Musique de fin du monde publiée chez les francos-belges de Teenage Menopause, « San » est surtout un formidable voyage au bout de l’enfer.

Voilà trois ans, nos confrères de Trax parlaient du duo d’UVB76 comme de « la prochaine étoile noire de l’électronique française ». Sauf que trois ans, à l’heure d’internet, c’est long. Bien identifiés sur la carte du BPM glauque, les deux cavistes (musiciens de cave, s’entend) auront finalement mis 36 mois à accoucher de ce premier album noir, certes, mais surtout rempli d’ombres chinoises. Si le groupe doit son nom à une station de radio russe émettant un bourdonnement toutes les 25 minutes, c’est pourtant plus au sud qu’il faut regarder pour comprendre « San ». C’est d’ailleurs clairement indiqué dès la pochette, comme un panneau de signalisation : l’Asie, pas celle des cartes postales, mais celle du cyberpunk et des taxis à deux roues, les paquets de clope à 1 euro et la violence d’un territoire à la Mad Max, voici la destination. Elle est fulgurante.

Alors qu’on pensait Teenage Menopause un poil assoupi, du moins bien tapi dans une confort zone (les récents LP du Prince Harry et de Go!Zilla, à peine plus tranchants qu’un couteau pour gosse de 4 ans), ce premier album d’UVB76 remet l’étrange sur le bon curseur. Le disque, fruit d’un voyage en Asie, est une accumulation pas lourdingue de sons et d’inspirations chinoises, coréennes, japonaises. Le résultat n’est pas un vomi stéréotypé des codes asiatiques, mais une espèce de transe techno rampant lentement sur l’auditeur. Coup de gong drone, incantations de la chanteuse d’opéra japonaise Mari Suzuki, ambiances pesantes ; a priori ce descriptif laisserait au mieux espérer un vernissage d’étampes avec des esthètes à lunettes triangulaires dévorés par des loups à la première apocalypse. Il n’en est rien. Avec une parfaite maitrise de la retenue, véritable mètre étalon de cet objet non identifié, UVB76 parvient à marier l’industriel aux cantiques sur une poignée de titres pouvant servir, dans un futur proche, aux cérémonies funéraires de nos droïdes-compagnons. A moins que cette dystopie métallique n’annonce finalement l’inverse. Ce qui ferait alors de « San » le premier souvenir technovisionnaire d’un monde sans humains. Dans les deux cas, il y a du sang bouillant qui se balade autour de ces circuits imprimés.

UVB76 // San // Teenage Menopause
https://teenagemenopause.bandcamp.com/album/s-n

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