Avec « On Beautiful Days », leur quatrième album à venir, Ruth Rosenthal et Xavier Klaine de Winter Family vous donnent 10 bonnes raisons de chialer.
Des notes de piano mystiques, subtiles et délicates. Du spoken word brut. Un kick de batterie étouffé. Une ambiance minimaliste. Voilà la recette de Black Sun, le deuxième single de Winter Family issu de son nouvel album « On Beautiful Days ». Sur le papier, rien de très compliqué. Mais une grandeur, une splendeur et une grâce se dégage de cette chanson, comme si elle était hors du temps, et qu’elle avait la capacité de stopper quelques instants le monde frénétique dans lequel on vit pour que l’on puisse admirer toute la beauté mais aussi la laideur de nos existences sur Terre.
Avant Black Sun, le duo franco-israélien, actif depuis une bonne quinzaine d’années, avait sorti un premier morceau baptisé 9 Million Witches. Un titre plus énervé, plus punk dans l’esprit et parsemé de bidouillages électroniques. Avec ces deux compositions, Winter Family présente donc son quatrième album « On Beautiful Days ». Un disque 100% magnifique, 100% déchirant et seulement 99,9% théâtral, qui sortira le 27 septembre.
Si on se fie au communiqué de presse qui accompagne l’annonce de l’album, Winter Family raconte des histoires sur « On Beautiful Days » :
« Celle des musiciens eux-mêmes et de leurs proches, celles de leurs territoires, de leurs vies à Jérusalem, à Paris ou en Lorraine ; celle des femmes, des ‘sorcières’, des mythes conspirationnistes ; celle de l’Europe capitaliste et colonialiste ; celle de l’aveuglement et de la violence de la société israélienne et de l’endoctrinement de sa population ; celle de l’occupation de la Palestine ; celle du confinement éternel et d’un rat de laboratoire ».
Okay, les sujets sont lourds, violents, certains sont destructeurs. Et ils imprègnent la musique du groupe. Mais ce qui en ressort, dans la grande majorité, ce sont des mélodies limpides et lumineuses, des sonorités parfois menaçantes mais surtout réconfortantes, et des moments — comme We Forgot We Can’t Fly, Black Sun ou Rats — de pure lévitation qui feraient presque passer des artistes comme Mount Eerie, Keaton Henson, Low ou Lubomyr Melnyk pour La Compagnie créole.
Alors oui, c’est indéniable : leur musique est politique. Tout est politique aujourd’hui, mais ici encore plus. Par exemple sur l’album, on entend des bruits de grenades enregistrés par Xavier au checkpoint 56 à Hébron, une ville palestinienne en Cisjordanie où le duo s’est rendu pour interviewer des locaux dans le cadre d’une pièce de théâtre. Black Sun parle du « naufrage de son pays, Israël, auquel elle [Ruth] ne pourra plus pardonner. » Un autre morceau s’intitule tout simplement Europe, You are The Criminal. Et sur ce titre, les mélodies deviennent soudainement plus enragées et débridées. Le phrasé ? Il est beaucoup plus incisif. L’atmosphère ? Elle se tend.
Sur ce quatrième album, Winter Family trouve cependant un équilibre. Un équilibre entre les moments de fausse légèreté chantés en hébreu, en français ou en allemand — comme When You’re 18, le sublime Rats ou le très dub Daughters of Jerusalem —, et les passages plus passionnés où la tension monte d’un cran — His Story, 9 Million Witches, Europe, You are the Criminal. Les deux ambiances se côtoient, s’entrechoquent et se partagent donc le dancefloor sur ce « On Beautiful Days » dont on ne sort pas tout à fait indemne – et qui ne donne pas toujours non plus envie de danser. Mais il permet de voir toutes ces « histoires » détaillées plus haut sous un angle musical, à travers l’art. Et sans surprise, c’est beaucoup plus beau de cette manière.
Winter Family // « On Beautiful Days » // Murailles Music – Sub Rosa – Hublotone // 27 septembre