Cofondatrice des Raincoats en 1977, elle est une icône du féminisme punk et une figure hautement influente pour les générations à venir, de Nirvana à la scène Riot Grrrl. À soixante-sept bougies, Gina Birch signe son premier album solo : « I Play My Bass Loud », pamphlet féministe reggae-punk, sorti ce 24 février chez Third Man Records.

Fan de reggae et des Ronettes, Gina Birch vit sa jeunesse aux premières loges de l’underground londonien. Assistant à la naissance du punk, présente au premier concert des Sex Pistols, c’est en découvrant les Slits sur scène qu’elle décide de suivre la même voie. À l’époque, Gina vit dans un squat dépourvu d’eau chaude et étudie en école d’art, surtout attirée par les médiums visuels de la peinture à la super 8. C’est avec sa camarade de classe Ana da Silva qu’elle fonde en 1977 les Raincoats, en choisissant arbitrairement la basse : plus petit qu’une batterie, plus simple que la guitare (car moins de cordes), moins impressionnant que le chant soliste. Gina commence « l’apprentissage » de l’instrument deux semaines avant son premier concert.

Si le projet initial ne porte pas initialement de réel discours politique, il l’est dès la première heure dans son essence et dans ses actes, avec une musique radicale, puissante et libérée. Et rapidement, à mesure que les rangs du groupe exclusivement féminin s’agrandissent, les Raincoats se politisent et deviennent un véritable emblème, aussi bien du féminisme que de la scène punk. Entre 1979 et 1984, le groupe sort trois albums avant de se séparer une première fois. Précurseur, le groupe est cité comme influence majeure par Sonic Youth, Johnny Rotten, Bikini Kill et le mouvement punk féministe Riot Grrrl des années 90, mais aussi par Kurt Cobain, qui rend hommage au girls band dans les notes de la compilation « Incesticide ». Nirvana demande même aux Raincoats d’assurer les premières parties du groupe sur la tournée de 1994, projet avorté parce que pas de bol, Cobain meurt quelques mois plus tard.

Entre temps, Gina Birch est devenue une véritable icône punk et féministe. Mais c’est ce 24 février qu’elle sort son premier album solo, à 67 ans, tout juste sortie de chimiothérapie. Publié sur le label de Jack White et produit par Martin « Youth » Glover de Killing Joke, « I Play My Bass Loud » est un album-manifeste dans la continuité d’un travail toujours politique, une prise de position permanente dans le discours et l’action. Musicalement, la musique de Gina laisse évidemment la part belle à son instrument favori, avec une forte influence reggae-dub, quelques lignes mélodiques (I Am Rage, véritable hommage aux Ronettes) et de nombreuses expérimentations autour de l’autotune, notamment sur Big Mouth. Loin d’être un simple ersatz mâtiné de nostalgie des grandes heures du punk, ce premier album montre une créativité débordante et sans limites, radicale, grande gueule et pleine d’humour, évoquant par exemple le choix de ne jamais porter de talons aiguilles par pur souci pratique.

Mais derrière l’humour, l’ironie n’est jamais loin. Et avec elle, une rage toujours vivace : le militantisme de Gina Birch s’illustre sur un Feminist Song sans équivoque , ou sur un Pussy Riot aux forts accents dub, hommage aux militantes russes à l’heure du retour de l’impérialisme : « We have to remember that freedom’s not a given / It’s something to fight for everyday / It’s our duty to fight for those who’re still in chains ».

« I Play My Bass Loud » prône donc la prise de parole, la revendication de l’espace, l’émancipation par l’art et la création. Fabriqué sur de longues années comme un journal intime musical des expérimentations de l’artiste, il dévoile aussi des doutes, des crises existentielles et créatives que Gina Birch a su dépasser et transcender. Un long processus d’affirmation identitaire exprimé sur un Wish I Was You plein de sagesse (et accompagné de Thurston Moore de Sonic Youth) : « Time has carried me forward, now I’m happy with me ». Quarante-cinq ans plus tard, Gina Birch en a toujours gros sur la patate. Et elle est toujours aussi cool.

Gina Birch // I Play My Bass Loud // Third Man Records, sorti le 24 février

 

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