Sur son premier album « Yolande et l’amour », Baptiste Legros montre un autre pan de la chanson française imprégné par un quotidien morose fait de nombreuses désillusions.

Il pourrait venir de l’est de la France, niché dans un coin du pays où les faits divers sont légion et où la grisaille permanente n’inspire que des textes glauques, comme si l’inverse était absolument impossible. Mais non. Yolande Bashing, dont le nom génial fait référence à la plus française des françaises (Yolande Moreau) et à l’un des meilleurs paroliers que ce doux pays a connu (Bashung), est en fait un mec du nord, une région similaire à l’est sauf que les gens y sont juste un peu plus chaleureux.

Yolande a débarqué avec ses synthés en 2018, sur un EP (« Ma République ») où il posait les fondations d’une nouvelle forme de chanson française, coincée entre le spleen des rappeurs et l’envie, tout de même, de proposer autre chose que de l’autotune mal produit. Une tradition qui se perpétue mais qui évolue en permanence, que ce soit avec la « nouvelle scène française » qui réhabilite France Gall et Christophe ou les dépressifs dégénérés du grand est qui ont tout piqué à Suicide et Jean-Louis Costes.

Claude François et Jean-Pierre Pernaut

C’est dans ce contexte que Yolande Bashing s’évertue à donner sa vision du quotidien. Car même s’il a un alias pour ce projet solo, Yolande parle de Baptiste : de son lit fait de linges sales, de son envie de manger des bigorneaux ou de « réparer les vivants » ainsi que des JT de Pernaut. Ce n’est pas sexy, et encore moins vendeur, mais tellement cynique et brut que la réalité ici ne peut que dépasser la fiction. Une chanson comme Abcès, la deuxième de l’album, dévoile la capacité presque nonchalante qu’aurait Baptiste à faire un disque plus « pop » et dansant. Mais il enchaîne direct avec Les Vivants, comme pour vous faire la nique, et ne laisser aucun doute sur la suite des évènements : non, il ne pliera pas aux formats radios et aux diktats de la pop culture éphémère. Claude, clairement le tube de ce disque s’il fallait en choisir un, est un hymne au néant, à une vie où les informations du journal de 13 heures rythment un quotidien sans femme mais avec les mioches et, cerise sur le gâteau, avec Claude François à la radio, soit l’équivalent d’un dimanche dans un EHPAD.

La suite du disque, de Partager à Réalité, est une longue descente morose vers un océan de déboires dans lequel Yolande donne l’impression de voguer alors qu’il sait pertinemment où il va. Chou parle de précarité et de manger du chou-rave en désert sur un tempo plutôt upbeat (il chante : « J’ai du mal à penser / Quand on a tout dépensé / Du chou du chou-rave en dessert / Des roues des roues des rouages d’enfer »). Mes Amis aborde le thème de l’amitié (vous ne l’avez pas vu venir celle-là), de la distance qui peut parfois se créer, et d’une forme de rémission, surtout quand il les nomme un par un. Il termine en écoutant « sa réalité » sur Réalité. Il lui fait en tout cas face, de manière frontale, pour mieux la sublimer en chanson. Un exercice de style qui s’achève par cette terrible envie de bouger les jambes tout en chialant sur les épaules du premier venu.

On doute que vous vous posiez la question, mais oui, Yolande Bashing passe haut la main les tests pour intégrer la clique des « agents du maussade », dans laquelle on retrouve que des joyeux lurons comme Ventre de Biche, Noir Boy George, Rouge-Gorge, Régis Turner ou encore Christophe Clébard pour ne citer qu’eux. Tous de bons compagnons de route dans une Fiat Panda lancée à 110 km/h l’autoroute de la tristesse.

L’album « Yolande et l’amour » vient de sortir sur le label Bruit Blanc. Pour commander, c’est par ici.

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