Soyons honnête : on n’a pas tout compris à ce que racontent les deux de Heimat sur leur nouvel album « Zwei », chanté dans presque toutes les langues sauf la leur – le français – mais on a quand même saisi l’essentiel : ce n’est pas le disque de l’été, et si c’est un jus vitaminé, les cendres de Nico ont dû tomber dedans. En résulte un noir son de cathédrale qui sonne brillamment par delà les chapelles.

C’était un jeu en vogue au début de siècle : « tu préfères quoi, à vie ? ». Avoir une jambe en mousse de 10 mètres de long ou pisser de la bière dès que tu parles, écrire pour les Inrocks jusqu’à ta pré-retraite ou tuer un membre de ta famille dès que tu entends Jul à la radio, écouter des chansons faussement indie produites par des labels subventionnés ou te taper une grosse barre de réalité avec le nouvel album de Heimat. Ah, on tient peut-être le début de ce papier.

Heimat, c’est Armelle et Olivier. La première est issue du groupe The Dreams, le second de Cheveu. Leur premier essai remonte à 2016, déjà chez le label des gens qui ne pourraient signer certainement nulle part ailleurs. Et cinq ans rien n’a vraiment changé dans le monde qui entoure le duo à placer à l’extrême opposé des Pirouettes, par exemple. Rien n’a changé, bon, disons que tout est pire. Et publier ce deuxième album en plein déconfinement plombé rajoute une corde de complexité à ce qu’on écoute : « Zwei » est tout sauf un disque déprimant, mais ça ne suinte pas la joie.

La première évocation (invocation serait presque le bon terme), c’est celle de deux femmes de sépulture : Nico et son penchant français, Catherine Ribeiro, tant la voix d’Armelle rappelle cette scansion monotone, martiale. Pour le dire en des termes moins musicalo-journalistiques, si vous cherchiez un échappatoire vocal aux discours de Jean Castex et à toutes les fadaises du rock indépendant encore coincé dans la parenthèse enchantée des années 90, vous avez frappé à la bonne porte. Elle grince un peu ; des rats en sortent d’un peu partout, la serrure est tellement grosse qu’on voit passer la lumière noire à travers. Un titre, un seul : Tu Miedo, track 7. Difficile de ne pas penser au concert de l’Allemande extirpée du Velvet Underground, en 1974, dans la cathédrale de Reims. Après ça, deux solutions : se suicider ou commander un chapelet sur Amazon et entonner des « Nico je vous salue ». Tu préfères quoi, à vie ?

C’est que « Zwei » est un disque qu’on se doit d’écouter seul.e. On vous rassure : ce n’est pas vraiment du rock à guitares, c’est une turbulence machinique d’où sort presque à chaque fois une voix d’outre-tombe venant vous rappeler – parce qu’on vous voit sur Instagram, vous avez tendance à l’oublier – à quel point l’époque est dure et pourtant, de plus en plus propice aux danses, aux rituels, aux coups de gong. C’est de tout cela dont il est question sur « Zwei ». Et au rythme quinquennal où va Heimat, on se languirait presque déjà 2026 tant l’impression est forte que plus ça merde, et plus le duo affine ses larmes.

Tant de qualités devraient suffire à garantir à ce disque une place sur le podium d’une playlist Spotify nommée « fin du monde festive à la maison ». Rappelons qu’en allemand, heimat est ce mot complexe qui qualifie l’endroit d’où l’on vient et qui nous a construit.

Heimat // Zwei // Teenage Menopause & Crybaby
https://meineheimat.bandcamp.com/album/zwei

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