Rassurez-vous, Gonzaï ne va pas se transformer en succursale du rap français. Mais quand on en rencontre un bon, pourquoi ne pas se faire plaisir ? Merde aux ayatollahs du bon goût, et direction Vald.

En devenant numéro 1 des ventes sur iTunes dès sa sortie, Vald a atteint son but avec « Agartha », son nouvel album. S’il n’a pas sauvé le monde, il a au moins sauvé son compte bancaire. Pour ceux qui le suivent depuis sa première mixtape, rien de surprenant dans ce succès. Originaire d’Aulnay-sous-Bois, le garçon a tout du fin stratège qui s’ignore à peine. Depuis deux ans, les indicateurs verdissent : des mixtapes pour l’échauffement, une polémique avec Autiste, une grosse tournée, un buzz grandissant, un effet de loupe avec le succès de son single Bonjour… Cette ascension programmée a fini par ressembler au lancement d’une fusée Ariane à Kourou : imparable, mais risquée. Pendant sa tournée gigantesque en 2016 (près d’une centaine de dates), Valentin Le Dû – ça claque moins que Vald – a même constaté un phénomène étrange : un rajeunissement de son public. Signe évident d’un succès grandissant, mais aussi risque d’un oubli rapide une fois envolé l’effet nouveauté. Un potentiel cul-de-sac qui n’effraie pas le garçon, roi de la déviation intelligente et Géo Trouvetou de l’issue de secours.

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Bien aidé par le grand méchant Universal qu’on remerciera pour cette fois, cet homme a tout du général cinq étoiles en com et marketing. Et la mise en place d’« Agartha », tout du plan promo à l’américaine : Touche pas à mon poste, Clique, Noisey, Le Grand Journal, etc. Ajoutez à cela des vidéos promos tournées à l’arrache dans sa chambre et balancées sur le net en mode warrior et vous viendrez naturellement à la conclusion suivante : ce gamin semble machiavélique. Car Vald est fort. Au point d’être dans Gonzaï, place forte du rap français (AHAHAHAHAH). TMTC, toi fan du LSD et d’autres gâteries psychédéliques. Mais pourquoi donc ? Parce qu’« Agartha » est putain de bon. Point barre.

Avant de lui laisser la parole, examinons rapidement son postulat de base : « Il faut produire du contenu en permanence et la communauté qui te suit sur les réseaux sociaux s’occupera ensuite de ta com sans même s’en rendre compte. » Simpliste ? Encore faut-il produire du contenu de qualité. Et ça, Vald maîtrise. Il faut dire que contrairement au sticker qui barre le boîtier cristal du CD, « Agartha » (un royaume souterrain issu de l’antiquité) n’est pas vraiment son premier album. Deux mixtapes (on vous laisse chercher ça sur le net, ici c’est pas Wikipédia) et deux albums (« NQNT » et « NQNT2 ») ont précédé. Avec un petit succès, « NQNT2» frôlant même le disque d’or. Autres faits d’armes ? Le succès de l’ignoblement efficace Selfie (accompagné de trois clips, dont une version porno que tout un chacun a pu croiser sur les plates-formes spécialisées bien connues de nos spécialistes), et surtout celui de l’idiomatique Bonjour, fameuse leçon de civisme à priori stupide. À priori. Tout est résumé là. Une écoute trop rapide et aérienne de Vald conduirait stupidement à la conclusion suivante : ce mec est une quiche. Pas de bol, elle est cuite à point et sacrément assaisonnée.

J’avais déjà essayé de te rencontrer il y a deux ans à l’époque de « NQNT » mais personne n’avait répondu à mes messages sur Facebook. C’est toi qui gérais ta page ?

Oui, bien sûr. En tout cas à cette période. Après, je laissais passer pas mal de messages. 

Ça illustre bien ton rapport aux médias, non ? J’ai l’impression que tu t’en fous.

Je ne crois pas beaucoup à la télé. À part Le grand journal, Touche pas à mon poste et On n’est pas couché, il y a finalement peu d’émissions qui reçoivent des artistes. On n’est pas couché, ça a l’air marrant. C’est un peu l’arène, la fosse aux lions. Sinon, la plupart des médias internet ne sont pas qualifiés. J’ai souvent l’impression d’avoir affaire à des SEGPA. Les questions sont nulles, ils ne savent pas de quoi ils parlent. Après, on rigole, hein, la promo, c’est de l’entertainment. Mais je suis un humain, avec ses bons et ses mauvais jours. Quand je me retrouve filmé par des mecs qui n’y connaissent rien, je peux être désagréable. C’est pour ça que ma promo est un peu bancale. Mais au moins, c’est humain. Des fois je suis bourré et c’est très bien comme ça.

Pas de rappeur sans polémique. La tienne, tu l’as eue avec Autiste. Avec le recul, ça t’a été bénéfique ou pas ?

Quand on l’a sorti, j’étais déjà avec des gens qui mettaient un peu d’oseille dans mes clips. Ça permet juste de faire un peu de bruit. Mais avec ou sans polémique, je pense qu’Universal aurait été intéressé. Ça nous a surtout fermé des portes pour les concerts. Les mêmes portes qui se sont bizarrement à nouveau ouvertes quand Bonjour et Selfie ont marché.

Parle-moi un peu de ce nouvel album, « Agartha », présenté comme ton premier projet véritablement studio.

« NQNT » et« NQNT 2 » l’étaient déjà. Pour « Agartha », je suis content. C’est le truc le plus abouti qu’on a fait. On a mis dix-sept morceaux dessus, beaucoup de flow, de sonorités différentes. Les BPM changent partout, les flows changent partout. La variété de l’album, c’est représentatif de la richesse du monde souterrain, du mythe d’Agartha. L’album est plein de trésors qui partent dans tous les sens. Ce qui est clair, c’est que je veux faire de la musique surprenante. Que tu arrives sur un morceau sans savoir ce que tu vas écouter. J’ai de grandes aspirations pour ce projet. Je pense qu’on va sauver le monde.

Rien que ça ?

Oui, je pense. Si l’album est bien compris, normalement, on sauve le monde.

D’où cette pochette un peu grandiloquente ?

Très grandiloquente, même. On va sauver le monde en Puma. Cette pochette, c’est aussi pour répondre à une phrase que j’avais prononcée il y a longtemps : « Un jour, dans une église, il y aura ma gueule en aquarelle. » On a donc essayé de faire un truc un peu vitrail, un peu église, sans être trop blasphématoire. L’idée, c’est aussi de répondre à tous les mythes d’Agartha. 

En voyant ta dégaine d’empereur sur la pochette, je me suis demandé si tu n’essayais pas de prendre la place d’Alkpote, surnommé l’empereur de la crasserie.

Pas du tout. Alkpote restera toujours l’empereur de la crasserie. Moi, je veux aider les gens, je ne veux pas être le boss de la crasse.

Eurotrap, le premier single d’« Agartha », illustre bien ta volonté de faire de la musique surprenante. C’est ta vision moderne d’un rap à la sauce eurodance ?

J’en sais rien du tout, j’ai aucune culture sur cette eurodance. Mais au moment de faire la prod avec le beatmaker, on cherchait, on cherchait. Et on a fini par tomber sur un synthé merveilleux, très froid. On s’est tout de suite dit que c’était ce qu’il nous fallait.

Ce manque de culture rap, rock, t’en as souvent parlé à tes débuts et de façon complètement assumée. T’en es où, tu creuses ou tu t’en fous ?

Je suis surtout ancré dans mon époque. J’ai du mal avec tout ce qui a eu lieu avant. Par contre, je connais très bien les prods du moment. Qui, pourquoi, etc ?

« On peut le dire, avec toute la prétention du monde : on délivre un vrai contenu. »

Il y a deux ans, tu tournais à peine à 50 000 vues YouTube. Aujourd’hui, n’importe quel single que tu sors dépasse largement le million. Qu’est-ce qui a changé ?

C’est scientifique, ça s’appelle le phénomène de fidélisation. Plus on sort du contenu, plus on touche du monde. On croit en ce qu’on fait. On peut même se le dire, là, avec toute la prétention du monde : on délivre du vrai contenu. On balance, on balance, on balance. Les gens ont l’air toujours contents donc c’est assez normal que ça ramène de plus en plus de monde vers le projet. Après, on a des morceaux qui ont vraiment fait des pics, comme Bonjour ou Selfie. Ça a ramené beaucoup de nouvelles personnes. C’est pas forcément les morceaux en eux-mêmes d’ailleurs, mais le bruit qu’ils ont fait. C’est à cause de ces deux accélérateurs que ça a grossi et qu’on en est là.

À t’entendre, t’es le roi de la stratégie marketing. Ça vient de tes études scientifiques ?

Pas vraiment. Je trouve même que notre stratégie promo ou marketing est assez mal contrôlée. Mais elle marche naturellement. Ça se fait tout seul. C’est vrai que j’ai un bac S, que j’ai passé quelques mois en fac de médecine, mais tout ça me sert à rien dans le milieu du rap. Réfléchir à ta stratégie, à ton marketing, c’est générationnel. Nous sommes obligés de fonctionner comme ça. On est en permanence sur les réseaux sociaux. Nous sommes devenus des pôles d’influence. Ça nous pend au nez. Black Mirror a tout vu. Ils ont décrit le futur, là-dedans.

Honnêtement, tu penses quoi de Selfie, le morceau qui t’a fait connaître avec Bonjour ?

Certains ont cru que je l’assumais pas. C’est vrai, j’ai dit ça lors d’une interview pour Booska-P. Mais bon, faut voir le contexte. J’étais bourré. Bonjour venait de sortir, je faisais un million de vues sur YouTube assez rapidement. Un truc qui ne m’était jamais arrivé. Dans ma vie perso, ça n’allait pas fort non plus, j’étais loin d’être au top. Quand le journaliste m’a dit que Selfie c’était vraiment bien, j’ai eu l’impression que l’industrie me parlait. Selfie, c’est pas la folie du tout. Le morceau me fait rire mais qu’on arrête de me dire que ce morceau tue sa mère. C’est faux. Du coup, j’avais commencé à raconter n’importe quoi pendant l’interview. Ce genre d’interview foirée par ma faute, ça ne me plaît pas. Les gens vont finir par penser que je peux faire des morceaux que j’aime pas. Ce qui est complètement faux.

Au fil du temps, ton discours sur le rap évolue. Quels sont tes objectifs ? En vivre ? Marquer l’histoire ?

Je ne saurais pas trop dire. Ils évoluent au fur et à mesure. Avec « Agartha », on arrive déjà à un niveau assez fort. Je peux écouter l’album en boucle sans problème. De A à Z. C’est déjà ça. En vivre ? On en vit déjà. Est-ce qu’on veut devenir millionnaires en faisant du rap ? C’est encore une autre question. Ce qui est surprenant, c’est qu’on arrive à en vivre sans faire aucun compromis sur la ligne musicale du projet. Si on galérait financièrement, ce serait pénible. On aurait peut-être alors l’envie de faire des compromis, mais là, tout marche. On fait des grosses tournées. Plus de cent dates cette année. Mine de rien, le projet fait même vivre des équipes. Quand on part en tournée, beaucoup de gens vivent de nos conneries.

Avec le succès, quelques dangers te guettent : les drogues, les groupies, le fait de se répéter au fur et à mesure des projets…

Le truc le plus surprenant, c’est cet audimat que tu te prends dans la rue. On commence à te reconnaître. D’un coup, tu deviens un peu quelqu’un de public et c’est surprenant à vivre. Mais pas dur. Sinon, je suis quelqu’un de casanier, un ermite très peu sociable. Je peux rester des heures dans une salle sans parler à personne. Donc je ne ressens pas vraiment les dangers dont tu parles. Ce qui est certain, c’est que je suis très impatient de voir comment on va exploser.

Sous tes airs de glandeur, t’as l’air d’être un énorme bosseur.

C’est parce que j’ai peur de ne pas être à la hauteur. Dans mes textes, j’ai une volonté de dire quelque chose. Pas uniquement de faire de la punchline pour de la punchline. À un moment donné, il faut que ce soit dit : je veux dire quelque chose avec mes textes. On en a marre des gens qui te ramènent toujours les textes de Public Enemy à la tronche en te disant qu’aujourd’hui tout le monde fait du zouk et de la zumba. Ce n’est pas vrai, il y a encore des mecs qui veulent dire des choses dans le rap, et je crois que j’en fais partie. Même si mon message passe parfois sur un mode loufoque. T’as un côté social dans mes textes. Il y a vraiment des morceaux socials sur l’album. Sociaux, je veux dire. Je… conjugue mal.

On y arrive. Tes morceaux ont souvent un double sens. Pour le déceler, encore faut-il les écouter attentivement, ce que ne font pas souvent les détracteurs du rap actuel.

Bien sûr que j’ai une volonté de faire passer des messages. Mais je fais aussi en sorte que ma musique reste super accessible. On fait du rap, de la musique. Ça doit prendre tout seul, du premier coup. Pas besoin de l’écouter trois fois pour savoir si c’est intéressant. On bosse donc énormément sur les sons, mais il faut absolument dire quelque chose derrière. Sinon ça ne sert à rien. Après, je serais content qu’un mec finisse par se dire au bout de trente écoutes : « Ah ouais, il parle de ça depuis le début. Wouah, je suis choqué ! » 

T’as réussi à conserver ta liberté en signant chez une major ?

Oui, aucun problème. Même si je leur chie tout le temps à la gueule, il s’avère que je bosse avec des gens bien. Ils me font confiance. Pourtant, quand je leur propose mes morceaux, ils paniquent souvent, genre : « Mais qu’est-ce qu’on va faire de ça ? » Je les rassure, je leur explique qu’il faut y aller. Et au final, on arrive à avoir un projet que la maison de disques imagine pouvoir faire marcher, commercialement parlant. Donc ils me laissent faire. Ce qui me saoule le plus, ce sont les délais entre l’enregistrement d’un morceau et sa sortie. C’est vraiment frustrant. C’était surtout vrai sur « NQNT » et « NQNT2 ». Quand ils sortaient, j’étais déjà sur d’autres projets, d’autres sonorités. Avec la tournée, j’ai essayé de réguler tout ça. « Agartha », c’est vraiment mon état d’esprit d’aujourd’hui. Même si quelques textes ont un an ou un an et demi, cet album, c’est moi aujourd’hui. Là je suis au point, je suis phasé. Parfaitement aligné avec les astres.

Le choix entre autoproduction et major a été facile à faire ? PNL fait tout en mode autoproduction par exemple.

Faut replacer les choses dans leur contexte. J’ai rencontré les mecs d’une major à 18 ou 19 ans. Ça fait cinq ou six ans maintenant. À l’époque, les autoprods ne fonctionnaient pas beaucoup. J’étais un gamin, sans rien dans sa vie. Je faisais des études que je détestais. Après deux ou trois morceaux, on vient me proposer des contrats. J’ai vu ça comme une chance. Pouvoir travailler là-dedans, ça m’a paru énorme. Après, j’ai une vraie volonté d’évoluer en autonomie par rapport aux maisons de disques.

Ce qui est étonnant dans ta démarche, c’est ta volonté de piétiner les codes du rap : les femmes, les voitures et le cash.

Tout ça, c’est du détail. Je veux voir plus large, c’est sûr. Même si je parle de tout ça, je veux évoquer autre chose, ne pas uniquement faire du rap qui loue le capitalisme. Mes paroles, je les veux plus riches. J’ai l’impression que certains rappeurs seraient capables de tuer leur mère pour honorer les valeurs du capitalisme. C’est pas mon cas.

À ce propos, peux-tu me dire pourquoi les rappeurs ont toujours cette envie récurrente de niquer leur mère ?

Tu peux difficilement faire plus violent comme insulte. Va niquer ta fille, ça commencerait à être un peu sordide. Va niquer ta mère, au moins, c’est clair. C’est violent et tout le monde comprend. Cette expression, c’est juste ça : de la violence. Faut pas y voir autre chose.

Comment faire du rap sans être dissident ?

C’est une question que je pose à tout le monde dans Eurotrap, le morceau le moins dissident de l’album. Il faut peut-être repenser le rap, le voir autrement. Ne plus mettre l’argent au centre des morceaux. Il y a même des philosophies qui existent là-dessus, des gens font de la cash money. Ils se moquent d’aimer ce qu’ils font, le seul truc qui compte pour eux c’est de faire de la musique qui rapporte de l’argent. Faire ce qui marche, voilà ce qui compte pour ces mecs. C’est tragique. 

« Laisser son fils de 12 ans aller à un concert de Vald, faut être complètement irresponsable. »

C’est vrai que dans le rap, on sent parfois que le business a pris le pas sur le côté artistique.

C’est très américain. En France, on a un peu plus de mal avec ça mais tu sens qu’on y va. C’est pas pour rien si beaucoup de monde se met à faire de la zumba ou du Magic system. Ces rappeurs-là n’ont pas envie de sauver le monde. Pour moi, la volonté latente de n’importe quel artiste qui s’exprime, c’est d’une manière ou d’une autre de sauver le monde. C’est très naïf, mais c’est l’envie d’enfant qui reste. Si tu t’exprimes pas pour sauver le monde, tu fais juste chier tout le monde. Alors ferme ta gueule dans ce cas-là. Au départ, je voulais appeler l’album « Radical ». J’avais dans l’idée d’aller au bout du bout des sonorités, des balades, etc. Faire chaque morceau à fond, quelle que soit sa direction.

Ton public, tu le connais ?

Du 18-25, principalement. Plus on grossit, plus on a des petits qui viennent. Je pensais éviter ça, mais c’est pas possible. Heureusement, ça se limite à des ados. Laisser son fils de 12 ans aller à un concert de Vald, faut être complètement irresponsable. Ça s’élargit surtout parce que les petits trouvent ça cool d’écouter ce que les grands écoutent. C’est mécanique. Il y a aussi des mecs plus vieux qui se prennent le truc de face, j’en suis ravi.

Tu maîtrises ton image. Avec qui tu bosses pour tes clips ?

Je bosse beaucoup avec Kub et Cristo. Ces mecs sont vraiment très bons. On se retrouve à faire des conf call à trois. Parfois on s’insulte. Mais c’est très vivant. Le clip, c’est super important. J’ai envie d’innover. En tout cas d’essayer parce que je sais bien que tout a déjà été fait. On ne peut pas se limiter à faire uniquement des clips esthétiques, à proposer de l’« art » en faisant les beaux gosses avec des lumières et des mouvements de caméra au ralenti. On ne peut pas se cantonner à être des affiches publicitaires qui mettent en avant tout un tas de sponsors. C’est aussi pour ça que la plupart des rappeurs vident le contenu de leurs clips. Moins tu as de contenu dans ton clip, plus c’est facile pour une marque de se placer sur toi et de prendre de la place dans le clip. Alors que si tu sors un titre comme Shoote un ministre, on va vite te dire qu’on préfère pas t’habiller gratos.

À propos, Redskins ne t’a pas encore proposé de partenariat ?

Non. Ils auraient dû.

T’avais pourtant mis en vente ton sweatshirt Redskins fétiche sur Ebay pour 10 000 euros. Ça s’est vendu ?

Non. D’ailleurs, je défends pas du tout ce truc-là. Ça devait rester confidentiel, c’était de l’ordre de la private joke. On va peut-être refaire une annonce après la sortie de l’album, tiens. 

Tes textes pourraient laisser penser que tu es un nihiliste ?

Pas du tout. Je ne suis pas comme ça. Tout ça ne sert à rien, mais on est dans la matrice, il faut bien qu’on s’occupe. Sinon on finirait tous par s’entretuer. La vie, c’est un jeu, une cage dorée. J’ai pas vraiment de pudeur pour faire n’importe quoi dans mes clips, j’en ai beaucoup plus à être moi-même. Déjà parce que je ne suis pas quelqu’un de particulièrement intéressant. Du coup, je préfère proposer des choses différentes dans mes clips. Et encore, si on avait le triple des budgets qu’on a, je suis certain qu’on ferait des choses démentielles.

C’est combien le budget d’Eurotrap par exemple, un clip tourné sur fond vert ?

10 000 euros.

Sans parler de Shoote un ministre, quel est ton rapport à la politique ?

J’ai un peu de mal avec l’aura des hommes politiques. Ils ont des sales gueules, de sales manières de parler. Entre ceux qui ont des casseroles de pédophilie et ceux qui tombent pour escroquerie d’oseille, on est gâtés. Quand ils parlent, je ne comprends pas toujours tout. Ces gens-là s’amusent entre eux, ils sont dans une autre matrice, celle qu’ils se sont eux-mêmes créée. Leurs lois ont rarement des impacts sur ma vie, si ce n’est que mon ticket de RATP continue d’augmenter. Après, j’en ai rien à foutre, ils font leur vie. D’autant que je ne suis pas dans un système où je vais avoir besoin d’eux. Je suis plutôt auto-entrepreneur, j’essaye de faire de l’argent tout seul. Les hommes politiques, ce sont surtout des obstacles. Je vais réfléchir à la politique quand un de ces obstacles aura une incidence sur ma vie, mais sinon… jamais. C’est un jeu. Ces mecs finiront par devenir des people qui auront encore moins d’influence que les artistes. Quand ils sont au pouvoir, ils sont détestés. C’est à se demander pourquoi ils se battent pour l’obtenir. Certainement pour des raisons obscures qui me dépassent. La politique ne m’intéresse pas du tout. Je ne veux pas entendre parler de ces mauvaises personnes.

« L’espionnage industriel, c’est presque un devoir dans ce milieu si tu veux pas rapidement être largué. » 

Le secteur du rap est devenu très concurrentiel. Tu suis un peu son actualité ?

Je regarde tout le monde. Je regarde tout ce qui passe sur Booska-P, sur Générations. Je suis aussi assidûment quelques comptes Facebook de mecs qui sont très à la pointe là-dessus. J’essaye même de trouver des artistes qui font trois cents vues. L’espionnage industriel, c’est presque un devoir dans ce milieu si tu veux pas rapidement être largué. 

On te décrit souvent comme le roi du second degré. Et là tu réponds sérieusement à mes questions.

Là, c’est autre chose. Cet album, c’est un truc énorme pour moi. Ce projet tue sa mère, j’y crois. Et puis on grandit. J’ai un enfant. Donc je ne vais pas être en mode second degré tout le temps.

Je te sens super confiant.

Super confiant. Surtout quand je vois ce que les autres sortent. J’aime bien quand Booba parle d’espionnage industriel. Il faut écouter tous les autres, c’est une émulation. Parfois, je me prends des vraies claques et je me dis qu’il faut faire mieux, monter le niveau.

En parlant de niveau, t’as écouté le dernier album de Kaaris par exemple ?

Tout à fait. Mais que vas-tu faire de la critique que je pourrais faire de l’album de Kaaris, là, tout de suite ? Tu vas retranscrire tout ça dans l’interview ? Telle est la question.

Je retranscris toujours ce qu’on me dit.

Alors on va dire que j’ai pas écouté l’album de Kaaris, ah ah ah.

En vrai tu l’as écouté, mais tu ne diras rien.

Voilà quelque chose que je ne veux pas faire, de la mauvaise pub à qui que ce soit. Je ne veux pas envoyer de la « négativité ». Comme tout le monde, j’ai des goûts. Certains rappeurs me plaisent, d’autres clairement pas. Mais je n’en parlerai pas publiquement. Je trouve ça dégueulasse. 

Alors positivons. Qu’écoutes-tu en ce moment ?

Biffty, Alkpote. J’écoute aussi un petit qui vient de sortir un son crasseux incroyable et qui s’appelle DIL. BM Squad j’adore. Chris Corleone, c’est très chaud aussi. Voilà pour le confidentiel. Dans le rap en place, j’écoute moins de choses. Le dernier EP de Hamza, « New casanova », c’est de la pure folie. Un morceau est sorti, ça s’appelle Breaking bad et c’est incroyable. Ce mec devient Bruno Mars, c’est très chaud d’avoir ça dans le paysage francophone. Damso, c’est chaud aussi.

https://www.youtube.com/watch?v=9GJJMZjISmY

T’écoutes uniquement du rap ?

Oui. Pour le reste, j’ai pas les codes. Déjà, j’ai beaucoup de mal à écouter de la musique sans mots. C’est très dur pour moi. Donc ça élimine d’office pas mal de choses. Le rap, c’est une musique dynamique, il s’y passe tout le temps quelque chose. Aujourd’hui, toutes les formes explosent et tout est possible.

Et le rap américain ?

21 Savage. Je le mets devant tout le monde en ce moment. J’écoute que ce jeune drogué qui détruit tout. Bien sûr, je comprends pas tout ce qu’il dit mais je capte l’essentiel. Les propos restent assez bas de gamme. Il parle de son flingue, de sa pute, de tuer tout le monde et voilà. Mais les prods sont fantastiques. Toute la nouvelle vague du rap d’Atlanta est démente. Ils sont tous drogués. Kodak Black, Young Thug. Je suis très admiratif de tous ces gens.

« Les chefs-d’œuvre actuels sont dans les jeux vidéo. Pas dans la musique ou dans le cinéma. »

Entre nous, t’as jamais acheté de CD, si ?

À un moment, j’en achetais à mort. J’avais une horrible Xantia avec un lecteur CD et je roulais tout le temps. Maintenant que j’ai plus ma voiture, j’ai plus de lecteur. Je suis surtout sur Deezer. J’achète des albums en digital pour moi et aussi pour les amis. De toute façon, j’écoute beaucoup de mecs qui n’ont encore sorti qu’un ou deux titres. Leur musique n’existe même pas en CD donc la question se pose pas. Les sites de téléchargement illégaux me font flipper. Pas parce que c’est illégal, mais parce qu’il y a beaucoup trop de contenus et que j’ai l’angoisse du clic, la peur de me gourer quand je choisis. Le trop, c’est aussi flippant qu’une page blanche.

Et l’auto-tune dans tout ça ?

J’ai aucun problème avec ça même si je suis très loin d’en mettre partout. Il doit y en avoir sur trois ou quatre morceaux sur « Agartha ». Sur scène, on va en mettre à toute patate et ça va être merveilleux. De toute façon, les ingés son vont me sauver, pas de raison qu’on n’y arrive pas, ah ah !

Ta promo a l’air sacrément bien rodée au final ?

Quoi qu’il arrive, le projet va être écouté par ma communauté sur les réseaux sociaux. Donc peu importe la promo. J’ai pas d’objectifs de vente. Je m’en fous d’être en rotation sur Skyrock, en Airplay. On a été présents toute une semaine à Planète rap même si la ligne éditoriale de Skyrock ne me plaît pas trop. C’est du grand public, le rap de l’industrie. De toute façon, j’ai aucun avis sur la radio. Je ne l’écoute pas. Que ce soit de la house, Rihanna ou Nicki Minaj, très peu pour moi.

Quelque chose à ajouter pour terminer ?

Peut-être sur les jeux vidéo, tiens. J’y joue assez peu aujourd’hui parce que j’ai un mal fou à donner du temps dans une action qui ne me rapporte pas d’argent. Suis-je capitaliste pour autant ? Non. J’ai juste peur pour mon avenir, ah ah ! Mais ce que je sais, c’est que les chefs-d’œuvre actuels sont dans les jeux vidéo. Pas dans la musique ou dans le cinéma.

VALD // Agartha // Mezoued Records (Capitol)
vald.tv

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