Le téléphone sonne. « Oui, allo ? ». Depuis une petite décennie, on avait perdu la trace du sosie du Général de Gaulle de la rive gauche, versant club de jazz et orgue Hammond, . On le pensait définitivement en dehors de l’image, mais ce Charlie O est récemment revenu au centre (sic) sur le label de Laurent Garnier qui, lui, l’a bien compris. Et donc allo, comme Charlie O.

La dernière fois qu’on a pris de ses nouvelles, c’était pour son « Double Drums » qui, comme son nom l’indique, n’était pas un album de double pipeau. C’était il y a – on compte – presque pile dix ans et depuis, on pensait la magie de Charlie évanouite, comme c’est un peu le cas pour tous ces musiciens qui compensent la perte des cheveux par le port de la moustache.

Après le tube de The President dont personne ou presque ne souvient, on pensait qu’il avait pris l’option traversée du désert gaullien, mais Charlie O, lui, turbinait en silence. Entre ses premières années et aujourd’hui, celui qui a découvert l’orgue Hammond à 21 ans a déroulé du câble comme on dit dans les films de cul – Charlie a notamment bossé sur des musiques de films pour John B. Root. Ceux qui achètent encore des disques l’ont peut-être entendu aux côtés de Noël Akchoté (sic), Mendelson ou Quentin Rollet, et encore plus récemment à l’orgue derrière les Français de Corte Real pour une reprise de Leo Ferré, publié sur un Tribute organisé par La Souterraine.

Charlie en fait, comme le héros dessiné, est à la fois partout et nulle part. Et surtout pas là où on pourrait l’attendre. « Y’a rien de pire qu’un album qui ressemble au précédent » consent-il au téléphone, quand on lui demande comment est né « M2 », son dernier album en date, parfaite jonction entre la musique d’église, l’ambiant et un after du samedimanche avec deux prêtres et trois Dj. L’objet non identifié, signé sur le label de Laurent Garnier, devrait rythmer vos repas dominicaux si, par chance, vous disposez d’une platine Technics calée pas très loin du poulet-frites.

Pas droit au but

« Il y a des années où l’on a envie de rien faire » aimait à répéter feu Pierre Barouh. Dans le cas de Charlie, c’est flagrant. A milieu des années 2010, et alors que son costume de Général prenait un peu la poussière, le claviériste décide de quitter Paris ; il fera un détour par Bruxelles pendant 3 ans avant de finalement poser ses bagages et ses machines à Marseille où, finalement, il s’initie à l’orgue d’église. « Ca, c’était visiblement pas possible ailleurs qu’à Marseille ». Question de place déjà, et puis le boucan aussi, qui n’a jamais effrayé la cité phocéenne… « Logiquement tous les organistes débutent par le Conservatoire, puis ils deviennent assistants et finalement, si tout se passe bien, vers 65 ans, ils passent titulaires explique-t-il, moi j’ai jamais été dans ce type de cursus traditionnel ». C’est ce parcours fait d’accidents, comme dans un vieux film de Pierre Richard, qui explique certainement comment celui qui avait stoppé le Conservatoire à 14 ans s’est retrouvé, 30 ans plus tard, à finalement découvrir l’orgue d’église grâce à un professeur du Conservatoire marseillais. « Grâce à ce prof, j’ai accès à l’instrument 3 à 4 fois par semaine, et c’est une chance ». Voilà pour la genèse de « M2 ».

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M pour Marseille

C’est ici, dans une ville réputée pour son rap et son football que Charlie a accouché de ce nouvel enfant tardif. Après un premier essai sur orgue nommé « Marguerite », publié en 2015, toujours pas de traces de plombantes reprises de Bach ou de messes (« je n’y ai jamais été ») sur « M2 », au moins cette prière aura été entendue. A la place, huit titres un peu roublards où Charlie fait zigzaguer ses doigts entre le ska de Jackie Mittoo et le groove feutré d’un Brian Eno à qui on aurait collé un ampli basse dans le rectum. Impossible de savoir si ce disque doit être joué avant ou après la fête, et c’est ce qui fait son charme.

Est-ce le fait d’être descendu à Marseille qui lui a permis de signer sur le label de Laurent Garnier, Sounds Like Yeah ? Oui. Ou non. Ca n’a, en fait, aucun lien. C’est surtout une rencontre avec le Boss lors de la deuxième édition du Festival Yeah, crée par Garnier, qui permettra de faire la connexion. Là bas, Charlie assure d’abord les interludes, une fois, puis deux, et ainsi de suite. Et c’est grâce à cette logique illogique que l’inattendu se produit, naturellement avec, sur « M2 », des pédales MOOG branchées sur un orgue d’église pour ce qui est, au bout du compte, un disque planant. « C’est certainement plus électronique que mes précédents albums, mais le fait de signer chez Laurent Garnier n’a rien à voir avec ça ». Pas plus qu’avec Charly Oleg, au cas où vous vous seriez posé la question.

CHARLIE-O.-BD

Aux dernières nouvelles, Charlie O continue de sillonner la France pour des tournées à l’ancienne avec tout son bastringue (« rouler dans Paris avec ma caisse de 1992, t’oublies ») et joue même ces temps-ci avec le chanteur du métro Mohamed Lamouri, croisé au milieu des années 2000. Et quand on lui reparle du titre The President, composé en 2004, Charlie se marre : « c’est parti d’une blague où je me prenais pour un Président incontrôlable en pastichant – avec 3 ans d’avance – Sarkozy. Mais c’est toujours d’actualité sous le règne de Macron… ». Deux mandats plus tard, Charlie, lui, continue de faire ce qu’il veut. C’est le privilège des rois et la confiance est, comme sur un piano, bien accordée.

Charlie O // M2 // Sounds like Yeah Records
http://www.unbonweekend.com/

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