ces morceaux, ainsi qu’énormément de dédain. C’était l’apprentissage de la combustion. Des chansons qui brulaient comme les cigarettes. De nouvelles compagnes passionnantes et adictives. Du poison sans faille.
Ce groupe arrivait a réunir deux publics : metal adiccts et rockeurs boutonneux. Pourquoi ? Tout comme dans le metal, on y retrouve des rythmiques lourdes, une batterie qui « bastonne » et cette couleur sombre, quasi gothique. Pour les autres, l’urgence, des guitares, le blues et la drogue. Camée, cette musique portait les stigmates d’une défonce dure, la mâchoire ballante et les nerfs optiques en acier.
Puis il y eu le vrai miracle : un album qui resterait comme ma découverte de l’agonie. Howl racontait la mort. Dés le début et de manière intrinsèque. Rien que la mort et la rédemption. Ils y avaient choisit les sonorités acoustiques pour jouer de la musique comme on joue avec un squelette. Une idée géniale.
Aujourd’hui, le cinquième album sert de bilan pour tout ce que nous avons perdu. L’esprit est pareil aux deux premiers : un album qui parle à l’adolescent. Celui qui se croit supérieur, unique et lumineux. Neuf ans après le premier, cet album nous donne la main perdante, la nostalgie des Saint-Anne. Cette période où nous étions tous des jeunes premiers, indécrottables, à l’attaque facile. Le seul moment de la vie où chacun est persuadé de connaître un jour la grandeur.
Période révolue car la jeunesse ne veut plus. Elle s’offre à mes yeux désintéressés, prête à faire la dernière nouba de sa vie, comme un requiem pour ses rêves perdus. Une fois la libertés entre ses mains, elle ne fait que se torcher avec. Avoir attendu tous de temps pour accepter une norme, n’est-ce pas là, finalement, le grand gâchis ?
Alors j’écoute Conscience Killer, Mama Taught Me Better et les autre salves de Beat The Devil’s Tatoo en cultivant mon dégout. Avec le cœur gros et nauséeux, le BRMC nous questionne sur ce que nous avons fait pour les autres et ce qu’ils sont prêts à faire pour eux-mêmes. Larsen et guitares vaporeuses font face à la débâcle d’une génération qui a décidé de danser, un pied déjà dans la tombe. La liberté que nous pouvions ressentir en écoutant cette musique ne trouve plus d’écho dans les corps. Les Saint-Anne ont perdu leur naïveté dynamique au profit du creux, militants d’un monde sans surprise.
Quand à la fureur de vivre, il est dommage de la voir vibrer uniquement dans le sang de quelques parias, alcooliques et drogués. Les outsiders possèdent une fureur aux services d’un nihilisme stérile. Une adolescence sans fin.
Ainsi, Beat The Devil Tatoo annonce l’heure du bilan : un léger coup d’œil en arrière pour comprendre que la masse ne survit pas aux obligations. Un regard en arrière plein de tristesse pour voir droit devant, avec tout le dédain nécessaire à la survie de la médiocrité.
Black Rebel Motorcycle Club // Beat the Devil’s tattoo // Coop
http://www.blackrebelmotorcycleclub.com/
32 commentaires
Moi en 2002 j’avais 15ans, et j’en avais rien à foutre des BRMC, et pourtant j’étais en plein dans Metallica, et moi et mes potes, on était aussi des adolescents sans rien, et à la campagne…
La fureur de vivre, elle est partout, elle est pas rare…suffit d’avoir eut 15ans pour le savoir.
Les drogues sont nécessaires, putain mais écoute les Cure, je sais pas…pour…survivre à la médiocrité…les américains sont meilleurs quand ils en font pas des caisses de toute façon…
à la sortie du premier BRMC j’avais à peine 11 ans et c’est une des choses les plus étranges qui me soient arrivées dans ma vie, de recevoir avant même sa sortie cet album de vrai rock n roll, qui est la came la plus pure possible-sans déconner c’est l’un des albums les plus parfaits de l’histoire- ça m’a vraiment marqué, surtout la photo dans la pochette intérieure où on voit l’ombre de Peter Hayes et sa guitare avec une énorme lumière rouge vachement sexuelle crasseuse et hypnotisante derrière; ça oui ça m’a marqué! surtout en écoutant Red Eyes and Tears et cette énorme planitude qu’est As Sure As the Sun…tout ça sans drogue- bon, j’y suis passé après. mais c’est sûrement le premier cd qui m’a réellement jeté dans un autre monde quand je l’écoutais. je savais pas trop où j’étais d’ailleurs, mais ohh c’était bon. il jouent leur musique « balls out » et ça donne envie de faire pareil.
ps: ouais j’aimais vraiment bien Nick Jago. dommage.
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