Alors que la tendance générale consiste à composer de gentillets refrains pour accompagner les mérites de telle savonnette qui rend la peau douce ou de telle banque qui ne joue pas au Blackjack avec vos économies, on peut encore trouver tapis au fond des poubelles des groupes qui ne se lavent pas les dents avant de brancher les amplis. Nulle doute que si Endless Boogie devait ressembler à quelque chose, ce serait davantage à un Bigfoot mal peigné qu'à un pastiche de monsieur propre au rasage impeccable.

noq031Comme on se doute bien qu’en signant sur un label nommé No Quarter, les new-yorkais de Endless Boogie ne sont pas là pour nous bassiner avec des histoires d’amour et autres balivernes sur la jeunesse éternelle ou l’importance du recyclage, le nom même du groupe en dit déjà assez sur la promesse : un boogie sans fin, joué pied au plancher du début à la fin, avec suffisamment de mauvais gout pour faire passer Philippe Manœuvre pour un poète de la rive droite. Le mauvais gout qui suinte par tous les pores de ce disque sans prétention, c’est précisément sa grande force ; ici pas de grande philosophie sur la condition du rockeur, mais un gigantesque rot en Fa majeur qui s’étend sur les neuf longues pistes qui composent « Long Island ». Quelque part, ce putain de disque ravive le souvenir d’une Amérique qui n’existe plus que dans les rediffusions de Walker Texas Ranger, quand Chuck Norris hésite entre l’arrestation du voyou et la pinte au comptoir en écoutant le bœuf d’un groupe du sud des Etats-Unis, genre Ted Nugent.
Evidemment, ceux qui se désinfectent les mimines à la lingette après la pause pipi peuvent passer leur chemin. Aucun des titres de l’album n’a vocation à jouer la demi-mesure ; on a parfois l’impression d’entendre les Stones avec Lemmy au micro en train de vociférer des banalités sur le fait de sortir les poubelles (Taking out the trash), à d’autres moments les interminables logorrhées soniques des guitares qui croisent le fer feraient presque penser à du ZZ Top ; bref on est ici en plein cœur de l’Amérique qui tente de se regarder le nombril en soulevant ses plis de gras bedonnants.

Face au rock clinique et castré des Strokes à qui on aurait envie de conseiller de se faire greffer une paire de couilles de gorilles, celui plus burné de Endless Boogie sent bon la sueur, le sable de Mojave et la cyprine de la fermière. Jam cosmique quasi instrumental destiné aux routiers de la route 66(6), « Long Island » est une autoroute vers l’enfer ; les mantras répétés en longueur donnent l’impression d’écouter une musique d’ascenseur en flamme, un peu comme si les barbus d’Endless Boogie avaient décidé de jouer un remake de La Tour Infernale avec Charles Manson dans le rôle du pompier. A la fois complètement vulgaire et délicieusement primaire, un parfait remède contre les gueules de bois ; un disque pour regarder la journée passer sans rien branler ni rien dire, rien de plus qu’un retour à l’âge de pierre avec une Budweiser en guise de gourdin.  A la fin de « Long Island », une seule chose à faire : retourner son caleçon sale, jouir de sa propre crasse et remettre le disque au début.

Endless Boogie // Long Island // No Quarter (Differ-Ant)

9 commentaires

  1. Depuis quand faut-il être ultra-pertinent pour commenter, hein ? Bref, merci Albert, effectivement passer à coté de ce disque eut été un crime.

  2. Du lourd……du lourd et sombre……aux melanges bien accordes……rock texan a la zz top…..psyche et blues selon les morceaux…..tres influence mais intelligemment…..du plaisir a ecouter….sans moderation

  3. Enfin un groupe qui me fait sortir de ma nième réécoute de l’intégrale de Zappa (rien à voir musicalement, mis a part un chant aux accents Beefheartien)… Enfin un truc neuf et bien !
    Je prends tout et je retourne dans ma grotte…

  4. Un fuckin’album, très sévèrement burné en plein de stupre… ça pourrait être un exercice appliqué de blues rock énervé à la ACDC et soudainement ça devient bien plus. Ces mecs transcendent vraiment la proposition en amenant les morceaux sur des territoires vraiment neufs. J’ai parfois pensé à la démarche des Stooges qui ont confronté le rock au free jazz (Funhouse)
    Du rock de pompistes…. qui a de grosses neurones.

  5. Découvert dans un bar rock d’Oslo, le Last Train, après 5 minutes à faire « putain mais c’est bon ça, c’est bon çaaaa, c’est bon en plus ça s’arrête paaaas, AAAAhhhhhh ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages