Sur la carte de France, zoom à huit heures, entre les tramways à tête d’orque et les vieilles pierres ravalées pour le catalogue Unesco. Dans ce Bordeaux tout à droite devenu l’officieux 21e arrondissement d’une Capitale aux abois, l’underground ne veut pas passer l’arme à gauche. Parmi les volontaires pour un nouveau tour de circuit (électrique), TH da Freak n’est pas le moins enthousiaste. Après un 4-titres canin qui a décrassé bien des conduits auditifs et une petite campagne d’Italie pour occuper l’été, le glandeur le plus cool du quart sud-ouest tâte avec son nouvel EP (« Infandous ») de multiples carburations, piochées sur les étals de Robert Pollard ou Mark Linkous : un peu d’indie-rock par-ci, de la dream-pop frêle par-là, une dose de garage slacker, un brin de folk lunatique aussi, qui s’autorise une ou deux petites sorties de piste histoire de voir où commence le pas de côté et où finit la marge.
Cela donne, pêle-mêle : un typhon grunge alternant accalmies et grosses tronçonneuses de hardos (Infandous) ; une bouture merveilleuse entre Radiohead et Elliott Smith, sur laquelle bourgeonne un refrain étrange (Dreams Are Fake) ; des confessions au dictaphone qui viennent titiller Julian Casablancas + The Voidz (Tequila) ; des mélopées que les aliens pourront siffloter sous la douche en attendant qu’un catcheur lunetté ne les démasque (Fuck My Song And All My Thoughts) ; des désillusions extérieur-nuit à la fois graves – la voix – et acides – la flûte – (Night, Alone, Streets) ; une mélodie mid-tempo cisaillée par des lames électriques (Pack of Smokes) ; des interrogations à l’écho sépulcral (Questions) ; des feedbacks estampillés « Metal Machine Music » (105 Guitars) ; et un beau final mélancolique à écouter en regardant le ciel (I Don’t Wanna Know If You’re Still in Love With Me).
Et pour entendre tout ça, pas besoin d’un parcours fléché, c’est juste là.
https://soundcloud.com/user-477885440/sets/infandous/s-t30Cn
Pas vraiment taillé – à part son morceau-titre – en (Flying) V pour être joué à fond dans ces caves où les bouteilles ne sont certainement pas du saint-émilion, l’EP dans sa globalité transpire les Vixiedixiesubmarinetransmissionplot ou les Propeller de votre adolescence 90s, celle où vous aviez le gosier en pente et davantage d’idées que de points retraite. Alors, si dans la colonne « préférences » de votre fiche perso, sont toujours cochées les cases « indie-rock US à casquette », « chansons enregistrées dans un studio T3 », « couleur de cheveux improbable » et « se servir de Guitarist Magazine comme papier-toilette », cet EP à la production brute devrait tomber comme du Lou Gascoun sur un bout de pain à l’heure de l’apéro.
Vous l’aurez compris, « Infandous » (traduction : « une chose trop odieuse pour être exprimée ou mentionnée ») porte plutôt mal son nom ; comme les Victoires de la Musique mais dans l’autre sens, celui qui bonifie. Quoi qu’il en soit, loin des Zéniths et des Arenas, ces neufs morceaux DIY sont une préface idéale avant la sortie du deuxième album du de TH da Freak, « The Hood », qui, lui, n’enlèvera sa capuche qu’en février prochain – on l’a écouté, il est top aussi. 2018, année dynamite ? On vote pour.
TH da Freak // Infandous (EP) // Howlin’ Banana et Noise Caliphate Rds
Sortie le 1er décembre 2017