Alors qu’il est défoncé sur le bord du périph, un beau jour de 1969, Iggy Pop a comme une révélation : « Ce qu’il manque à notre musique, c’est le vroom ! ». L’essence même de cette affaire rock’n’roll réside dans ce concept abstrait qui véhiculera néanmoins un message fort pour tout les kids en manque de sensations fortes. Cinquante ans plus tard, voici que sortent consécutivement les deux premiers albums de Beechwood. Ils sont plus que talentueux, possèdent à eux trois l’âge d’Iggy Pop et demeurent actuellement les meilleurs héritiers du « Vroom ».

Cette histoire tout le monde la connaît, et commence autour du skateboard. Gordon Lawrence (chanteur, guitariste) et Isa Tineo (chanteur, batteur) se fréquentent grâce à leur passion commune pour l’engin. Ainsi ils forment Beechwood (qui n’est autre que le nom de la rue ou Gordon a passé son enfance), accompagnés d’un premier bassiste, Andy Manzanares, dont on a perdu la trace en Uruguay depuis plus de deux ans.

Cette formation sort une cassette, « Trash Glamour », en 2014 chez Lolipop Records (qui a entre autre sorti tous les disques des Thee Oh Sees sur bande). Ce premier essai est enregistré dans une cave, et fleure bon le raw power.  La hargne est impressionnante et les compositions n’ont rien à envier aux évidentes influences (difficile de ne pas penser aux Stooges, aux Heartbreakers, Television ou Nirvana), et n’échappent pas à l’impact de cette bonne vieille jungle d’asphalte qu’est New York.
Le style Beechwood est profondément urbain. Ce n’est pas le genre de groupe que l’on invite à la messe le dimanche midi, mais plutôt celui que l’on croisera en état d’arrestation, menotté, la gueule dans le macadam pendant un de ses concerts, illégal, en pleine rue.

Ce groupe est celui des voyous, des vagabonds, des camés et autre faucons de nuits. Sid Simons, bassiste né en Australie mais vivant à Brooklyn depuis l’age de 12 ans, rejoint l’insondable vaisseau.  Ils enregistrent à trois leur véritable premier album « Songs From The Land Of Nod » signé chez Alive Records (label du premier Black Keys et de Radio Moscow) et ce disque est prodigieux; plus personne aujourd’hui ne sort un premier disque comme celui là.  Plus personne depuis 2001, depuis l’éponyme des Richmond Sluts.

Tout y est, la décadence, la déglingue, l’énergie, mais surtout, le plus important, des mélodies à tomber (Heroin Honey), jumelées à des paroles pleines de rédemption « Je suis désolé maman pour l’homme que je suis » (All For Naught). L’ambiance du disque est tantôt caverneuse (Pulling Through), onirique (C/F), avant de sombrer tranquillement dans la violence (This Time Around). Tout est parfait dans ce disque jusqu’au légendaire look de la pochette.

Et donc, quel meilleur endroit que la France pour une première tournée en dehors des Amériques ?

La France, ce pays qui s’est toujours enflammé pour les losers magnifiques, est aussi celui sans qui les Flamin’ Groovies ne seraient aujourd’hui que d’illustres inconnus, et dont Beechwood devraient être les dignes héritiers. La machine est donc en marche, et la tournée est organisée à partir d’un passage télé dans l’émission Quotidien le 25 mai 2018. Les portes de la gloire s’ouvrent enfin, mais, alors que le groupe traverse l’Atlantique, le live est annulé au profit de Shawn Mendes… Jolie mentalité de la part du groupe TF1 qui s’était pourtant mis au rock après avoir embauché Pascal Obispo pour redynamiser son télé crochet…

Mais bref, la tournée aura quand même lieu; elle débute le 26 mai au Joker’s Pub d’Angers avant de passer par la Cave Aux Poètes de Roubaix deux jours plus tard, où nous nous sommes rendus. La date est organisée par l’excellente asso Bains de Minuit Productions et Beechwood est en première partie du groupe Exploded View.

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(C) Sam Nolin

La salle roubaisienne est en partie connue pour être très basse de plafond, et à peine monté sur scène pour les balances, Gordon devra changer de chaussures et délaisser ses talons pour pouvoir tenir debout.  C’est comme dans un film, et ce film c’est Presque Célèbre de Cameron Crowe. Beechwood tourne avec leur manageuse (Cynthia Ross, également bassiste de The ‘B’ Girls), leur tour manager qui conduit le van et les conseille sur leur son, ainsi qu’un de nos confrères qui suit leur tournée pour Rock & Folk.
Les balances sont pliées en quinze minutes, pendant lesquelles on reconnaît le riff de TV Eye.  Le son est surpuissant, les potards sur 11, Isa Tineo atteint les 105 DB à lui tout seul en tapant sur ses cymbales, au grand dam de l’ingé son du lieu.

« Our decibel level is illegal in France but fuck it »

Le concert peut commencer, il sera très court mais plus qu’intense. Pourtant les situations compliquées s’enchaînent, dès le premier morceau, la sangle de la guitare se détache. Gordon prend alors une autre guitare et la sangle se détache de nouveau … Ça n’en finit plus et la situation se reproduit une nouvelle fois quand Gordon et Isa échangent leurs instruments. Qu’importe, c’est une affaire qui roule, le rock’n’roll est une chose imprévisible et Beechwood le dompte parfaitement bien. Le concert se termine en apothéose sur le morceau Nero avec un magnifique « Our decibel level is illegal in France but fuck it » pour conclusion. On en redemande, mais c’est la loi de la première partie. Pas de bain de foule pour le groupe ce soir (plafond oblige), mais il s’en donneront à cœur joie lors de leur concert parisien au Supersonic quelques jours plus tard.

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La plupart des morceaux joués ce soir sont issus du nouvel album « Inside The Flesh Hotel » sorti le 8 juin. L’album est formidable, plus glam, et va plus loin que son prédécesseur.  C’est typiquement le genre de disque que l’on prendra plaisir à écouter dans le whisky bar du coin, ou à la mi-temps d’un match de baseball.  Le dernier morceau du disque, Our Love Was Worth The Heartbreak, touche au sublime. Bill Murray doit l’écouter en boucle en pensant à Scarlett Johansson.

Ce groupe est terriblement excitant et passionnant et il devrait atteindre les sommets d’ici peu, sauf si la loose s’invite à la fête. Mais Beechwood a ce truc en plus, qui fera toute la différence et mettra tout le monde d’accord. Ce truc, c’est « le Vroom ».

Beechwood // Inside The Flesh Hotel // Alive Records
https://www.facebook.com/beechwoodbeechwood/

4 commentaires

  1. Lou Reed s’en est allé, et du ciel, comme une pluie d’étincelles, son âme à exploser en mille étincelles Glam.
    En retombant, elles ce sont posées sur la face de jeune gens urbain et déglingués, de ceux qui regardent vers le firmament du fond de leurs rêves électriques et opiacés .
    De la lumière au fond des ténèbres.
    Loaded my friend

  2. Vous me faites marrer Gonzaï. Sachez tout de même que le fameux concert soit disant « illégal » que vous citez, était parfaitement légal. C’était sur Ludlow street pour le magasin The Cast et lors de l’équivalent NY de la fête de la musique. Pour ce qui est de « l’arrestation » , c’était plus embarrassant qu’autre chose. On fait on était tous affligés…ça relevait plus du punk a chien qui se fait dégager de la gare parcequ’il a bu 2 bières et trouve intelligent d’insulter un agent de police dans l’exercice de ses fonctions. Voire de lui balancer une canette en pensant que c’est une bonne idée. Voilà, sachez donc que si le concert en question n’était pas illégal, il a été gâché par 2 ou 3 gros lourds. A l’avenir, évitez de croire tout ce qu’on vous raconte et de créer des images a des gens qui n’en on pas. Je n’ai rien contre la zike de ce groupe, mais a NY ils n’étaient rien. Et de là a dire qu’ils sont le meilleur groupe au monde, moi ce que j’y entend c’est juste une grosse repompe de Eletric Warrior de T-Rex, avec le look pur cliché qui va avec. Un groupe sympa, mais extrêmement loin de pouvoir être qualifié de meilleur groupe au monde.

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