Chanson française, variétoche, french pop, appelez-ça comme vous voudrez. Benjamin Schoos, trente-sept ans, en produit (dans tous les sens du terme) depuis environ vingt ans. Voguant entre Bruxelles et Paris, il multiplie les activités, s’entourant de personnalités cultes de la chanson bien de chez nous. En visionnant son dernier clip, Une dernière danse, je découvre un type en smoking, lunettes noires, qui fait le crooner dans une ambiance de cabaret. Il donne vraiment l’impression de se la raconter un maximum. Pas fan de sa musique, je me dis qu’en plus, il a une bonne tête de connard. En pénétrant vraiment son univers, avec ses précédents albums et ses contributions diverses, je reconnais que Schoos propose une musique sophistiquée, élégante. Qu’on aime ou pas, là n’est pas la question. J’appréhende quand même la rencontre. Comme souvent, l’image véhiculée par les clips et les photos diffère radicalement de celle de l’homme que je retrouve assis au café. Une tête de nounours, et une grande affabilité. Il me tape la bise, se réjouissant de voir une fille s’installer en face de lui, « ça change ». Il a vraiment l’air sympa, ce qui n’est pas le cas de toutes mes questions.
Gonzaï : Tu as six casquettes : chanteur, auteur, compositeur, producteur, chroniqueur radio et illustrateur. Sous laquelle as-tu commencé ta carrière ?
Benjamin Schoos : Juste, pour l’illustration, c’est plutôt un hobby, comme certains font des peintures de chats tu vois… Non, j’ai commencé par la chanson. J’avais dix-sept ans pour mon premier concert, je faisais la première partie de Smog (AKA Bill Callahan) sous mon pseudo Miam Monster Miam. Ma musique a été bien accueillie et j’ai signé très vite avec un label belge pour trois albums. J’enregistrais tout ça chez moi, avec mon 4 pistes cassette. Ça sonnait crado mais c’était aussi propre à l’époque, avec des mecs comme Beck et tout le son indie.
Puis tu montes ton propre label Freaksville Records…
B.S : Ouais, 2006. Mon contrat été terminé et j’avais un peu d’argent de côté donc j’ai investi avec deux potes pour sortir l’album « Hantise » de Jacques Duvall. On l’a enregistré en trois jours, dans un studio qui se tenait en dessous d’une gare, une sorte de centrale électrique avec plein de buzzzz. On a créé notre label parce que personne ne voulait sortir le disque, et puis aussi parce que ça donnait un « esprit chic et pas cher ».
« Au début on était trois : moi, ma femme et son ex-mari. »
Et comment êtes-vous parvenus à réunir cette freaks family que vous formez aujourd’hui ?
B.S : Au début on était trois : moi, ma femme et son ex-mari. On voulait faire une soirée de présentation de l’album de Duvall et là, Jacques nous dit : « Je suis jamais monté sur scène, j’aime pas ça. Je viens, mais je fais juste deux titres. » On a invité des gens sur scène pour tenir au moins une heure de concert. Marie France et Lio sont venues à chacun de nos événements ; elles et Chamfort sont des amis proches de Jacques. Bref, on s’est retrouvés à faire des albums ensemble de manière très naturelle.
La baseline de votre label c’est « Freaksville, Les Disques Qui Rendent Heureux ». La nostalgie, ça rend heureux ? (pour situer, April March fait aussi parti des artistes du label. Ça sent le réchauffé tout ça.)
B.S : On n’est pas un label nostalgique ! Si on l’était, on remettrait ces artistes dans le contexte d’une période passée. Nous, on prend des artistes cultes, dont on est fans, avec lesquels on créé du moderne ; enfin, moderne je sais pas…mais du nouveau en tout cas. Ils viennent enregistrer chez nous, c’est ça aussi notre logique de production. Jacques Duvall écrit les textes et moi la musique, puis on part en studio. Mais il y a aussi d’autres paroliers comme Juan d’Oultremont. Tu sais, celui qui a composé cette chanson absurde qui s’appelle Cœur de loup…
Ah oui, quand même… Dur. Bon, revenons-en à toi. Ton dernier album est vraiment marqué variété française, le rock a totalement disparu de ta musique solo. Tu peux nous expliquer cette évolution ?
B.S : On a toujours aimé la chanson française à Freaksville. Personnellement, j’aime beaucoup Brigitte Fontaine. Mais tu sais, en Belgique, on est au carrefour de l’Allemagne avec sa scène électro et krautrock à côté de chez nous (Cologne), l’Angleterre et la France. On chante en français parce que c’est notre langue, mais on n’a jamais voulu faire du copier-coller de l’anglo-saxon comme le faisait Téléphone. C’est sûr que Duvall est plus rock, mais avec Lio, ils ont fait le chemin inverse de moi ! Ils ont tenté d’apporter leur côté punk dans la variété française mais l’industrie du disque de l’époque ne voulait pas. Depuis, ils ont le fantasme de faire un disque de rock alors que moi, j’en joue depuis 1998. J’avance donc dans l’autre sens, cette fois-ci, j’avais envie de quelque chose de plus savant et de plus élégant.
Sur certains titres comme La Grande Aventure, on croirait entendre Gainsbourg chanter. C’était conscient ?
B.S : On me le dit beaucoup, parce que j’ai une voix très basse, mais je n’ai pas plus écouté Gainsbourg que d’autres chanteurs. On me le dit surtout à l’étranger, c’est sûrement ce qui explique le succès de l’album précédent en Angleterre (« China Man VS Chinagirl »). Les Anglais, finalement, à part Sacha Distel et Gainsbourg…ils ne connaissent pas grand chose à la chanson française. Moi j’écoute plus Fontaine, Antoine, Pierre Bachelet. D’ailleurs je trouve que ma voix est plus proche de lui, période « Emmanuelle ».
Je connais moins. Mais quand même, il y a vraiment quelque chose de Gainsbourg, dans le morceau avec Chamfort par exemple, outre le texte et la voix très influencés, on entend des gémissements de femme qui rappellent une certaine chanson…C’est une référence évidente, non ?
B.S : Oui, mais ça, c’est Chamfort ! Et c’est marrant parce que ce morceau, on l’a enregistré avec le micro de L’Été Indien de Joe Dassin, au CBE, le studio de Bernard Estardy. Alain connaissait le micro, il avait déjà enregistré là-bas. Bref, notre référence c’était plutôt ce côté un peu torride de l’été indien.
« Je suis aquaphobe donc j’aurais du mal à surfer sur la vague! »
Tu penses quoi du revival chanson française avec l’avènement de Daho, l’arrivée des types comme Lescop. Avec cet album, on pourrait avoir l’impression que tu veux surfer sur la vague, vrai ou faux ?
B.S : Alors déjà, je suis aquaphobe, donc j’aurais du mal à surfer sur quoi que ce soit ! Je ne sais pas… moi je sors des disques francophones depuis 2006. Je n’ai pas l’impression de surfer sur quoi que ce soit. La pop française que j’entends me plait bien, elle a un côté post Daho, Jacno, peut être même post Lio (même si on a pas encore redécouvert ce qu’elle a fait de mieux). En Belgique, on a baigné dans un la synth pop, donc c’est ma culture.
On trouve un certains nombre de duos sur ton dernier album. C’est la recette pour réussir une bonne chanson pop à la française?
B.S : Non, ce n’est pas un passage obligé. Simplement, je trouve que tout un album, c’est long. J’aime bien quand il se passe des trucs qui vocalement, sortent un peu de l’habitude. J’aime travailler avec des chanteurs à la voix typée, comme April March qui a gardé ce petit accent new-yorkais. Je trouve ça intéressant. Mais le duo n’est jamais prémédité, c’est la chanson qui appelle le duo, il s’impose de lui-même.
Le prochain projet de ton label ?
B.S : On va rééditer en vinyles les disques de Marie France et Lio enregistrés avec notre groupe Phantom. C’est l’occasion d’être un peu présents dans les bacs des disquaires et de faire découvrir aux fans de cette musique des albums qu’ils ignorent souvent, et pour ceux qui les connaissent, de les posséder sous un nouveau format.
NB : Benjamin Schoos jouera aux Francofolies de La Rochelle le 13 juillet 2014
Benjamin Schoos // Le Beau Futur // Freaksville Records
Single EP Visiter la lune, sortie en juin 2014
http://www.freaksvillerec.com
3 commentaires
Bravo Bester Langs pour le titre du papier ! Tu devrais y mettre des copyrights…
Bester Langs es tu allé jusqu’à mettre « tout schoos » ?
Tschüß !