On en a vu des coups foireux, mais un groupe de synth punk avec un chanteur plus rap que rock, des musiciens recrutés sur des forums et un premier EP censé retourner une foule composé à deux dans une chambre, c’est encore la première fois… Et le pire dans cette histoire, c’est que ça prend !
Réunis sous le nom Télépagaille, Raphaël et Yacine balbutient cinq titres dans la piaule du premier en 2022. Rejoints par Mehdi, à la guitare, Tanguy, à la batterie puis Léopold aux synthés, les deux loustics se retrouvent rapidement à défendre « Limbo », leur premier EP, sur la scène parisienne (et pas que). Une grande première pour ces cinq jeunes hommes assoiffés de concerts. Après avoir tourné à droite à gauche, ils concrétisent leur idée de départ – “faire de la musique pour faire bouger les gens” – et sortent « Traction » chez Le Cèpe Records. Rencontre avec ces héritiers non-revendiqués du punk français.
Les thématiques, les paroles de vos morceaux et votre interprétation rappellent la scène rock alterno française de la fin du siècle dernier. Est-ce que ce sont des références communes à vous cinq ou rien à voir ?
Yacine : Pas trop non… Faut savoir déjà une chose : ma culture rock est éclatée au sol. J’ai vraiment découvert ça en démarrant Télépagaille avec Raphaël. J’viens davantage du rap. Dans les textes et la façon de poser, ça s’apparente à du rap. Et avec Télépagaille ça donne un synth punk assez rapide et percutant à la française qui raconte des aventures d’une personne ordinaire voire anti-héros. Ce qu’on fait peut s’apparenter à beaucoup de sous-genres du rock sans en faire totalement partie.
Raphaël : Il n’y a pas de référence directe à cette scène rock. Les musiques de cette époque viennent sûrement nourrir notre son mais ça sera plus des groupes américains ou anglais. Mais on nous a déjà parlé des Rita Mitsouko et je comprends, notamment par rapport au côté festif et déglingos des morceaux. Mais ça n’est pas du tout conscientisé. Sur la partie instrumentale, on s’inspire davantage de Devo ou de Talking Heads.
Avec Boîte de conserve, on remarque à quel point les paroles drôles et hyper imagées de Yacine se retranscrivent facilement en clip. Pourquoi ça vous semble important d’intégrer ce type d’humour ?
Yacine : Je pense pas que ça soit ultra profond mais ce sont des trucs de mon quotidien qui me font trop rigoler. Je construis des histoires en lien avec ce vécu. Par exemple, pour Boîte de conserve, c’est arrivé après avoir mangé des pois chiche. Je regarde la boîte pour connaître ses caractéristiques techniques parce que ça n’avait pas de saveur. C’était tassé et un peu increvable. Un peu comme un humain alors j’ai écrit une histoire dessus de façon assez primaire.
Tu prends en note le moindre évènement de ta vie pour le ressortir au moment de composer les morceaux ?
Yacine : Souvent, je mets juste les trucs les plus drôles de côté. Ensuite, l’instru va m’inspirer. Je commence à écrire dessus en fonction des couleurs qu’elle a. Et à ce moment-là, ça peut me rappeler mes histoires.
Léopold : Ces histoires nous font marrer. Puis ça été ultra galvanisant pour nous qui sommes arrivés après. On jouait leurs premiers morceaux en live au moment où on en composait des nouveaux.
« On a l’objectif de produire une musique pour faire bouger les gens. »
Justement, Yacine et Raphaël, comment vous vivez le passage de composer à deux dans une chambre à la scène avec trois autres compères en live ?
Yacine : Le faire en live avec les gars, ça donne envie de tout casser !
Raphaël : On a l’objectif de produire une musique pour faire bouger les gens, leur faire ressentir des émotions avant de présenter des objets bien polis. Le live nous permet de travailler cette dimension là. On veut que notre musique soit sauvage.
Pourquoi tant de sauvagerie ?
Raphaël : Personnellement, c’est ce que je cherche dans un concert. C’est ce que je veux reproduire et ce que je cherche sur scène en tant que musicien : ressentir ce côté galvanisant quand je vais voir un groupe qui s’adresse plus à mon corps qu’à mon esprit.
Léopold : C’est assez initiatique pour nous cinq qui découvrons une scène. On a envie de la prendre à bras-le-corps.
Est-ce qu’il y aurait pas d’autres raisons liées à cette envie de foutre le bordel ?
Mehdi : Dans les paroles de Yacine, il y a quand même une critique sous-jacente de la quotidienneté. Je sais qu’il n’aime pas trop qu’on intellectualise tout ça mais je le ressens comme ça. La façon dont il raconte ce quotidien aliénant, ça donne envie d’accompagner ce geste sous forme de rébellion. Comme un cri !
Raphaël : C’est une démarche punk ou juste un exutoire débile !
Un exutoire dans lequel on suit les aventures de cet anti-héros ordinaire dans la jungle urbaine. Je me demandais : Est-ce que vous êtes tous originaires de cette belle ville qu’est Paris ? C’est ici que vous vous êtes rencontrés ?
Yacine : Raph et moi, on s’est connu via ma copine lors du festival La Ferme Électrique dans le 77. On a fait plusieurs soirées ensemble durant lesquelles Raph’ m’a fait écouter ce qu’il aimait. Très vite, on s’est mis à produire de la musique ensemble. Ça a donné Course sensas, un de nos premiers morceaux. C’est comme ça qu’on a créé Télépagaille.
Raphaël : On ne savait pas trop où est ce qu’on allait. On faisait juste de la musique dans ma chambre. Ça nous a plu. Les premiers retours positifs des potes nous ont confortés alors on a continué et ça a donné le premier EP. On voulait le jouer en live alors on a monté un groupe. Et c’est là qu’on a trouvé Mehdi, Léo et Tanguy pour constituer un vrai groupe de live. Par des forums et des rencontres de potes. Même si on vit tous à Paris maintenant, on n’est pas tous d’ici.
« Traction », votre deuxième EP sort ce 20 septembre chez Le Cèpe Records. Sachant que vous venez (quasi) tous de province ou que vous ne connaissiez rien à la scène rock (cf Yacine), comment est-ce que vous vous êtes démerdé pour dégoter une sortie chez eux dès votre deuxième projet ?
Raphaël : Quand j’arrive dans une ville, je cherche toujours la fête, la musique, les concerts, etc. C’est comme ça que je me suis constitué des groupes d’amis, dont Yacine et les gars à Paris. Ici, plusieurs labels nous plaisaient de par les groupes signés. Le Cèpe en fait partie. Lors de la sortie de « Limbo », le premier EP, on a fait quelques cassettes avec Martin de Idiotape Records. Et grâce à lui, nous sommes rentrés en contact avec Le Cèpe. Ça nous parle. Et ça nous fait plaisir de sortir de la musique avec eux.
Télépagaille // Traction // Le Cèpe Records
https://leceperecords.bandcamp.com/album/traction