Débutée en 2007 quelque part du côté de la ville la plus cool du monde il y a déjà cinquante ans, l’histoire de Wooden Shjips avait jusque-là suscité peu de perplexité ; on tenait là un début de réponse à l’insupportable égosillement de canard coincé dans son jean slim tel qu’il était pratiqué chez les Strokes et les disques du leader Ripley Johnson, sans être absolument géniaux ou indispensables dans la discothèque du mélomane qui réécoute plus de trois fois les mêmes disques, tenaient la route. A San Francisco, donc. Quelque part entre les autoroutes infinies de Los Angeles et le lointain souvenir des hippies souillant les plages de la côte Ouest avec leur saloperie de fringues indiennes comme on en trouve aujourd’hui aux puces de Clignancourt.
Le problème des images d’Epinal, c’est qu’à force de voir l’ombre de Jésus Christ derrière le premier clown locataire d’un deux pièces à Haight Ashbury, on finit par tout mélanger. Suffit-il d’emprunter les codes esthétiques d’une époque qu’on n’a pas connu pour s’autoproclamer messie des jeunesses nostalgiques ? « Back to Land » est-il vraiment un album avec des embardées soniques, une escapade boisée en dehors des sentiers battus, ne serait-ce qu’un disque qu’on réécoutera dans six mois en osant dire qu’il a, comme nous, bien vieilli ?
L’un des arguments tenaces lorsqu’il est question de chronique de disque consiste à dire que plusieurs écoutes s’avèrent nécessaires pour juger d’un résultat ; comme si le fait de passer une journée entière devant un Basquiat suffisait à découvrir derrière les gribouillis une illumination. L’argument est retors, il est à la fois la cause d’une intellectualisation de la critique, mais aussi d’un système de notation à la décimale qui tentent péniblement de masquer le vocabulaire limité des scribouilleurs rock. Combien d’écoutes sont nécessaires pour conclure que « Back to Land » est un torchon digne de quatre ados ayant découvert le space rock dans un baril de lessive oublié par maman au fond du garage ? Comme à force de poser trop de questions on finit par en oublier les réponses, tentons de retranscrire avec des mots ce disque que l’auditeur n’aura pas encore écouté : huit titres identiques et monotones débutant par un roulement de batterie à quatre temps sur lequel vient s’appuyer une nappe d’orgue et un chant fatigué, lequel après trente secondes cède sa place à des solos tels qu’on n’en a plus entendus depuis le début de calvitie de The Edge. La descente aux enfers pourrait s’arrêter là. On pourrait se consoler avec le pastiche de cette pochette empruntée au troisième album de Led Zeppelin ; l’heure étant au recyclage et à l’amnésie généralisée, Wooden Shjips pourrait alors s’en tirer à bon compte en donnant l’impression à une nouvelle génération que les membres du groupe viennent de réinventer la roue et le fil à couper le beurre. Mais non. Sur These Shadows, Wooden Shjips pousse son imposture au maximum – c’est une image, le volume est à 3 sur l’ampli – en singeant le Bono de « Achtung Baby », disque ô combien commercial et pourtant ô combien réussi à côté duquel « Back to Land » n’arrive pas à la cheville, ni au mollet, ni même à la semelle. Victimes d’un succès d’estime qui les aura vus grimper au haut d’une petite colline, les Américains livrent ici l’exemple parfait du disque indie faussement modeste qui ne voit pas plus loin que ses Ray Ban; petit objet boursouflé qui sera néanmoins soutenu par une poignée de chroniqueurs aveugles (sic) refusant d’admettre que musique répétitive et cosmique ne rime pas forcément avec lassitude et ennui sidéral.
Dans la notice promotionnelle qui accompagne « Back to Land », on apprend que le nouvel album de Wooden Shjips est paradoxalement le premier à avoir été conçu en dehors de San Francisco. Du pain bénit pour les oui oui, de quoi badigeonner des tartines sur ces messies pour qui le vaste monde est une grande maison. Mais la vérité, et qu’on ne s’y trompe pas, c’est que « Back to Land » fait l’effet d’une pissotière qu’on aurait laissée tourner toute la nuit.
Wooden Shjips // Back to Land // Thrill Jockey
http://www.woodenshjips.com/
2 commentaires
Va te coucher au lieu d’ecrire des conneries avec ton cerveau lobotomisé à force de n’ecouter que u2! J’ai 60 ans, j’ecoute de la musique depuis des décenies: 1er disque led zep 2 (en direct, pas découvert des années après … et j’ai dit disque vinyl si tu préfère pas cd). Ce disque de wooden bien joué, n’est pas novateur mais rafraîchissant. Les titres ne sont un éternel recommencement mais les variations t’échappent. Je te conseille un bon ORL Crois « un vieux Doc » qui apprécie BJM Dandy warhols mgmt django django aussi punk métal rock blues alernative … écoute de tout y compris u2 et jazz classique jusqu’à Shostakovich avec tolérance et ouverture. Tu manque .. de recul ! Il faut que jeunesse se passe.