Appel des jukebox, gémissement du rock’n’roll, new wave crépusculaire : rencontre avec le prodige Belge de la techno-pop, Arthur Johnson à l’occasion de son nouvel EP “Inside”. Et une question : un artiste peut-il encore exister sans réseaux sociaux ?
Au final, de quoi as-on besoin ? Des boîtes à rythmes, des rangers et de la bière. Et nique ta mère. Oui, c’est la merde, la grève, on marche à pied ici – et sous la grêle gelée en plus, c’est les douze plaies d’Égypte qui s’abattent sur nous ! Mais il ne faut pas se laisser abattre sinon ILS vont nous bouffer tout crus. Mon conseil : écouter à fond un bon vieux Let It Rock de Bon Jovi (*) de 1987- ouais, avec l’intro démesurée jouée à l’orgue d’église. Voilà, et puis se pencher un peu plus sérieusement sur le cas du Belge Arthur Johnson. Parce qu’après avoir raccroché le téléphone avec lui, je ne suis pas plus avancé : pourquoi cette artiste n’a-t-il pas plus de reconnaissance ?
Voici un gars que je classe tout en haut de ma liste des gars pétri de talents, mystérieux, avec une classe folle. Un producteur qui réalise un travail d’orfèvre – avec son tout dernier EP « Inside » – un artisan du bon goût et des conventions dont…tout le monde se fout. Je m’attendais à un mec jetlagué entre deux aéroports, mixant tel jour dans un club à Kyôto et le lendemain au Mexique ou Rotterdam. On parle d’un producteur signé chez Ivan Smagghe ou La Dame Noir, qui collectionne les synthés dans sa cave dans laquelle il concocte des tracks ahurissantes de new wave pop avec une dimension club, à base de sang tiède de chauve-souris, de foutre de Dave Gahan et d’échantillons de cheveux de Phil Collins. Le seul problème : Arthur semble un peu tout seul dans son coin.
Ivan Smagghe et John Lennon
Au commencement – là, je vous dis tout – l’idée de ce portrait n’était pas simple. Malgré mes multiples prises de contacts, ce satané Belge faisait la sourde oreille. Il a fallu que je passe par le label marseillais de La Dame Noir pour que Monsieur daigne me répondre. « Oui, j’ai bien vu tes messages, mais je comptais te répondre » se justifie l’intéressé plusieurs semaines après. Pourtant, nous ne sommes pas foule à s’intéresser à son travail ; ceci est une des ses toutes premières interviews. Est-ce que l’on est en face d’un branleur sympathique ? D’un artiste qui cultive le goût du secret ? Ou juste d’un mec pas trop à l’aise pour parler de lui, de son travail et tout ce cirque de médiatisation ? Un peu de tout cela, si je comprends bien. « Oui, j’’ai un peu un problème avec les réseaux sociaux », m’annonce, gêner, le jeune Liégeois, « je ne suis pas trop du style à montrer ma vie et tout ça ». Pour ce portrait d’un artiste que je considère comme essentiel, je peux vous assurer que j’ai transpiré pour lui soutirer la moindre information. Arthur n’est pas du genre bavard, souvent hésitant dans ses réponses – qu’il expédie très vite comme pour s’en débarrasser.
Au niveau Wikipédia, j’ai juste réussi à lui soutirer ceci : Arthur vit à Liège où il bosse dans l’entreprise familiale d’événementiel. Pas une agence d’événementiel mais plutôt des montages de foire de brocante, si j’ai bien compris. C’est bien ça ? « Oui, mes parents sont antiquaires, je suis sur les brocantes et les marchés assez souvent. On monte les stands, avec mon frère. Je collectionne donc les disques depuis tout jeunes ». Voilà pour le décor. Moi qui pensais que le gars était un autiste passant ses nuits sous méthyl-amphétamine STP à disséquer « Violator » de Depeche Mode afin de mieux l’approcher, je m’aperçois que j’ai seulement affaire à un jeune gars très talentueux et… qui n’en a pas forcément conscience. Il y a un décalage entre mon enthousiasme et ses affirmations flegmatiques, balancées avec son accent belge traînant. Comme si Arthur manquait de confiance en lui ou de légitimité à parler de son travail. Comme s’il n’y croyait pas lui-même au fond. C’est assez touchant, voire carrément mignon, car le gars n’a clairement pas conscience de son talent.
On reprend : la musique, c’est venu comment pour lui ? « En fait, J’ai commencé la musique très tôt, vers 11 ans. J’ai commencé par la guitare. Mon frère s’est trouvé une MPC, moi un vocodeur et on a commencé à faire de la musique ensemble jusqu’à mes 18 ans. Ensuite je me suis lancé un peu tout seul dans mon coin ». Concernant ses influences, il reste assez évasif ; peut-être car comme tout érudit techno il en a beaucoup trop : « à la base, je viens du rock psyché des 60’s et 70’s. C’est ma came, ces trucs. Après, par exemple, je voue une profonde admiration pour John Lennon ; même si ce n’est pas très psyché ».
Le déclic techno viendra par hasard via un artiste français incontournable dont il croisera le chemin plus tard : « un jour, en voiture, mon grand frère a branché une clé USB dans l’autoradio. Dessus il y avait un mix d’un certain Ivan Smagghe : ça m’a complètement retourné. A partir de là, j’ai téléchargé le logiciel Ableton, et c’est parti. Je me suis dit je vais dans ce style, je vais produire LENT et puis on verra ». On verra, oui. La suite, ce sont des tracks produites à la chaîne dans son coin, sans relâche. Là aussi, je pensais que c’était un artiste qui offrait ses productions au compte-gouttes, après les avoir peaufinés pendant des mois. Mais pas du tout : la désinvolture de ce nouveau punk est totale. « En deux ou trois heures, maximum, je fais un morceau fini. J’ai mon matos chez moi, home studio, synthé analogique. Je tâtonne un peu au début sur la couleur d’un son mais cela va assez vite. Je chante un petit peu aussi, toutes les voix puis la batterie, basse, etc. Je fais tout, tout seul ». Simple, basique ?
Des disques de la mort
Son premier maxi se retrouve signé chez les Marseillais de La Dame Noir en 2015. Comment s’est réalisé la connexion Liège-Marseille ? « La Dame Noir, je connaissais le label de réputation. J’ai juste envoyé un message à Phred Noir via Messenger, je ne le connaissais pas. Direct il m’a dit OK et m’a fait venir à Marseille pour jouer dans leur club. Je n’avais jamais fait le Dj avant cela. C’était la première fois ».
Dans la foulée de ce baptême du feu sort discrètement son premier maxi « Time Has Come » à l’allure de premier mini-album – 8 titres tout de même. Ce premier manifeste contient un titre comme Wide Sun, le meilleur morceau pour commencer un set et qui peut concourir au meilleur kick de l’histoire. Ambiance new wave malsaine et terriblement classe, tempo funk 80 décharné, solo de guitare FM passé dans le delay et le Belge qui se paye le luxe de chanter des hooks dévastateurs par-dessus tout ça. Ses morceaux ne laissent pas indifférents ; comme l’impression d’écouter les morceaux parfaits que l’on attendait depuis toujours, ceux qui synthétisent tout avec brio et clos la messe définitivement. Pour la suite, pourquoi ne pas contacter l’artiste qui lui a donné envie de se lancer dans ce bordel ? « Une fois, Ivan Smagghe a mixé à Liège. Je lui ai dit que je faisais des trucs dans mon coin. Très gentiment il m’a donné son adresse mail. Pareil, Je lui ai envoyé des morceaux et pareil, il a bien aimé, oui ».
Cela sera le maxi « Perfect Stranger » en 2018, sur le label d’Ivan le terrible – Les Disques De La mort. Avec des remixes signés Cosmo Vitelli, le Liégeois monte encore d’un cran. Même si nous sommes en territoire club, tout cela est parfaitement pop et accessible. C’est la grande force de Johnson : réaliser avec maîtrise le grand écart entre sonorité underground des nuits décadentes européenne et musique abordable aux influences clairement mainstream. La suite de son parcours, c’est quelques titres ici ou là sur des compilations, et ce nouveau maxi maintenant-tout de suite – “Inside” – de retour chez La Dame Noir. Je ne trouve plus mes mots : j’ai les yeux embués par l’émotion quand j’écoute ses morceaux : Johnson n’a clairement ni Dieu, ni maître : juste la volupté de la destruction.
Avec le recul, qu’en pense le principal intéressé ? « J’ai beaucoup, beaucoup de tracks en stock, oui. Là, cet EP qui vient de sortir par exemple, ce sont des morceaux qui datent de deux ans. J’en suis très content, d’ailleurs. Je produis hyper vite. Je produis tellement vite que les mecs de la Dame Noir m’ont conseillé de monter un Bandcamp et de balancer dessus. Mais je ne sais pas encore : je prends le temps. Pareil pour Ivan Smagghe: J’ai peut-être abusé un peu là encore, je lui envoie peut-être trop de morceaux. Lui aussi hallucine un peu, peut-être. Il m’a dit qu’il ne peut pas tout sortir sur son label ah ah ah! ». Avec ce superbe démarrage, la suite du plan c’est quoi ?
Bruxelles ? Jamais.
C’est là que la machine s’enraye : parce qu’il n’y a pas de plan. Normalement, un Dj-producteur se sert de ce CV prometteur pour draguer le chaland, commencer à se produire en Dj set un peu partout, faire jouer ses réseaux afin de se hisser dans des festivals en Europe puis avoir son nom en lettre d’or sur Resident Advisor. Mais pas pour Arthur. Entendons-nous bien : à l’heure où je vous parle, le mec attend, tout seul à Liège. Et d’ailleurs, il se passe quoi à Liège a part bouffer des gaufres ? « Bah à Liège, il y a des justes des crews comme Plastique Hibou qui sont super chauds sur ma musique et qui me font jouer. Genre en fait, j’ai juste joué dans des clubs à Liège, mais c’est cool. Mais c’est à peu près tout. Genre une date tous les deux mois ». Peut-être alors que la capitale belge a su intelligemment mettre la main sur ce diamant brut ? Après tout, ils ne sont pas légion les artistes de son calibre. « Euh…Bruxelles ? Jamais, non. J’ai plus joué à Marseille que dans mon pays, en fait… ».
Les interrogations qui me viennent ici, ce sont donc celles liées à l’exposition médiatique : est-ce qu’un jeune artiste peut avoir une visibilité en dehors des réseaux sociaux pour trouver son public ? Parce que si je comprends bien avec notre Arthur, ça va être un peu compliqué : « comment je me vois là-dedans ? C’est un peu le problème avec moi. J’ai de grosses difficultés à me vendre, je suis un mec super modeste, dans mon coin. Alors que, oui c’est vrai, j’ai plein de super échos de tout le monde ».
Comment exister en tant qu’artiste en l’an 2020 quand on n’est pas trop porté sur les filtres Instagram, les pouces bleus de Facebook, la communication ? Comment être visible quand on a SEULEMENT sa musique à vendre ? Est-ce que l’on peut encore rêver à cette utopie d’un public curieux qui vient vers toi, tout seul comme un grand, tel un troupeau guidé par le joueur de flûte ? En ce sens, le cas d’Arthur Johnson est éloquent. On parle d’un mec franchement au-dessus de la concurrence. Un artiste dont les rares morceaux disséminés çà et là me retournent et démontrent un talent artistique de classe mondiale et une justesse un talent fou… mais qui ne sort pas de Liège. Malgré des splendides maxi sur les labels de Smagghe, des collaborations avec Cosmo Vitelli ou des review élogieuses dans la dernière édition du magazine anglais Mixmag (avec Kiddy Smile en couverture), la mayonnaise semble ne pas encore prendre.
Louis la brocante
Quand je fais ce constat avec lui, je lui demande s’il aimerait faire plus de date et rencontrer plus son public. Il prend son temps pour répondre d’un air introspectif : « Oui… J’aimerais faire plus de date oui, pourquoi pas. Je n’ai pas envie de brûler les étapes, en fait. Comme beaucoup le font. Je veux prendre le temps d’acquérir un peu plus d’expérience. Parce que en fait j’ai aussi un travail à côté. Je prends mon temps, on va dire. Mes parents sont antiquaires depuis quarante ans, moi et mon frère on travaille avec eux. On monte des stands pour les brocantes et… ».
NON NON NON, ne l’écoutez pas : payez-lui un avion pour jouer à Shanghai ou Rotterdam ! Arthur, ne me parle pas de tes stands de brocantes de Liège : tu as de l’eau bénite qui te coule des mains, tes morceaux sont fabuleux, tu es Depeche Mode à toi tout seul. Tu n’aimerais pas un peu sortir de Liège et voir du pays ? Pourquoi pas poser dans d’obscurs magazines de mode Autrichien où on fait la gueule dans un terrain vague drapé dans un manteau Hermès ? Boire du Red Bull sur des radios internet ? Portez des t-shirts XXL noirs échancrés ? Tuer ton temps dans les aéroports en postant des photos sur Instagram avec des émoticons DE FEU ? « Euh…Bon, Facebook, c’est assez calme. Je n’aime pas trop ça. Mais en même temps, j’ai fait mon premier live l’année dernière. Même si là aussi c’est passé assez inaperçu ou disons très discrètement sur les réseaux sociaux (Je confirme : absolument personne n’est au courant. NdR). Je prépare un nouveau set live, d’ailleurs. Tout le monde me dit qu’il faut que je fasse un live, alors voilà… Disons aussi qu’il y a tellement de DJs dans le même style que c’est un peu dur de se démarquer ».
NON, Arthur, encore une fois : les Djs-producteurs avec des morceaux aussi racés que les tiens ne sont légion. « C’est pour cela que le live que je suis en train de monter a son importance. Au moins cela sort du lot et cela pourrait toucher un autre type de public que les clubs. (Long silence introspectif) Oui… C’est vers cela qu’il faut je tende. Ma musique est assez pop en fait. Tu sais, je n’ai jamais eu trop de contact avec des bookers non plus. J’avais demandé conseil à Ivan là-dessus après la sortie du maxi sur son label. Il m’avait dit : “attend un peu, laisse-toi allez ils vont te contacter tout seul ». Et alors, ça a mordu à l’hameçon ? « Bon, au final, un an après la sortie, personne m’a contacté. Bon… Je vais quand même essayer d’envoyer des mails… Parce qu’au fond, j’aimerais bien être un peu plus visible, avoir plus de date en DJ set, parce que j’adore ça et j’ai vraiment plein de morceaux que tout le monde adore, en fait ». Voilà ! C’est cela qu’on veut entendre ! Et fous-moi, Spreading The Disease d’Anthrax à fond les ballons pour accentuer tes propos. Gonfle le torse, lève la tête, dissimule une lame de rasoir sous la langue et monte sur le ring ! Et toi, qui nous lit : supporte Arthur. Ce mec a besoin de toi ! Qui ose, gagne.
Arthur Johnson // « Inside » EP // La Dame Noir
https://ladamenoir-johnson.bandcamp.com/album/arthur-johnson-inside
(*) Morceau qui ouvre leur album de 1987, « Slippery When Wet ». Avec ce disque de la maturité, Bon Jovi a su s’ouvrir à une audience plus large. Meilleure vente en 1987 – avec aujourd’hui encore près de 28 millions d’albums – cette œuvre a vu le jour dans un contexte particulier : « Pendant l’enregistrement du disque, nous nous retrouvions souvent dans un club de striptease dans lequel des jeunes femmes attirantes se frottaient mutuellement avec de l’eau savonneuse. Elles devenaient ainsi glissantes et personne n’arrivait à les agripper, même si vous en aviez très envie”. D’où le titre. A noter que deux chansons de ces sessions ont été offerte à Johnny Hallyday. En effet, Cadillac Man et Le Nom Que Tu Portes sont des compositions signées par le groupe de New Jersey. L’idole des jeunes voulait à l’origine que Bon Jovi produise son 37ème disque – « Ça ne change pas un homme » en 1991. Par manque de temps, ils lui ont donné des démos dans lesquelles il pouvait piocher. C’est tout de même Richie Sambora de Bon Jovi qui joue sur le disque du rocker français. Richie Sambora est daltonien, il porte un tatouage au bras droit représentant une guitare ailée avec les mots « Qui Ose, Gagne ». Ses passe-temps sont les suivants : le basket-ball le jet-ski, et les balades en bateau.
6 commentaires
?? ILs /elles ?? sont ROCK a Baladeureurs sonotones plutôt d branleurs/euses des PC…..
BROWN sa Crotte ?
il couche avec steiner ?
boit du rouge t’auras l’air moins benêt!!!!!!!
son pseudo (ou véritable patronyme) est tellement banal qu’il est difficile de s’en souvenir: une piste ?
ardant + murat = alfred de manset