De zig en zag, le label Slovenly trace une route rectiligne dans le paysage électrique et, à force de gratter le fond des carburateurs encrassés fait trembler ce qui reste de la carcasse d'un garage rock qui ne tourne pas sur trois accords néanderthaliens. Dernier exemple en date, et pas des moindres, avec ‘’Pagan Day’’, premier album de mystérieux Canadiens à paraître en février. Ces Pypy font de la résistance.

Il y a des évidences comme ça, des trucs plantés au milieu de la figure qu’on a mis trois plombes à intégrer ; comme par exemple le fait que le label Slovenly ait déjà 12 ans d’existence. Le courrier informatif reçu dans les premiers jours de décembre pour annoncer la naissance du groupe Pypy fut du reste l’occasion de confirmer cet étonnement. Qui se cache derrière ce label, où crèche-t-il, à partir de combien de bières finissent-ils sous la table ? Comme dirait Emile Louis, il faut creuser pour comprendre.Car contrairement à d’autres compagnies aisément reconnaissables comme In The Red, l’histoire de Slovenly est du genre discrète, à relier en pointillés grâce à toutes les sorties, de The Spits (2003) à Reigning Sound (2005) en passant par les Magnetix (2009), JC Satan (2010) et plus récemment encore Acid Baby Jesus et Bazooka (deux groupes grecs à l’intérêt plutôt limité).

sticker_guyAyant effectué ce petit tour de piste, le lecteur aura facilement compris que le label fondé à l’époque où le rock était censé revenir – remember les Strokes et White Stripes ? – a plus à voir avec Born Bad ou Teenage Menopause qu’avec une succursale tenue par un Pascal Nègre à gomina. D’ailleurs Pete ‘’Sticker Guy’’ Menchetti, fondateur de Slovenly, n’est pas vraiment un lapin de six semaines. Sa renommée, comme son surnom l’indique, il la doit depuis le milieu des années 90 à son entreprise d’autocollants qui a recouvert la moitié des Etats-Unis grâce aux groupes qui lui ont passé commande. Rapidement, Pete sent que fabriquer des stickers à coller dans tous les chiottes du Texas ne suffira pas à son épanouissement ; il décide plutôt courageusement d’enregistrer des groupes à cette époque où le rock semble au bout du rouleau et le tout se nomme 702 records, un label laboratoire qui de l’aveu même de son créateur possède ‘’un nom merdique’’.  La suite est facile à comprendre : 702 deviendra Slovenly records en 2002 et nous voilà 14 ans plus tard à refaire le film à l’envers.

LCD Motörheadsystem

Fondé en hommage à ‘’ces labels dont l’esthétique était assez puissante qu’on achète leurs sorties sans forcément connaître les groupes’’, Slovenly a donc fait une partie du chemin. Arrivée au carrefour de son existence – c’est long 14 ans – la bande d’écervelés qui donne l’impression de jouer avec la valise contenant les codes nucléaires en écoutant les Cramps s’est certainement posé la question de savoir si refaire trente-six fois la même chose avait encore du sens. C’est précisément là qu’entrent en scène les Canadiens de Pypy et leur disque païen, truc bordélique d’à peine trente minutes à écouter en imaginant l’ouragan Katrina dévastant le CBGB. Composé de membres de Duchess Says et Red Mass, Pypy ne pisse vraiment pas de la copie pour rien : neuf chansons, rien à jeter. Un énorme courant d’air dans la gueule où les refrains pop glissent sur de longs passages fuzz psychédéliques avec une rythmique disco-punk en arrière plan qui fait l’effet d’un propulseur stratosphérique. Fin du descriptif type Guitar Mag.
Que dire de plus sans tomber dans la monotone chronique de disque ? Que la pochette est absolument superbe – logique, elle est signée par Elzo, le Leonard de Vinci du papier buvard, qu’on croise les fantômes du post punk stretching de Pylon sur New York, le groove rythmique de Louis XIV sur She’s gone et que ‘’Pagan Day’’ pourrait s’avérer un excellent remède pour ceux qui pleurent encore le break de Thee Oh Sees. Et si vous n’aimez pas ce disque au croisement entre LCD Soundsystem et Motörhead, vous pouvez toujours vous enfoncer une étagère Ikea dans l’arrière train. Paraît que c’est bon pour la circulation.

Pypy // Pagan Day // Slovenly (sortie le 11 février)

http://slovenly.bandcamp.com/album/pypy-pagan-day-lp

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10 commentaires

  1. Je suis très content que tu découvres enfin (et que tu fasses découvrir) ce label.
    Par contre pas d’accord avec toi sur les grecs de Bazooka : cet excellent groupe qui a sorti quelques belles tueries ces deux trois dernières années dont un fameux 7″ sur le label parisien InchAllah , est tout à fait digne d’intérêt.

    1. Oui vous avez surement raison les mecs, cette tirade était juste destinée à lancer une énorme polémique à travers l’Europe. Je crois que j’ai réussi mon coup !

  2. … Par contre que ce soit Born Bad, Teenage Menopause ou encore Slovenly ils ont que le numéro d’Elzo dans leur carnet d’adresse quand il s’agit de trouver quelqu’un pour faire la pochette ?

  3. This album is actually a co-release between BLACK GLADIATOR and SLOVENLY RECORDINGS. BG is an imprint of Slovenly with a slightly darker and funkier overall vibe. Past releases include the first two 7″ from Vex Ruffin and the Lo-Fi Jerkheads (Vex is now on Stones Throw Records), The Psyched, Tunnel of Love, Electric Crush, and most recently the double 7″ by OBNOX called « Canabible Ohio » and a 7″ by The Hussy.

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