Le village de Tristram, pour les joueurs de Diablo 1, était ce lieu paisible quoique sinistre, où sonnait les profonds accords mélancoliques de guitare du célèbre thème du village. Une mandoline grimaçante dans la lande, une guitare perdue dans la réverbération des arbres, mille guitares à l’unisson formant un chorus, un chorus s’évanouissant dans la forêt. Nous sommes le jeune héros à la recherche du dragon, Dracul, en roumain, Dracula, le Diable, El Diablo, l’ennemi aux milles visages, c’est toujours le très ancien serpent. Ou alors sommes-nous cet adolescent écoutant le dernier album de And Also the Three, à la recherche de quoi d’ailleurs ? Hum, pas grand chose. Et c’est encore mieux s’il pleut dehors.
I feel the rains slowly passing
Mixed feelings
I feel the rains slowly passing
(The Knave)
Le village est donc un lieu paisible, le seul lieu paisible. Un vieux village anglais avec son monastère en ruine et son cimetière, quelques marchands, puis autour une rivière, des bois, des arbres. Qui pourrait soupçonner que sous cette lisse surface se trouve les enfers ?
Two women walking down the path
On the outskirts of town
People shouting out
She says she´d like to burn the place to the ground
(Burn down this Town)
Et le jeune héros descend. Du monastère aux catacombes moissonnant du monstre, puis des caves jusqu’en enfer, où il devra affronter Diablo, le seigneur de la terreur, le tuer pour enfermer son âme dans une pierre et se la coller dans le crâne : devenir un sarcophage pour le diable.
My face is here in the wildfire
Myself alone breathing in the night wind
(My face is here ine the wildfire)
Chaque descente d’un niveau se vivait comme une pelleté de terre de plus sur son cercueil. Et chaque retour au village était une bouffée d’air frais, une parenthèse dans l’horreur (d’une laideur consommée, le jeu fut créé en 1997) où résonnaient ces longs accords mélancoliques. Autant dire que l’ensemble est une métaphore de la dépression. L’ennui d’une enfance au village, une fascination pour les lieux saints ou impies, un début de gothisme et de cataphilie, puis les horreurs sombres des grottes, l’enfer, et enfin la mélancolie délirante, celle où le héros pense pouvoir loger le diable dans son crâne. Lente plongée.
Une voie mésestimée par Diablo 2, qui avait délaissé la profondeur pour l’horizontalité. Il ne s’agissait plus de s’enfoncer dans un cocon de cauchemar, mais de parcourir des kilomètres de steppes numériques débiles, un tour de France du hack’n’slash : Diablo 2 s’était étalé, là où Diablo 1 avait su se concentrer en un seul point : le village de Tristram et ses profondeurs.
And Also the Trees a aussi su se concentrer : de la formation très influencée par le post Cure et le punk Joy Division, il ne reste plus qu’une mandoline et une voix sombre. Rarement quelques notes d’une basse électrique, ou un coup de balai effleurant une cymbale. L’essentiel. Il faut peu de choses pour une dépression réussie.
Les trois objets les plus cools qui n’existent pas sont : le skateboard volant de Retour vers le futur 2, les capsules de Dragon Ball et les parchemins de Town Portal. Vous êtes perdu quelque part, ivre dans des rues pleines d’immeubles, et vous souhaitez rentrer chez vous, vite : Town Portal, une porte bleu s’ouvre, vous la traversez, voici votre lit. Fonctionne aussi dans le sens retour. Appréciez l’infini des possibles. A défaut il y a Hunter not the hunted, qui combine excellemment les fonctions des trois objets sus cités. Capable de faire apparaître l’Angleterre des Hauts de Hurlevents (côté capsule) et de créer un Town Portal vers une très ancienne dépression (la fonction skateboard est plus foireuse). « Longtemps je me suis couché, déprimé de bonne heure« .
Ce qui restera de notre civilisation ? Une ligne de code Minecraft sur une disquette : toutes les merveilles de l’humanité reconstituées en allumettes numériques. La musique ne sera pas en reste. Une large phalange d’esthètes a en parallèle entrepris de la recoder en 8 bit. Et ton histoire sera résumé ainsi : You suffer.
And Also The Trees // Hunter not the Hunted // AATT Differ-Ant
http://www.andalsothetrees.co.uk/
8 commentaires
Je comprends absolument que dalle à ce papier…
Ca parle d’un type dépressif qui joue à Diablo en écoutant du Napalm Death joué en 8 bit. C’est pourtant simple.
http://www.youtube.com/watch?v=wU9TN4CTAJ0
Autrement je plaide la confusion mentale.
@Blandine
Perso j’ai tout compris et tous les vendredis je propose un commentaire des chroniques de Sigismund au Café Chéri.
Quel plaisir de lire un papier d’AATT ici bas… Belle chronique originale, un combo original et donc pertinent! Merci…
Un bel album dont je ne me lasse pas. A noter ici la sortie de Diablo III, avec cette histoire d’arbres tueurs, comme ici, dans cet épitaphe pour un héros mort en mode Hardcore.
« Reposes en paix Rylor…..noble barbare de niveau 9.
Toi qui a succombé si proche de l’apothéose du 10e level, lachement assassiné par une horde de pastèques lancées par de vicieux arbres animés.
Tu resteras eternellement dans ma mémoire comme mon premier HC, et tu seras vengé par dela la mort.
Aucun arbre ne resteras debout, j’en fais le serment. »
J’étais curieux de retrouver ce groupe que j’avais adoré plus jeune. Me souvenant de leurs nappes de guitares…. Mais là j’ai rien compris á l’article et n’ai rien appris sur ce groupe. Dommage
Pauvre petit chou