Chaque semaine, des dizaines de disques déferlent sur les burlingues poussiéreux des webzines les plus pointus. Chez Gonzaï, on n'échappe évidemment pas à ce tsunami hebdomadaire et quand vient l'heure tant attendue de la distribution des galettes de plastoc aux chroniqueurs furibards, on se frite. Avide de musique et de découvertes saignantes, je me suis retrouvé à ce petit jeu avec le nouvel album de Sultan Bathery, un trio italien psyché qui avait tout pour me plaire. Really?...

Dès la prise en main de l’affaire, me voilà projeté dans ma zone de confort. Méfiance, ça sent déjà le terrain conquis. À ma gauche, une pochette bigarrée qui évoque les grandes heures du mouvement psyché. Sauf qu’on a la sale impression qu’elle a été conçue sur Paint par un soir de cuite. Pas vraiment grave, puisque l’habit ne fait pas le moine. À ma droite, un label américain synonyme de confiance : Slovenly recordings. Basée à Reno dans le Nevada, cette maison de qualité abrite des groupes du calibre de Bazooka, The Spits, Nightmare Boyzzz, Las Ardillas ou encore King Automatic. Bref, on est pas là pour enfiler des perles mais plutôt pour distribuer des pains sonores à tout-va.

Un peu d’histoire avant la sentence… Au commencement étaient trois punks italiens. Giovanni, Matteo et Federico, amis d’enfance bien barrés, qui décident sur un coup de boule de se taper un trip en Inde. Au retour de leur périple, ils montent un groupe. Portant le nom d’une ville indienne du sud de l’Inde qui doit probablement encore aujourd’hui se souvenir du passage de ces loustics en goguette, Sultan Bathery était né. Mélange de punk cradingue, de psyché et de rock garage, leurs rares EP évoquaient surtout jusqu’ici du déjà-vu. Mais un déjà-vu au goût de revenez-y dont on ne se lasse pas. Ceux qui sont passés dans les clubs de strip américains savent de quelle sensation je veux parler.

Une fois dérogé à la célèbre maxime de Jarvis Cocker dans ses vertes années (« Ne jamais lire les paroles avant d’écouter un album. Et surtout ne jamais lire les paroles en écoutant le disque en même temps»), je me lance dans l’écoute d’une bestiole qui a décidément tout pour me séduire et faire de moi sa chose. Les guitares commencent à siffler…Après avoir ingurgité ces derniers temps des kilomètres de pop et de musique électronique, je suis en manque de guitares. Osons l’écrire, je veux du rock. Ouais, un putain de rock. Ca tombe à merveille, les trois ritals veulent m’en fourguer comme Capone délivrait l’alcool, façon contrebande.

(NDLR pour les plus jeunes : le rock est une musique née on ne sait plus trop quand dans les 50’s et dont la mort remonte à une date beaucoup plus précise : le jour où Julian Casablancas et ses sbires des Strokes achetèrent leur première paire de Converse et se rendirent en courant dans un terrain vague pour les user et s’acheter ainsi une crédibilité instantanée. Ainsi naissait la rock-pop, dit aussi rock muzak. Au revoir tout le monde. Basta. Ou presque. Depuis, les braises du rock sentent surtout le roussi. Voire le cramé et le grand guignol. Mais tout le monde fait comme si on y croyait encore, comme si le feu sacré était encore là, alors que l’encéphalogramme de l’affaire n’est pas loin de rester désespérément plat).

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Allez y comprendre quelque chose, mais à chaque fois que je rencontre le mot Sultan, mon cerveau se met en mode Indiana Jones et Tintin au pays de l’or noir. Des références culturelles ultra-complexes que seuls les philosophes de PMU devraient être en capacité de comprendre. Qu’on se rassure, la musique de ce trio transalpin n’a rien à voir avec celle illustrant un blockbuster de Spielberg. Avec une douzaine de morceaux concis comme un tube 60’s ou une furie punk 70’s (seuls un ou deux titres dépassent les trois minutes réglementaires), le groupe vise clairement l’efficacité. Et semble l’atteindre. On est loin d’un triple album de Chicago, et ça me va bien.

Le rendez-vous manqué

Le bat commence pourtant à blesser lorsque l’examen de la carcasse se fait plus approfondi. Et un constat s’impose assez rapidement : les influences du groupe sautent à la gueule. Elles finiront par étrangler le truc au lieu de lui donner un deuxième souffle. Les deux premiers morceaux évoquent ainsi un mélange bizarroïde de New York Dolls traités « grassouillette mix » et de Libertines reformés dix ans après leur split. Avec Purple moon, les Sultan basculent toutes guitares dehors dans le monde merveilleux des Arctic Monkeys. Mais sans Josh Homme aux manettes. Autant dire vers pas grand chose.

Flowers of evil ne fait que confirmer le (res)sentiment naissant au fil des écoutes : si les années 2000 ont vu défiler des hordes d’ersatz de Radiohead, il semblerait que les 10’s promettent leur lot d’Arctic Monkeys bis. Dead leaves ne me fera pas changer d’avis, même si je lui reconnais des qualités évidentes. Ce disque devrait me scotcher, mais voilà, la somme des clichés est trop lourde à porter pour mes frêles épaules, et menace de m’éteindre…Jusqu’à ce que Spring of youth déboule enfin avec un refrain qui claque aussi fort qu’une cravache chez maîtresse Françoise. Si ce disque ne doit contenir qu’un seul tube (bientôt available dans tous les charts squats), c’est celui-là. C’est dansant, on sent enfin les envolées, le surf, le buzz, le cherry coke. La seule extraballe de l’album…et c’est trop peu.

Toi qui ne lis que les conclusions des articles Gonzaï afin de vérifier l’esprit de synthèse des chroniqueurs, laisse-moi te donner un avis sibyllin et non argumenté : ce disque n’est pas pour moi. J’en déduis qu’il sera probablement pour vous, fans invétérés de Brian Jonestown Massacre ou de Psychic Ills.

Sultan Bathery // Flowers of evil // Sloveny recordings

http://slovenly.bandcamp.com/track/flowers-of-evil

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