« Qui et où suis-je ? Chou. Ici ou dans la blanche écume varech sur la plage de Malibu ». Il y a près de 45 ans, l’homme à tête de chou l’avait prédit : l’avenir de l’ambient français devait passer par Malibu et son deuxième EP sorti des tréfonds de l’océan, « Palaces Of Pity ».

J’ai la chance d’habiter très près de la mer Méditerranée et de pouvoir la contempler tous les jours en scooter. C’est un bonheur magnétique sans cesse renouvelé, une source d’apaisement pour se frayer un chemin dans le chaos actuel. Une étude, comme toujours anglaise, de 2013 avançait que le bruit des vagues et la vision des étendues marines stimulaient dans nos cerveaux ravagés le cortex pré-frontal, zone responsable des émotions. Cela apporterait bien-être personnel et réduirait le niveau de cortisol, l’hormone du stress. Pour d’autres, ils génèreraient des ondes Alpha, activées notamment lors de la méditation transcendantale. Une réaction chimique qui fait le bonheur de tous les gourous new age pour femmes de riches déprimées. On peut même aujourd’hui suivre des traitements d’ocean therapy.

Motif assez récurrent dans la musique dite de relaxation, le son des vagues se retrouve aussi chez des artistes aussi différents que Dire Straits, Franco Battiato ou Oasis. La Française Malibu en a, pour sa part, fait un véritable dogme dans son œuvre depuis l’éblouissant premier EP « One Life » en 2019 après s’être fait connaitre grâce à son apparition sur l’indispensable compilation « Mono No Aware » (2017). Née à Bordeaux au bord de l’Atlantique et fille d’océanographe, Barbara Braccini en connait donc un rayon sur le ressac de l’océan qu’elle a appliqué à sa musique d’inspiration ambient. Découverte et protégée par Julianna Barwick, tenancière d’un show mensuel acclamé sur NTS, elle est devenue depuis membre éminent de l’internationale ambient féminin qui renouvelle sans cesse le genre ces dernière années avec Kali Malone, Kaitlyn Aurelia Smith, Ana Roxanne, Green-House et des dizaines d’autres. Elle est une caution frenchie dans ce courant en plein renouveau, ce qui doit probablement rendre Emmanuel Macron fier comme un paon dans son col roulé.

Pour ce deuxième EP « Palaces Of Pity », Malibu a choisi d’évoquer la fin d’une amitié qui était déjà le sujet de son premier disque. Mais, vu cette fois avec le recul des années comme si on était « sur une plage vide et que les vagues s’écrasaient au loin (…), tout le son est très fort mais il est vraiment très lointain » décrivait-elle récemment chez Dazed. Et ce qui est finalement assez étonnant, c’est que ce « Palaces… » ne se révèle vraiment que s’il est écouté avec attention. Mes premières approches n’étaient pas franchement emballantes et c’est en s’isolant du tumulte extérieur – au casque ou au calme – qu’il prend toute sa dimension. Ce serait donc presque l’inverse de la mission première de l’ambient au sens de la Furniture Music remontant à Satie d’abord destinée à meubler la vie de tous les jours.

On y perçoit alors au-delà des nappes gigantesques le travail précis des instrumentistes chevronnés déjà présents sur « One Life » (les violoncelles d’Oliver Coates et Madelen Dressler-Vollsaeter ou la guitare de Florian Le Prisée). Le léger autotune sur la voix (The Things that Fade, Iliad) apporte une certaine modernité au genre et, si les vagues sont bien présentes dans l’interlude parlé Cheirosa ’94, elles prennent une forme purement synthétique en fin de disque (Iliad). A l’image du sublime Atlantic Diva, il faut se laisser hypnotiser par ces va-et-vient, un peu comme un personnage cabossé contemplant l’océan à travers la baie vitrée de sa villa moderniste dans un film bleuté de Michael Mann. Je verrai d’ailleurs bien cette musique illustrer une de ces scènes mise en boucle pendant 18 heures comme cela se trouve parfois sur YouTube. De quoi stimuler à fond son cortex pré-frontal. D’ailleurs, il doit probablement aussi exister une étude canadienne expliquant les bienfaits du bruit de la pluie, mais c’est un autre sujet.

Malibu // Palaces of Pity // UNO NYC

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