Récemment sorti sur Invada, le label de Geoff Barrow (Portishead, Beak),  Only Now Forever apparaît comme l’un des meilleurs albums du duo britannique.

La recette n’a pas foncièrement changé depuis leurs débuts. Un peu de reverb, une touche de synthé, une boîte à rythme et une bonne dose de guitare : on est en terrain connu. Mais il y a, cette fois, cet ingrédient mystère qui change tout, ce supplément d’âme qui tient à un refrain dans le mille, à une intro qui fait mouche. Si leur dernier album s’avère particulièrement réussi, c’est sans doute parce que le duo a choisi d’aller à l’essentiel : un couplet, un refrain et une mélodie entêtante. À l’occasion de leur passage à La Route du Rock en août dernier, on a discuté avec The KVB pour essayer d’obtenir les secrets de ces deux chefs de la coldwave.

Vos premiers morceaux sont sortis sur des compilations française (Beko Records, Le Turc Mécanique), vous tournez beaucoup en France et faites partie du rosterde La Route du Rock. Comment vous expliquez cette histoire d’amour avec la France ? 

Nick : Je ne sais pas trop l’expliquer. Pour une raison ou pour une autre, les Français ont toujours aimé ce qu’on faisait. Et on en est très contents. L’un des tout premiers concerts a eu lieu en France, à Lyon.

Kat : Certaines personnes pensent même qu’on est français.

Pourtant, vous n’avez jamais signé sur un label français…

Nick : Non. On vient d’ailleurs de signer sur Invada, le label de Geoff Barrow de Portishead, qui est basé à Bristol. 

Et vous vivez à Berlin. Vous affichez votre europhilie en plein Brexit…

Kat : En fait, on quitte Berlin, et on retourne s’installer en Angleterre l’an prochain. Probablement du côté de Manchester.

J’ai vu que vous tourniez un peu en Normandie en cette fin d’année et je me suis demandé : est-ce qu’il existe une sorte de connexion entre le sud de l’Angleterre et les côtes normandes ? Nick, tu viens de Southampton, justement.

Nick : À Southampton, il y a quelques ferries, mais la liaison se fait vraiment à Portsmouth. Southampton, c’est plutôt un port de commerce, avec des docks. Mais les deux villes se ressemblent un peu, c’est un peu le même paysage. Pour répondre à ta question, je ne crois pas qu’il y ait vraiment de passerelle entre les deux régions.

Grandir à Southampton, ça ressemble à quoi ?

Nick : C’est juste une petite ville, pas particulièrement excitante. Quand j’y vivais, tout restait à faire : il fallait inventer ta propre scène, et pas espérer qu’il se passe quelque chose sans ça. On se démerdait pour jouer dans les bars ou ailleurs, un peu comme on pouvait. Maintenant il y a plus d’endroits pour les groupes, ça a permis de régénérer la scène locale.

Kat : Moi, j’ai grandi dans une petite ville bien plus ennuyeuse. Une ancienne ville thermale de l’époque victorienne, qui s’appelle Harrogate, dans le nord de l’Angleterre ; c’était autre chose. On n’avait aucune salle de concerts digne de ce nom ; on était donc forcés d’aller jusque Leeds pour voir des groupes jouer. J’étais tellement heureuse lorsque j’ai enfin pu m’enfuir à Londres !

« Il y a un peu de Berlin dans ce disque »

Pensez-vous que les villes dans lesquelles vous avez vécu ont influencé votre musique ? Est-ce que  Only Now Forever est un disque berlinois, en quelque sorte ?

Kat : Absolument. Je crois que l’influence de Berlin se ressent sur ce disque de deux façons. D’abord du point de vue du processus créatif, de l’écriture des chansons. À Berlin, on avait beaucoup d’espace, et on avait aussi le temps et la liberté d’expérimenter, d’explorer certaines choses. Ensuite, il y a toute l’atmosphère de la ville qui déteint sur ce disque : le décor, le paysage urbain, l’architecture de la ville, et évidemment toutes les scènes musicales qui s’y développent. Sans compter les allusions à nos vies dans les quatre dernières années. Alors oui, il y a un peu de Berlin dans ce disque, sans que ce soit intentionnel.

Comment décririez-vous l’évolution de votre musique depuis vos débuts ? Certains morceaux du dernier album sonnent presque comme de la musique de club, avec beaucoup de kick, des tempo rapides.  

Kat : Only Now Forever est très différent du précédent album. Les ambiances ont toujours été la clé de notre musique. On s’est toujours intéressé aux ambiances cinématographiques, mais c’est encore plus vrai maintenant. On a essayé d’aller dans d’autres directions, d’expérimenter de nouvelles choses. Le dernier album est un peu plus pop.

Nick : C’est une sorte de développement de ce qu’on faisait avant. On peut toujours entendre le son de nos débuts, mais on a aussi ajouté de nouvelles influences. La principale différence, c’est qu’on ne se contente plus de créer des ambiances ; on s’est efforcés de créer de vraies chansons et plus seulement de la musique expérimentale. « Of Desire », le précédent album, était déjà un peu un pont entre deux approches différentes de la musique. C’est un album plus pop, un mélange de différents styles. Encore avant, pour l’album « Mirror Being », on faisait de la musique électronique plus classique.

« On ne se contente plus seulement de créer des ambiances, on arrive à créer de vraies chansons désormais. »

On a le sentiment que vous avez passé plus de temps en studio. Est-ce que c’est une explication possible à l’évolution de votre son, à votre virage pop ?

Kat : Bien sûr, je crois que ça a une incidence. Avant, on passait notre temps imaginer comment les morceaux sonneraient en concert. On a changé d’approche sur ce nouveau disque. Et puis on a tout enregistré dans notre home studio à Berlin. Ça nous a permis d’être plus libres, d’écrire lorsque l’envie ou l’inspiration étaient là. Parfois on reprend des vieilles idées qu’on recycle. On aime ce processus de déconstruction : on prend les meilleurs parties d’une session et on en fait une sorte de remix. C’est pour ça que l’album nous a demandé plus de temps que les précédents.

En ce qui concerne les paroles, pas toujours faciles à distinguer à cause des effets sur la voix, est-ce que vous pouvez nous expliquer quels sont les thèmes majeurs des morceaux ? The KVB en VOSTFR, ça donne quoi ?

Kat : Un poète britannique qu’on aime tout particulièrement a été une source d’inspiration pour une partie des paroles. Il s’appelle Keston Sutherland. Le titre de l’album,  « Only now forever », renvoie à l’atmosphère irréelle et onirique qu’on voulait donner au disque.

Nick : C’est un album de contrastes. Certains morceaux sont calmes et mélancoliques, d’autres plus énergiques ou plus violents. Dans l’ensemble, on aime bien les morceaux qui ont l’air joyeux mais qui racontent des choses assez tristes. Chaque morceau est assez différent des autres et c’est difficile de tout résumer.

L’un de mes morceaux préférés sur le disque s’appelle Living in fiction. Mais je ne suis pas sûr d’avoir compris le propos : est-ce que l’idée c’est que la réalité dépasse parfois la fiction, ou est-ce que ça renvoie aux personnes qui vivent leur vie comme un roman ?

Kat : Je crois qu’on ne peut pas s’empêcher de romancer sa vie. La réalité se nourrit de la fiction, c’est un peu cliché de dire ça mais on le voit à chaque instant sur les réseaux sociaux. Ce qui devient le plus important, c’est l’image que tu renvoies. Le morceau évoque ça.

Nick : C’est la chanson la plus berlinoise de l’album. À Berlin, on a parfois le sentiment que le temps n’existe pas. C’est une ville hors du temps. On a voulu rendre compte de cette atmosphère dans la chanson.

Une dernière question, à propos des vidéos qui accompagnent les concerts. C’est toi qui t’en occupes, Kat. Qu’avais-tu en tête pour les nouveaux morceaux ?

Kat : Pour les vidéos, il y en a deux nouvelles. L’une [celle du titre Afterglow, NdA] a été inspirée par un voyage à Shanghai, qu’on a fait dans le cadre de la tournée. On était dans un hôtel qui s’est avéré être un « love hotel ». C’était vraiment un décor étrange. On a passé la nuit dans la « Suite des concubines ». Il y avait un distributeur de préservatifs à côté du lit. C’était à la fois sexy et glauque, mais aussi un peu irréel, avec des néons partout. J’aime ce genre d’ambiances. C’est comme pour la pochette : on est dans le flou, on ne sait pas trop à quelle époque on est. Ça correspond bien à l’atmosphère générale du nouvel album.

The KVB // Only Now Forever // Invada Records

Et en tournée un peu partout en novembre (le 2 à Roubaix, le 3 à Nantes, le 4 au Havre) et en décembre (le 3 à Jurançon, le 4 à La Rochelle, le 5 à Bordeaux, le 6 à Paris et le 7 à Amiens)

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