Après la sortie d’un premier album digne et bordélique, The Phantom Band joue à Bruxelles et tombe nez à nez avec S.G., l’empêcheur de branler en rond. Récit d’une interview honnête et touchante où les vérités sont souvent brutales (« Les œufs dans le frigo depuis treize mois font les meilleurs omelettes »)
J’étais à l’heure, et logiquement, il n’y avait aucune raison que ça se passe mal. Sauf qu’il n’y avait personne au rendez vous, excepté la sécurité… Le groupe en retard, on me rappellera. De toute façon, « moi je connais pas les groupes, mais je sais qui vous êtes alors restez dans le coin, au cas où… ». Espoir.
J’aurais pu rester longtemps, vu qu’il ne s’est rien passé entre 17h et 21h, la fin du concert. A part enchainer bières en gobelet et cigarettes au milieu de journalistes flamands et d’artistes déjà arrivés, eux, occupés à checker leurs mails près des bassins à poissons. On (le tour manager en fait) ne m’a pas appelé. Il s’en est fallu de peu pour que je me résigne à moisir au concert des Brakes.
– Heu bonjour, je suis Stéphane, je devais vous interviewer mais on m’a dit que vous étiez en retard et heu donc je devrais attendre mais…
– Salut ! Si on est deux, c’est bon ? Tu veux aller où ? Viens on va dehors.
Si tout s’était passé comme prévu, peut être que j’aurais eu en face de moi deux personnes fatiguées de la route et des interviews précédentes. Si on m’avait téléphoné dès que le groupe était arrivé, peut être que j’aurais eu en face de moi des personnes pressées d’aller manger pour une interview à la va-vite entre les balances et le concert. Peut être même, c’est le batteur que j’aurais eu. Aller dehors avec le guitariste coincé dans une chemise trop cintrée et le chanteur à barbe pour discuter quelques minutes de leur album avant qu’ils ne reprennent le bus pour rejoindre la Suisse, à l’heure cette fois peut être. Deux types cools qui paient leur bière, je n’avais franchement pas à m’en faire. Parce que le bon timing, c’était celui-là.
C’est quand même fou votre album, pas une chanson identique, vous fonctionnez comment en studio ?
Richard (chanteur): C’est assez organique, on joue tous ensemble, on s’entraîne tout naturellement et à partir de ça certaines choses ressortent, des passages qui nous semblent plus intéressants que d’autres. On enregistre toutes nos répétitions alors tu sais, ça nous permet de revisiter ce qu’on veut, ce qui nous semble bien fonctionner et construire quelque chose à partir de cette base
Duncan (guitariste) : L’album nous semble être un tout super consistant, ça a du sens de fonctionner comme ça surtout qu’on écoute tous plein de musique.
Vous écoutiez quoi pendant l’enregistrement ?
Richard : Quand on a enregistré le disque ? Je crois pas qu’il y ait un truc qu’on écoutait vraiment vu qu’on écoute tous énormément de choses différentes, chaque personne a son truc tu sais… Hum, je me rappelle franchement pas, ça fait tellement longtemps !
Duncan : Ouais et les chansons se sont construites sur pas mal de temps, certaines sont récentes, d’autres pas du tout… notre batteur est fan de funk, de soul… Globalement on est un groupe de rock, on a pas l’impression de faire quelque chose de vraiment nouveau. On a écouté énormément de krautrock, et des groupes comme Faust, Can aussi, faisaient ce genre de collage, alors peut être qu’on fait ça aussi comme eux mais on pense pas faire quelque chose que ces groupes n’ont pas fait. Notre musique, c’est de la pop. On écoute vraiment plein de trucs, pourquoi un seul devrait ressortir plus qu’un autre ? Moondog, les Stones… On aime ça !
Mais quand même, on sent que vous voulez faire plus qu’une jolie mélodie !
Richard : Ouais bien sûr, mais ça reste quelque chose auxquels beaucoup peuvent se connecter…
Duncan : Par exemple Can, des fois c’est pop aussi, on écoutait ça dans le van toute la journée, et puis des fois bon… comme Pierre Henry, tu vois ? En fait on a rien essayé, c’est juste venu comme ça…
Richard : Oui voilà on est six à jouer dans le groupe on se dit pas super on va sonner comme ça, on fait juste ce qui nous fait plaisir, voilà comment ça se passe. On pourrait parler des heures de ce qu’on aime.
Duncan : La tension qui sort de tout ça, le fait que six personnes essaient de tirer la musique dans différentes directions, pour une seule chanson, c’est ça qui fait de notre disque ce qu’il est.
Richard : Au début on a essayé de sonner comme ci ou comme ça, mais ça ne marche pas, sincèrement. Ca ne fonctionne que naturellement comme on l’a fait ici finalement…
C’est pour ça que vous avez eu autant de noms ?
Richard : Oui et puis au début c’était pas trop notre problème, on voulait juste expérimenter, jouer live et apprendre qui on était en tant que groupe. J’ai joué dans un groupe d’Aberdeen et ensuite j’ai déménagé à Glasgow. T’as joué avec Django Django toi non ?
Duncan : Ouais enfin j’étais plus un musicien de studio, j’ai à peine écrit une chanson mais c’était sympa.
D’ailleurs c’était pas un peu comme jouer dans un studio ce soir, tout le monde assis ou presque…
Duncan : Ouais c’est parce qu’on est trop nuls !
Richard : Ah ah ouais et puis bon, s’ils étaient juste restés assis à applaudir à la fin des chansons en baissant la tête, on se serait dit « oh god », mais en fait non ça a été, on s’est pas mal amusé. On n’est pas le genre à la ramener, dire au gens « allez levez-vous » comme un groupe de boogaloo !
On dirait que vous vous en foutez franchement sur scène, votre bassiste qui tourne le dos tout ça…
Richard : Faut pas croire, on prend la musique au sérieux même si nous en tant que personne c’est l’inverse. Tu t’ennuies vite sinon.
Duncan : Hum beaucoup de groupe écossais sont comme ça, peut être un certain manque de confiance.
Richard : Par contre moi je m’en fous un peu des groupes écossais, et je crois que seul Gerry notre bassiste aime bien Jesus and Mary Chain. Un sur six !
Duncan : Je pense quand même qu’il y a des bons groupes à Glasgow même si on peut pas les voir comme une scène. De toute façon y’a tellement de groupes, tellement de chose qui se passent.
Richard : Ouais c’est assez facile de jouer etc. Quand on est allé en Angleterre, on a été assez surpris, à Newcastle on nous disait « ha c’est super dur, on essaie de créer une scène mais on lutte pour trouver une salle et jouer devant 25 personnes »
Duncan : A Glasgow, tous les soirs tu peux aller voir un concert.
Richard : Quand même j’aime bien Sparrow and the workshop, c’est cool. Mistery Juice d’Edimbourgh aussi. Mais bon c’est pas une scène franchement, à part vu de l’étranger, une scène géographique peut être. Mais regarde Duncan a déménagé à Londres, il revient toutes les semaines pour répéter.
Duncan : Et ma copine me déteste !
C’était comment de travailler avec Paul Savage (producteur et batteur des Delgados, NDR)?
Richard : C’est un type super patient, vraiment sympa. Même quand on faisait n’importe quoi, on voyait bien qu’il avait l’air énervé, il disait jamais rien, on le voyait s’énerver intérieurement, en soufflant et fronçant les sourcils et on se disait « ok ok, on sort un peu »
Duncan : Ouais parfois on faisait des vannes, on trouvait ça drôle et Paul était là « Regardez moi ça, vous pensez que c’est le meilleur truc que vous avez fait ? »
Richard : Enregistrer les vocaux ça c’était drôle, on est tous en ligne, là comme ça à chanter « haaaaaaaaaaahoooooooooooooooooooohaaaaaaaaaaaa », c’est absurde, y’a rien derrière, on est tous là avec un casque sur les oreilles à s’écouter chanter dans le vide.
Duncan : On se moque aussi de notre propre musique, la dernière chanson de l’album, un moment, je me rappelle plus trop comment ça a commencé on en a fait une version swing, c’est horrible mais assez drôle, et bizarrement ça fonctionne quand même. On est tous des bons potes alors ça tournait vite à la rigolade, sauf pour Paul.
3 commentaires
J’aime beaucoup l’interview, très intéressante, mais je suis moins convaincue par cet album que par Checkmate Savage qui m’avait enthousiasmée (et le live titanesque du groupe aux Trans avec un chanteur qui a descendu sa bouteille de whisky en scène tout en continuant à chanter comme un dieu). Je trouve The Wants un peu trop policé pour tout dire.
ha tiens, je m’étais pas rendue compte que l’itw datait d’il y a un an, pft, je suis étourdie.