Après plusieurs écoutes de l’album « The Echo Show » de Yeti Lane, une sensation de doute nous prend.

Sommes-nous en présence d’un chef d’œuvre pop réhabilitant le sceptique barbu à chemise à carreaux comme archétype du démiurge ? Serait-ce plutôt un coup de maître, une pièce d’orfèvre comparable au Sophtware Slump des barbus du Montana, au meilleur de Stereolab ou encore à la pop savante et grindy des Superfurry Animals ? Ou nous sommes-nous tout simplement laissés bercer dans l’illusion entretenue par tant d’années passées à ne plus écouter de pop digne de ce nom, embarqués dans l’escalade Wilsonienne alimentée par une critique inapte à convoquer d’autres icones que les Beach Boys à la simple écoute de trois voix superposées titillant les aigües?

Bref. Il y a en France une scène pleine de vitalité qui décrasse les canons du rock indé à la française sans mettre le feu aux poudres. Donnons pour exemple des artistes comme le solitaire Botibol (lorsqu’il ne nous esquinte pas les oreilles avec sa chorale plus mal au Crane qu’Angels), les kékés naturalistes incroyablement doués de François and The Atlas Mountain, les geeks ingénus de John Grape. Ou les bien nommés Yeti Lane, rejetons de feu Cyann & Ben, ersatz au brio singulier du meilleur de la scène new-yorkaise flirtant entre Blonde Redhead et Elysian Fields.

On avait jusque là remarqué chez Yeti Lane quelques éléments du langage arithmétique, une certaine tendance aux « guitares saturées » et au « boucles de clavier vintage » qui font la marque de fabrique du duo définitivement classé en math-pop. Mais surprise, les pistes du Yeti débordent des sillons et le tout s’éloigne des précurseurs de l’anti-folk, de la pop progressive, du krautrock et de la noise, cette race de pionniers qui ont l’analogique dans le son. Le tout dans un style pop. On reconnaît dans des chansons comme Dead Tired ou Analog Wheel le meilleur de Grandaddy mais aussi des traces de Can, voire de Fugazi (sic Father Cannot Yell pour l’un ou Arpeggiator pour l’autre), une touche de Delphic dans l’horizon mélodique tracé par The Echo Show avec cet appel aux grands espaces sonores saturés de boucles et d’oscillations. Les envolées lyriques rappellent aussi le tiraillement de quelques grands morceaux de Stephen Malkmus and The Jicks, pop et grind en roue libre. La froideur pleine d’écho si londonienne, qu’on parle des Oscillation ou des meilleures compositions de Stereolab, est aussi présente sur la sublime Warning Sensations. On appréciera également le détachement down-tempo de la chanson Logic Winds qui offre quelques riffs de notes par un rythme 80’s comme autant de pivots aux constructions à venir. Laid Back du nouveau millénaire comme un écho des steppes…

Les jeux de reverb’ et les grincements de guitare aléatoires donnent une liberté mélodique rare mettant en valeur toute la subtilité de la voix de Ben et des chœurs dans la très planante Strange Call. Magnifique. Une once de Velvet Underground s’évapore de Sparkling Sunbeam pour boucler la boucle de la totalité référentielle avec ses échos d’une grande sensibilité et ce rythme qui sait entraîner sans être poussif. Certains disent qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, ici il s’agirait plus d’espace et de profondeur. Ce n’est pas le stoner-psyché Faded Spectrum qui le contredira tant la profusion créative nourrie à la distorsion la plus sauvage embellit chaque recoin de mélodie. Cela faisait vraiment longtemps qu’on n’avait pas entendu un truc pareil capable de redonner la foi sans pousser mémé dans les orties. Car il n’y a aucune surenchère dans cet album tout en subtilité. Production psyché ou construction savante, il s’agit simplement d’un album de pop. De pop rare et magnifique. Voici venu le temps des barbes, pas à pas.

Yeti Lane // The Echo Show // Clapping Music (Sortie en mars 2012) 
http://yetilane.com/

1 commentaire

  1. Pinck Floyd est là, pinck Floyd s’en va, la personnalité du groupe s’affirme loin des poncifs musicaux deumilledouziens et ça c’est bien. SUPER!!!!!!

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