Nous tenions là un groupe comme on n’en avait pas eu depuis un moment : rageur, jeune et talentueux. Mais surtout, ils avaient du succès. Et puis le temps a passé, sur leurs épaules de beaux perfectos ont poussé, et leur musique s’est ramollie. Avec Suck It And See, j’ai bien envie de les condamner à aller jouer sur la banquise avec pour seul public une meute d’ours blancs bourrés à la vodka de contrebande chue du ciel un jour de tempête ; ça leur apprendra à bousiller mes dernières illusions sur la possibilité de durer dans le rock.
On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans ; l’âge de découvrir l’adage d’Henry Miller, repris ensuite à son compte par Philippe Djian, quand ce dernier ne nous racontait pas encore ses problèmes de riche et écrivait la dèche et les aires d’autoroute, la défonce, la sodomie vers 23h et les gens qui n’ont pas de carte de Sécurité sociale, parce que dans la vie, ils n’ont pas que ça à faire. Henry Miller donc, et son « Plus vous avez de succès, plus vous êtes vaincus. » On ne comprend rien à cette phrase, quand on a 17 ans et qu’on voyage en wagon fumeur. Et puis le temps passe. Si on est fan de guitares électriques, on a de quoi se mettre dans les oreilles tout un tas de trucs supers d’ici à ce qu’on rencontre une bande de branleurs du fin fond de Sheffield qui décoiffe comme en 40. Le temps également de semer en route (par la fenêtre du wagon, par exemple) quelques douces illusions quant à la pureté du binaire, de ceux qui le font, de ceux qui en vivent et de ceux qui en meurent (Big up Kurt, ça va bientôt faire 20 ans, nan ? Tout comme la mère de mes enfants, je t’aime comme au premier jour).
L’occasion, trêve de pleurnicherie le nez collé au rétroviseur, d’étoffer son bagage, comme dit monsieur Valise. Et de vibrer, de-ci de-là, aux éructations métalleuses, aux envolées pianistiques, aux saxophoneries de John Coltrane et à la poésie de Richard Brautigan, qui est une bien jolie musique, nom d’un rastaquouère en mal de Marseillaise. Et plutôt que d’en appeler à prendre les armes et caetera, l’oreille hier chevelue se met à goûter à tous les plats. Avec en arrière-plan, un œil toujours fixé sur l’harissa noisy, les jeunes gens énervés, le rock à papa et les babas au rhum du rock psyché loué à la médiathèque et qu’on écoute jamais. Vous suivez ?
La minute wiki : « En 2001, Alex Turner et Jamie Cook demandent des instruments de musique pour Noël et reçoivent tous les deux une guitare. Après avoir appris à en jouer, la paire forme un groupe avec deux autres élèves de la Stocksbridge High School, Andy Nicholson et Matt Helders. Puisque Nicholson jouait déjà de la basse, Helders se tourne vers la batterie : « C’est tout ce qu’il restait… Ils avaient tous des guitares, donc j’ai acheté un kit de batterie après quelque temps ». Helders explique avoir appris à en jouer en autodidacte, « simplement équipé d’un livre et de baguettes ». Z’auraient dû rajouter un lien « success story ».
En 2006, groupe Myspace, cendriers débordants de mégots, morve et morgue, guitares-cisailles et chant déjà im-pec-ca-ble. Le titre du premier album est un gros tirage de langue adolescent : Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not. Malgré toutes les cigarettes fumées depuis 1991, l’envie de danser jusqu’à plus sueur en cassant à peu près tout ce qu’il y a autour se fait pressante.
2011, les branleurs sont trop bien coiffés et font de la soupe. Titre de l’album, Suck It And See. It’s sucks eut été plus approprié. Remarquez qu’entre les deux, ils ont sorti deux autres albums : le second était muy bien, le troisième, un peu sous influence stoner, genre les rosbifs vont boire des pintes dans le désert tandis que Josh Homme leur caresse le dessus du crâne (il était producteur, quoi). Mais bon, pas mal quand même. Encore rock. Pas encore caricature. Pas encore naufrage mou dans un canapé de Sofitel (ouais oh ça va, hein), not yet a piece of bullshit, le tout avec une jolie production autour.
J’ai donc éteint mon iPod et je suis retourné sur le quai de la gare, prêt à prendre le premier train venu. Au bout de deux heures d’attente vaine, un gentil contrôleur est venu me voir : « Vous savez, les jeunes, aujourd’hui, ils voyagent en vol low-cost ». Je l’ai remercié de sa précision. Et je suis resté là, à attendre le prochain train.
Arctic Monkeys // Suck It And See // Domino
http://www.arcticmonkeys.com/
23 commentaires
It sucks pas « It’s sucks »
T’étais aussi déçu que ça pour oublier de parler (un peu) de l’album?
Moi cet album me fais chier comme rarement un album m’a fais chier. Y’a pas une putain de chanson qui sort du lot. Les Artics sous tranxene c’est aussi épatant que de regarder le dessous des cartes quand on à 8 ans…
Putain mais même le titre et la pochette quoi! Si ça les emmerde de faire de la musique qu’ils le disent surtout…
arrêtez c’est toujours pareil un album des Arctic Monkeys
A la sortie tout le monde déteste, puis au bout d’un mois tout le monde est fan. ça a toujours été ça depuis le 2ème album. Les mecs sont trop forts, ils gagneront toujours
@Donnie K :So rie, hein.
@Mireille 4rk : exactement.
à Steflevrailuniq (‘tain, c’est compliqué à écrire, ton nom) : pas d’accord. Celui-là est VRAIMENT pourri.
I´ve been reading your blog for awhile and it for no reason occurred to me to comment. That is absolutely ironic, because I´ve spent quite a lot of time over the history few months studying what it takes to make people comment on my own website. Right after reading a couple of your posts I guess it´s controversial topics that stir people´s emotions to the point exactly where they can´t simply just ´let it go.
C’est bigrement bien écrit cette chose-là !
Pas ecoute le dernier encore mais je te trouve dur tout de meme, le deuxieme album est tres tres bon et Humbug a des chansons sympatoches. J’ai ete decu par leur attitude sur scene pour leur derniere tournee (que j ai vu a Londres) un peu genre snob on se fait chier on sourit pas, mais les chansons etaient bonnes
totalement d’accord avec Steflevrailuniq, j’ai été (comme d’habitude) dans un premier temps énormément déçu par cet album, j’aurais probablement tenu un discours similaire à celui de Vernon.
Putain, maintenant je le trouve énorme, à part les pathétiques tentatives de « rock n roll » Brick by Brick et Don’t Sit Down. Un album de pop tellement simple que c’en est audacieux, plus épuré que d’habitude (beaucoup moins d’effets et d’instruments). La démarche merdique aurait été soit de repartir dans du rock plus bourrin en singeant le premier album avec cette naiveté qu’ils n’ont plus, soit d’intellectualiser tellement le truc qu’il en serait noyé (c’était déjà pas passé loin avec Humbug).
En ne faisant ni l’un ni l’autre ils enterrent définitivement les Strokes et leur saloperie de 4eme album pour le meilleur groupe de rock mainstream des dernières années
Je n’ai entendu qu’un petit bout des singes frigodèmes et j’ai trouvé ça lavasse mais … lavasse avec un arrière goût un peu putréfié. Je suis donc tombé sur le mauvais glaçon avec la mouche emprisonnée dedans, suis foutu, obligé de jeter mon verre de whisky français à 5 euros dans l’évier et de me dire que je ne pourrai jamais aimer ce groupe. Bah, c’est la vie des mélomanes pauvres hein. Tchin !
@Jean : ça me fait marrer comment tu défens le truc avec ce genre de raisonnement qui aboutit à encenser la platitude voir la médiocrité : hé oui entre les colline et la mer il y a la plaine. Mais t’inkiet ça m’arrive souvent aussi. En général je dis juste, c’est pas vilain ou c’est honnête. Il n’y a pas de plaisirs coupables. Juste une attitude de défense parfois complaisante.
On peut aussi se faire sodomiser par un album, ça arrive.
Tout ça, c’est à cause du réchauffement de la planète : avec la fonte des glaces, y a plus de montagnes, en arctique. Sur ce, je retourne sucer mon eskimo. Tout comment graveleux sera censuré.
Ah oui y’a aussi le truc du « c’est bien senti » sauf que parfois ça sent mauvais.
vous avez du caca dans les oreilles bande de nazes, il est fabuleux cet album. les monkeys sont un grand groupe de rock
ce cd est une blague. Et putain, reverb, écho, choeurs, en 15 secondes, ils ne nous épargnent rien.
Ah bah en voilà qui sont braqué sur leurs wisky. Sinon j’achète le CD, ah oh y’a rien sur la pochette. C’est pourris. Bref, je me le tout dans mon lecteur cd gagné à la tombola de la primaire et j’ouvre les oreilles pendant que je lave mon linge à l’évier, la clope au bec. Ah tiens, les chansons se ressembles. Ah tiens, c’est plutôt lent. Ah tiens, c’est pas assez brusque par rapport au précédent. Ah tiens, la guitare sur « Don’t Sit Down » est insuportable à la longue. Oh, ils parlent pas assez sur « Brick By Brick ». Bref, j’ai finis mon linge, je sors le cd, je le remets dans sa pochette pourris et je fou Suck It And See à la poubelle.
C’est tout ? Après les 3 excellents album que les Arctic Monkeys, les petits prodiges du rock tout droit sorties des bas fond de Sheffield, c’est tout ce qu’on leur accorde ? Apprenez à écouter l’album plusieurs fois et là les Monkeys vous foutrons une claque. Ça fera voir alors les guitares qui carillonnent jusqu’au break à la Hendrix. Du son grave, retour au garage pour « Don’t Sit Down » orné d’une voix glissante et maître qui parle alors de se lancer dans les affaires avec un grizzly. Une basse qui garde son style Humbug, Humbug le magnifique. Un son mélodieux qui reste encré après l’écoute de Piledriver Waltz et ça partit synphonique qui donne l’impression d’écouter du classique dans un sous-marin aux palmes entaillées. Et un refrain rassurant, doux et qui sonne particulièrement bien avec « All my own Stunts » mais entouré de couplets dont l’air ferait penser à « Fire and the thud ». « Library Pictures » qui lui donne l’impression d’écouter de l’électro rock dans un sous marin aux palmes entaillées. Et toutes ces musiques accompagnées d’un solo de guitare propre et justement posé avec virtuose pile là où il faut. Alors ça claque ? Suck It And See, mes ça dans ton lecteur CD et écoute. Et si tu sais pas sucer, continue de sucer tes vieux CD et envois Suck It And See au jeunô qui habite en face et il sera capable de te faire tout une fiesta chez lui avec uniquement ça aux platines.
Bon apparemment on a une petite incursion d’intégristes sur le site mais rien de grave, l’article ne sera plus commenté une fois passé à la trappe. Non désolé, y’a rien qui catch dans cet album, quelques jolis tours de passe-passe au niveau de la prod tout au plus, un truc lisse et indé à la fois mais vraiment trop lisse pour le coup, sans relief et prémaché. On ne va pas se battre éternellement. Vous avez toujours le courrier des lecteurs de Rock’n’Folk pour cela.
Arcticalement,
Matt
Anne O’nym, je peux pas tout relever, juste : j’ai dû l’écouter plus de dix fois. Les trois précédents, ça a marché au plus tard à la troisième ou quatrième écoute. Et puis je sais pas si tu as écouté le truc solo d’Alex Turner, sorti juste avant, mais ça donnait le ton… T’as l’bonjour de mon voisin d’en face, salue ta machine à laver pour moi.
Une supplique chers lecteurs : arrêtez d’attribuer le terme ‘Garage’ à tout et n’importe quel son.
Si les Monkeys (originaux) entendaient le disque des Arctic ils se sentiraient pas pillé mais insulté. Aucun lien, fils unique.
Allez chez votre marchand de guitares, écoutez 2-3 pédales, découvrez disto crunch fuzz et overdrive (sons factices by the way) et de grace laissez les garages aux maison Merlin.
Merci.
Je me dois de souligner le fait que personne n’a noté la qualité du titre de cet Arctic, ce qui est tout de même intolérable.
…
(quoi ? kess-ssia ?)
Spinaltab, je m’incline devant ta crinière peroxydée et permanentée, et te remercie de faire l’arctic de ce papier et de son titre.
waw , arrivé à faire plus naze que le groupe de jared leto j’admire quand même la performence.
sinon au sujet de l’article en lui même « good style » mais bon dans une critique d’album (aussi merdique soit il) on à quand même envi d’en entendre un peu parlé…
Tu es sur d’avoir écouté l’album jusqu’au bout sérieux? Si « Love is a laserquest » est pas une putin de bonne chanson je comprends plus rien.