Le Plan Marshall, j’ai longtemps cru que c’était une technique des américains pour nous fourguer plus d’amplis. Maintenant que le rock de l’oncle Bens n’est plus un succès, que les amerloques vendents des mugs à l’effigie de Bon Jovi – cette lopette juste bonne à lécher des cornets, j’ai rendu ma carte du parti et brûlé tout mes Cds pressés après 1980. Tous ? Pas vraiment.
L’American dream, les Chevrolet Bel Air à longues calandres et les pin-ups du CBGB décapotables pour 10 dollars, ma bande et moi on y avait longtemps cru. En 1972, les New-York Dolls libérait Paris du joug pompidolien et moi je portais des bas résilles déchirés ; rien à foutre le Guy-Michel, de passer pour un suceur de glaçons. Tant que le rock’n’roll coulerait dans nos veines, on était prêt à tous les affronts pour effrayer les rombières, même se shooter à l’Air Wick on l’aurait fait si les Ramones l’avaient demandé, on n’était plus à ça près pour tromper l’ennui d’un pays défoncé au Subutex et à la Codéine – deux drogues de lopettes si vous voulez mon avis, délivrées sur ordonnance dans toutes les bonnes pharmacies du Paris 1978. L’illusion d’une Amérique à deux stations de métro, on l’avait senti vibrer tellement fort dans nos phallus qu’en 1984 je m’étais même retrouvé à chanter Born in the USA pour la naissance de mon fils Brandon – « c’est mon finger fuck à Reagan ! » que j’avais crié à la maternité, les Jean Ducon avaient pas du comprendre.
Vingt-cinq ans plus tard, le fils a grandi. Et avec lui, les boutons d’acné, la débilité juvénile et toute une tripotée de gamins prêts à s’électrocuter les neurones pour du rock de seconde zone même plus foutu de crever avant la trentaine. « Papa, écoutes mon nouvel album des Deftones ! T’as vu comme ils sont rebelles mes Green Day, oh et puis regardes, j’ai le dernier Killers, trop de la balle ! ». BAF, une grosse claque dans ta gueule et l’aspirateur au fond du rectum, pour t’exorciser de tout tes pêchés mon enfant ! La culture américaine, c’est clair, je peux plus la voir en peinture, je te mettrais tout ça dans un grand sac et hop, direction l’Albani en colissimo tous frais payés ; avec autant de bouillie dans les enceintes, ils seraient bien capable d’envoyer une caravane – c’est des Albanais hein, pas des émirs – s’écraser contre la tour de la contre-culture US.
A Enghien-les-Bains, mon New-York à moi, j’avais bien tenté d’alerter l’opinion en tentant une manifestation, ouais, le même genre que les ricains contre le Viet-Nam en 1969. Sans grand succès. J’avais même imprimé des tracts sur la Xerox familial pour montrer aux Jean Ducon que les amerloques avaient foiré leur révolution, qu’à fracasser les enturbannés et polluer la planète avec un grand sourire, on allait tous crever avec un best-of d’Aerosmith dans les esgourdes. Que dalle mon vieux, on était deux. Faut bien le reconnaître, j’avais mal choisi la date – aout 2010 c’était moins pimpant que mai 68, et puis mon beau-frère adorait les Strokes, « autant confier des grenades à un manchot » que j’avais pensé, en m’enfilant un Ricard sur le chemin du retour.
En ouvrant la porte du pavillon, il était affalé sur le sofa – payé lui aussi à crédit, foutue récession – avec un Coca à la main et les yeux rivés sur Gossip Girl, « une série trop cool daddy, y se passe pas grand chose mais toutes les nanas ont le nibard lifté ». Fallait bien se rendre à l’évidence, j’avais enfanté d’un monstre sans futur, sans ambition, un mioche qui finirait clochard dans un monde sans pétrole ni idéaux, les couilles au niveau de la mer parce que Mère Nature était remontée comme un string. Comme la DDASS était fermée, je lui ai foutu un groupe formé la même année que sa naissance – 1984, remarquez j’aurais peut-être du l’appeler Bruce il serait devenu moins con – c’était The Morlocks, un groupe de punk rockeurs de San Diego à la dentition rayée comme un piano. Leur dernier album, un brulot de reprises du classos label blues de Chicago, Chess Records, sentait bon l’Amérique de mon enfance et le rock des saloons fracassés au Smith & Wesson. Le Back in the USA de Chuck Berry joué à tout berzingue par des analphabètes à jeans troués, Brandon l’avait avalé comme un Boom Boom, peut-être un jour deviendrait-il un homme, un vrai, mais en attendant qu’il sache épeler le nom d’Howlin’Wolf correctement, mon devoir paternel se résumait à lui enfoncer l’authentique Amérique en intraveineuse – les séances d’électrocution du ptit Lou Reed avaient bien réussi, pourquoi personne n’avait jamais pensé à remercier ses parents ? – en boucle jusqu’aux premiers vomissements. Les USA, terre promise, étaient loin derrière. Restait ce disque en étendard, fragment d’un cœur brisé. You never can tell, comme le chantait si bien Chuck Berry, foi de Guy-Michel, l’avenir appartient à ceux qui osent encore marcher sur les tessons de bouteille.
The Morlocks // The Morlocks play Chess // Fargo
http://www.myspace.com/themorlocks
4 commentaires
Monsieur Guy-Michel, je souhaite apporter deux petites rectifications à votre passionnant article qui ne feront que renforcer leur intérêt historique: Dans mon souvenir, Le néo-codion était en vente libre en 78 donc pas besoin d’ordonance, je doit avouer ne pas savoir pour aujourd’hui… Et le subu en 78 ??? alors la ??? il me semble c’est apparu vraiment plus tard au moins 10 ans après.
Cordialement
Urbin Labita
Nope, je crois que c’est devenu la drogue des punks à l’époque, le Subu’….
D’Urbin Labita
Je ne peux pas laisser passer. Le subu date de 1996 (C’est la deuxième génération des traitements de substitution) la molecule a été inventée dans les années 80 et a été utilisée comme antalgique en Grande Bretagne. D’ailleurs sur le fond, le riche (peut être trop riche d’ailleurs) texte de Guy-Michel pose la question de la drogue des jeunnes merdeux (- de 20 ans en 78)et c’est pas les opacés ou leur substituts. A cette époque, les grands merdeux (+ de 20 ans)peuvent les utiliser, les jeunes merdeux s’y mettrons après 80.
En 78, le jeune merdeux recherche ce qui excite pour pas cher : fringanor, ephedrine, speed frelaté et ce qui fait planner pour pas cher artane ou champignon. Après il est pas à l’abri d’un ou deux écarts…
From The Gravediggers V , Fuzztones , Hangee V , Magnificent Brotherhood , among others line up , the gatherin’ line -up give u a real buzz if y’ dare to tell Play Chess LP by THE MORLOCKS get a plug between The Nomads Mlp & The Stooges 2nd LP …… it’s a new extreme Garage PUNK …..N.B.T. !