En 2014 alors que la planète attend un énième retour des Strokes, un groupe émerge des profondeurs du cool. Il s’appelle « Julian Casablancas + The Voidz » et retourne la scène underground à coup de riffs d’outre tombe et de paroles politiques. Quatre ans après « Tyranny » bijou de la contre culture US, Julian Casablancas (et The Voidz) revient avec « Virtue »  comme pour nous dire que la blague n’en a jamais été une. Rencontre avec le gang le moins dangereux des USA.

C’est aux alentours de 17h que que la nouvelle tombe par SMS : « Interview à 23h15, on fait ça dans les loges ou dans le tour bus. 10/15 minutes. Pas de photos« . Après un concert de 50 minutes au Pitchfork Festival qui a fait suer les âmes de la Grande Halle de la Villette, le management des Voidz me dirige vers la salle de réunion. Le gang y est installé dans une pièce assez spacieuse; à quelques mètres Mac DeMarco débute son set.

Bonsoir les Voidz, comment ça va la vie ?

Julian : J’ai 35 euros sur moi, à combien tu le vends ton tee shirt Lou Reed ? … Viens, assis-toi près de moi, mets-toi à l’aise.

Votre premier album « Tyranny » était si intense qu’il m’a fallu plusieurs années pour le digérer. « Virtue » lui recouvre une diversité de genres ce qui le rend beaucoup plus accessible. Vous pensez que toute la haine à été évacuée grâce à « Tyranny » ?

Julian : « Tyranny » était effectivement l’expression d’une grande frustration résultant de nombreux changements essentiellement politiques et musicaux. A l’époque on était dans une volonté de rendre l’underground et l’expérimental plus populaires, plus accessibles. On voulait détruire toutes les conventions établies sur ce qui pouvait être « mainstream ». Aujourd’hui encore on se dit que ce que l’on aime, les gens pourront l’aimer aussi. Avec ce nouvel album, l’envie de casser les codes est toujours la même, on essaie juste d’en donner pour tout le monde, de rendre le tout plus attirant dans la forme. Le message reste le même, seule la forme change.

Alex (batterie) : Mais imagine si on l’avait sorti cet album et « Tyranny » juste après, les gens auraient suivi notre délire je pense, on leur aurait ouvert la voie avec un album accessible et pop pour ensuite les plonger dans le chaos total. Ça aurait été cool.

The Voidz, c’est l’histoire d’un mélange de styles plutôt extrême du rap, au hard rock, à la funk en passant par des sonorités plus exotiques. Comment arrivez vous à un résultat cohérent ?

Julian : Je soupire si fort, comment l’expliquer ? On traîne beaucoup ensemble, on se fait découvrir des albums, des artistes. Notre musique est organique, tout se fait naturellement. On est un groupe, on ne peut pas chacun faire le DJ et imposer des idées. On mélange des influences, des genres, on se nourrit les uns les autres. On se met d’accord sur une « vibe », une ambiance et on essaie de la traduire à travers les instruments.

Jake (basse) : On est souvent émus par quelque chose qu’on essaie de partager au sein du groupe. C’est cette émotion qu’on essaie de retranscrire quand on compose; même si la plupart du temps ça part de riffs tout bêtes. La plupart du temps les guitaristes proposent un riff et je reproduis presque bêtement ce qu’ils font. A partir du moment ou l’on a trouvé notre méthode de travail, la musique devient un langage que l’on a crée.

Si j’ai envie de dire a quel point le chocolat c’est super je ne vais pas demander au groupe de me sortir des riffs qui font penser au chocolat.

Vous jammez pas mal sur scène, comment se passe la composition des morceaux ? 

Julian : En général je m’inspire de la musique, j’ai des tonnes de paroles en tête que j’essaie de placer, parfois un peu à l’arrache. Si j’ai envie de dire a quel point le chocolat c’est super je ne vais pas demander au groupe de me sortir des riffs qui font penser au chocolat. Dans ce  cas c’est plutôt eux qui vont sortir le riff de leur choix et moi je pourrais crier dessus « Chocolate, chocolate is great ». Quelques unes de nos chansons sont des blagues. Pyramids of Bones  par exemple; Un jour Beardo a dit « Don’t you ever listen to the white man’s lie » d’une manière tellement effrayante qu’il fallait partir sur une chanson dans l’esprit d’Halloween.

Beardo (guitare) : Ouais je commençais à prendre cette voix d’outre tombe et en tant que guitariste j’ai tout de suite eu l’idée de l’accompagner d’un riff à réveiller les morts. Comme quoi toutes nos chansons ne sont pas toujours politiques…

Julian, je vois dans tes yeux que tu as envie de parler politique, qu’est ce que tu penses d’Emmanuel Macron et de tous les dirigeants de ce monde ?

Julian : Macron, c’est juste un corporate de plus dans ce bas monde. Votre président présente un peu mieux que le notre mais dans le fond il est tout aussi pourri. Il a été élu par des trous du culs plein de fric qui décident que ce gars est à même de prendre des décisions plus ou moins importantes. Il place le profit avant l’humain, ce qui n’est pas étonnant. Emmanuel Macron est un Hillary Clinton déguisé. Il représente une sorte de compromis.

L’interview s’arrête, Julian répond au téléphone.

Julian : Allô ? Allô ? Putain de démarcheurs… Je pense que les gens ont besoin de désigner des coupables. Ils élisent des corporate pour ensuite les blâmer pour toutes les souffrances du monde, de l’immigration, à la crise en passant par les impôts. La plupart des candidats élus ne sont ni racistes ni aussi extrêmes qu’ils le prétendent. Ils se veulent rassurants. Ils ont compris que chaque vote est important, ils essaient de plaire à tout le monde et tant pis si l’ensemble de leur programme n’est pas cohérent. Tous disent agir pour le bien de la nation, la sécurité. C’est une course aux votes toute bête, la même dans tous les pays du monde. Le travail de manipulation est d’autant plus facile que la population se fait laver le cerveau par les médias. En permanence.

Tout le groupe s’emporte dans un débat plus ou moins en faveur des arguments de Julian. Sur scène, Mac DeMarco attaque My Kind of Woman. Toute la bande fredonne la chanson en chœur.

Julian : Tout va bien ? Tu veux un massage ?

Il se lève et se mets à me masser les épaules avec vigueur.

Julian : T’en fais pas, ça arrive, j’ai souvent des blocages à ce niveau. C’est surement hormonal.

(C’est surement hormonal.)

On a beaucoup parlé de votre premier album « Tyranny » comme d’un album politique, un symbole de la contre culture US mais Julian, en réécoutant des titres des Strokes tels que  Soma ou New York City Cops j’ai l’impression que t’as toujours été de près ou de loin fasciné par la politique, non ? 

Julian : Je pense que personne n’est totalement insensible aux injustices de ce monde, on se demande tous comment on peut laisser certaines choses arriver. Avec les Strokes j’ai toujours parlé de choses plus ou moins évidentes. Ce n’est qu’en 2010 (NDLR : sortie de l’album solo « Phrazes For The Young ») que j’ai précisé mon propos. J’avais des références plus pointues, dans mes paroles, mes clips. On est loin de « New York city cops they ain’t too smart« . Comme beaucoup à l’époque j’étais un gamin faussement en marge, en colère contre le système. D’un autre côté l’art est là pour inspirer, pour rendre les gens un peu plus heureux. Prend n’importe quelle chanson de Bob Marley, la première partie sera hyper intense et la seconde plus légère comme une ode à la fête. C’est un bon exemple pour m’aider à faire ce que je fais avec un peu de légèreté.

Vous avez réussi à prouver que contrairement aux projets solos de Julian, The Voidz n’est pas juste une phase. Combien de chansons avez vous composées tous ensemble ?

Tous à l’unisson : Une centaine !

Julian : La dernière fois que j’ai arrêté de compter, j’en étais à 71 compositions que l’on pourrait vraiment bosser. Selon mes estimations on arriverait à une quarantaine de sons. Tu vois bien que ce groupe est fait pour durer dans le temps.

Le type du management : Laura il faut y aller, Mac DeMarco a fini son set.

Julian : Elle peut rester pour l’after, ce n’est pas un problème. Laura c’est ça ? Mets-toi à l’aise. Tu penses avoir assez de contenu pour l’interview, ou tu veux en savoir plus sur la noirceur de ce monde ?

« Virtue » de The Voidz, disponible depuis le 30 Mars 2018 sur RCA Records. 

7 commentaires

  1. Bah la platitude des questions même pour 15 minutes (voire plus du coup, c’est ça ?) m’a mis un peu mal à l’aise les gars, notamment l’enchaînement Macron blablablblblbl politique (merci pour l’anecdote mais le semblant d’engagement politique du mec était connu de tous depuis 1937) x « comment composez-vous »…vous avez interviewé The Voidz ou Mickey 3D ? Je vous aime bien quand même mais embauchez là.

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