The Inspector Cluzo est un authentique produit gascon, garanti sans sucre ajouté ni édulcorant. En 7 ans, leur punk-rock couillu a été joué dans 44 pays et enregistré sur 4 albums, poussant l’autogestion à son maximum : création d’un label, d’une société de booking… et même d’une ferme produisant oies, canards et produits cuisinés.

Plutôt que tout dilapider dans l’alcool ou un monster truck pour les tournées, pourquoi avoir préféré une ferme ?

urlNous avons la chance de beaucoup tourner à l’étranger, et ce, en complète autonomie. Nous sommes nos propres managers, notre propre label [avec FuckTheBassPlayer Records, NDR], notre propre éditeur. Bref, on contrôle tout… comme des fermiers d’ailleurs ! Lors de nos voyages, qui se sont faits durant la massive régularisation du monde de ces 10 dernières années – et que nos politiques appellent (de Gauche comme de Droite) « la croissance mondiale » –, nous avons vu et subi, dans certains pays, la main mise de l’alimentation mondiale par de grandes multinationales. Que l’on soit à Manille, à Johannesburg, à New York ou à Paris, on mange les même merdes industrielles multi-pesticidées, voire « OGMisés » dans les pays où c’est autorisé. Le tout : rendu comestible par des façons de cuisiner de plus en plus sophistiquées (Maïté, notre grand-mère landaise, doit se retourner de voir autant de sophistication sur des produits de  merde). Nous sommes gascons-landais ! Une grosse partie de notre culture, c’est de manger de bons produits purs comme le canard, l’oie, les poulets, les ortolans, les palombes les petits oiseaux et tout le maraîcher tout au long de l’année. On a donc vu rouge et on a décidé de revenir à ce que nos aïeux faisaient : se faire à manger. Le tout lié à nos traditions historiques d’entraide (la fameuse « ayudère » des paysans locaux).

Votre indépendance passe donc également par la nourriture…

On se faisait déjà des potagers depuis 10 ans, mais là on a dit « on y va à fond ». Oui, nous sommes désormais autonomes alimentairement. Comment ? Avec des graines libres – celles de nos aïeux –, mais aussi avec celles échangées avec des amis du monde entier, histoire de mettre notre pierre à l’édifice de cette immense lutte pour la diversité. C’est notre combat face aux grandes multinationales qui veulent nous voler petit à petit. Par exemple : on fait du maïs et du blé pour nos canards, oies et poulets comme autrefois. Le fumier généré est réinjecté dans le maraîcher bio sur buttes, que l’on recouvre ensuite avec la paille du blé fait. C’est une vraie ferme gasconne où toute action conditionne une autre ! Un vrai système en équilibre, comme nos études de physique nous l’ont montré dans tout domaine ! Ne pas faire de polyculture, c’est rompre l’équilibre des écosystèmes.

On évite de faire écouter Mathieu Chedid, Shaka Ponk ou Skip the Use à nos canards… »

L’Histoire a toujours été important pour vous…

La ferme s’appelle Lou Casse (le chêne en gascon) en pleine Chalosse, une des plus vieilles régions historiques de Gascogne. Un endroit assez magique avec une histoire forte de plus de 200 ans, où on aime venir travailler et s’y ressourcer. Le champ d’en face s’appelle Lacrouts, comme le nom de Laurent (« la croix » en gascon). On est décidément au centre de nos racines ! Il y a quelque chose de tellurique dans cet endroit… Vous savez, on a 4 ha. Ce qui tout petit pour une ferme, mais qui fonctionne très bien comme cela, et dont les voisins (Alain Laborde et Daniel Ducournau) sont formidables. De vrais agriculteurs à l’ancienne avec un cœur gros comme ça… Tout le surplus est donné aux amis qui nous aident dans la confection des foies gras, confits et rillettes, élaborés à partir de vieilles recettes familiales de nos grands-parents. On fait naître les oies (un animal noble et extrêmement intelligent), on les gave à la main en étant assis sur une chaise, comme nous l’ont enseigné nos grands-mères – c’était les femmes qui gavaient, car fallait être doux. L’antithèse de ce que l’on voit à la télé pour manipuler et dégouter les gens. Inutile de vous dire que ça nourrit énormément notre artistique : le prochain album risque d’être un double et nos lives sont encore plus puissants qu’avant, car on est animé d’une force assez indescriptible !

De quels clichés parlez-vous ?

Nous sommes contre le gavage industriel, mais il faut que les gens sachent que le vrai gavage, c’est doux et cool. Et c’est tout l’art des gaveurs ! C’est un vrai métier, qui se perd au profit de la vitesse et du rendement, très physique et fin à la fois. Il faut être vaillant, car c’est du 6h du mat’/20h, sans week-end. Et il faut 2h par canard, 3 fois par jour pendant 21 jours pour l’oie… On leur met de la musique. La nôtre, hein ! On évite de leur mettre Mathieu Chedid, Shaka Ponk ou Skip the Use, car sinon ça fera pas de beaux foies, ah ah! On aime également faire visiter la ferme aux enfants, aux familles, expliquer en quoi et comment les oies ou canards font partis de tout l’écosystème de la ferme, ou montrer ce qu’est le vrai gavage. Tous les gens venus sont repartis en se disant complètement surpris en mode « Mais, c’est super soft ! » Autre chose : le gavage ne sert pas qu’à faire du foie gras. Sans gavage, il n’y a pas de magret, de confit ou de rillettes. Et ça, peu de gens le savent…

Dans les sociétés occidentales on a pris l’habitude de travailler pour consommer et acheter les produits pour manger… On s’est coupé de ce lien charnel à la terre et à la mer. »

Comment on se procure vos produits ?

On les vend en direct sur notre boutique en ligne, sur place, dans les marchés et lors des concerts. Comme c’est fait à l’ancienne, on ne veut pas – et ne pouvons pas – en faire beaucoup. Ce qui en fait un truc assez unique ! Ces produits doivent restés rares comme les bons vins. Ces ventes nous permettent ainsi d’équilibrer les dépenses de la ferme et, surtout, de maintenir une exception culturelle locale : l’élevage d’oies grasses gasconnes, qui disparait au profit du canard de merde industriel ! L’oie, c’est tellement dur à élever par rapport au canard, que toute l’industrie s’est ruée dessus… Or, le confit d’oie et le foie d’oie est meilleur et beaucoup plus fin. On maintient cette tradition car, dans les Landes, il n’y avait pas de canards autrefois. Il y avait que des oies. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que deux à en élever et en produire ! C’est notre exception culturelle à nous.

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Du punk-rock ou de la ferme, quel métier garderiez-vous si un choix devait être fait ?

Ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses. Notre métier, c’est musicien. On vit de ça. La ferme, ça fait partie de notre travail quotidien en tant qu’être humain, car on doit se faire à manger pour vivre. Comme autrefois. Nous n’achetons quasi aucun produit, à part le pain. On a pris l’habitude, dans les sociétés occidentales, de travailler pour consommer et acheter les produits pour manger… On s’est coupé de ce lien charnel à la terre et à la mer, abandonnant à d’autres le soin de le faire pour nous. La raison ? « On a tous fait des études et on vaux mieux que ça ». Mouais. C’est ce que le système scolaire mondial a mis dans la tête des gosses. Les paysans sont les « gens du pays ». Quoi de plus péjoratifs que ce terme ? On ne doit pas abandonner aux seules multinationales nos campagnes en habitant tous en ville. Car, sous le couvert de « il faut nourrir la planète », elles font et vont faire n’importe quoi. Il y a Monsanto, bien sûr, qui ravage les campagnes d’Argentine, d’Inde… Mais aussi d’autres plus discret : Bayer, Pionneer… et beaucoup de grosses « coopératives »  qui nous vendent leurs salamalecs pour, en fait, faire plus d’argent et nous justifier l’utilisation sans cesse croissante de pesticides et d’OGM. […] Il faut que les gens se prennent en main. Déjà, un petit potager, c’est énorme et une pierre solide posée pour tous, où qu’on vive, en ville ou à la campagne. Tout est bon ! On peut nourrir la planète sans confondre rendement et  quantité. On peut faire de la quantité avec les vieilles méthodes ancestrales liées aux nouvelles techniques d’agro-écologie ou permacultures, mais sur de petites exploitations.  Problème : pour cela, il faut se répartir le travail et… les terres.

En France il y a beaucoup de programmateurs qui sont de véritables connards narcissiques et qui n’ont rien à partager.

Seriez-vous des sortes de super-héros ?

Super Gascon est un super-héros fictif, acteur important de nos clips. Mais ça reste fictif et il ne vole pas vraiment vu son poids (c’est un ami, ancien rugbyman). L’un de nos deux grands-pères, Maurice Lacrouts, est décédé il y a 1 mois à l’âge de 95 ans. Nous sommes actuellement dans sa maison et il nous a beaucoup aidé, il y a quelques années, notamment en nous soutenant sur la partie musicale… Ce monsieur a démarré le travail à la ferme à l’âge de 16 ans, puis est devenu facteur. Il faisait 50 km par jouer à vélo, quelque soit le temps, puis repartait à la ferme travailler et me faisait à manger le midi. Sans jamais se plaindre ! Sans jamais baisser la tête ! Juste avec son sourire, ses yeux bleus et ses conneries de gascons, son béret vissé invariablement sur la tête sous la cagna ou sous la neige. Lui, pour nos âges, c’était un « vaillant »… Pour les nouvelles générations, un « super héros », effectivement. Pourtant, c’était il y a à peine 30 ans… Quant à nous, on n’est pas des super-héros. Juste des gens qui ont inclus cette notion de se faire à manger dans leur travail quotidien. Ca veut dire qu’on a fait des choix, notamment de carrière. On fait 70h par semaine, mais sans stress, dans le fun et le partage. En fait, on est juste normaux, comme les gens d’autrefois… On ne passe pas notre vie sur à liker ou twitter. On élimine toutes les futilités de notre société et, on vous le garantie, on a plus de potes que sur Facebook !

Paraît-il que vous récompensez les programmateurs qui vous accueillent…

En France, il y a beaucoup de programmateurs qui sont de véritables connards narcissiques et qui n’ont rien à partager. On leur partage que dalle ! Ils peuvent aller au MacDo bouffer de la merde qui leur ressemble… Par contre, ceux qui sont des gens biens, on leur amène du foie d’oie et de l’armagnac d’une amie. Certains sont même venus à la ferme ! Mais bon, tout le monde n’est pas Jean-Louis Brossard (Transmusicales), Kem Lalot (Eurockéennes) ou encore Jakez L’Heridon (Run ar Puns)… A l’étranger, on amène ça dans nos sacs et on s’est jamais fait choppé… Ici, les rocks stars, ce sont justement les programmateurs ! C’est triste à dire, mais c’est ainsi.

TheInspectorCluzo.com
Documentaire « Rock Farmers », sorti avril 2015

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