13 ans après son suicide le 6 mars 2010, Sparklehorse fait un come-back inattendu avec un dernier album terminé après sa mort par ses proches et des amis musiciens comme Jason Lytle (Grandaddy). Le disque, intitulé « Bird Machine », sort le 8 septembre. Et même si le génie de Mark Linkous imprègne l’album, cette machine à oiseaux peine à nous faire planer.

13h20. Quand Mark sort de chez lui, ce 6 mars 2010, et qu’il part se cacher dans une allée, son intention est claire. Une balle dans le cœur plus tard, il disparaît. Et même si l’Américain de 47 ans lutte depuis des années contre des épisodes dépressifs, et qu’il ne s’est jamais vraiment remis de son divorce ainsi que d’un mélange de Valium et d’antidépresseurs qui l’a obligé à rester en chaise roulante six mois et à réapprendre la guitare, Mark va depuis quelques mois « mieux ». En 2006, il avait sorti un chef d’œuvre (« Dreamt for Light Years in the Belly of a Mountain ») et avait entamé une collaboration avec Christian Fennesz et Danger Mouse.

Encore mieux : fin 2009, il se pointe à Chicago et entre en studio avec Steve Albini pour s’atteler à un éventuel nouvel album studio. Les sessions se passent bien, et Mark rentre dans sa cabane en Caroline du Nord — le Static King studio — pour poursuivre son travail d’orfèvrerie sur ses nouvelles compositions. En février 2010, il prévoit même de rendre visite à Joel Hamilton — l’ingénieur du son avec qui il a travaillé sur l’album « It’s a Wonderful Life » (2001) — qui habite New York. Mais quelques jours plus tard, alors qu’il vient d’emménager à Knoxville dans le Tennessee, il pointe l’arme sur lui et tire. Fin de l’histoire ? Tout le monde pensait que oui.

Sept ans plus tard, le frère de Mark, Matt, découvre en archivant les cassettes, les bandes, les disques durs et le travail de son frère que ce dernier avait en réalité bien avancé sur son prochain album. Les voix sont enregistrées et posées. La plupart des chansons sont abouties et celles qui le sont moins ont simplement besoin de quelques arrangements supplémentaires pour prendre forme. Avec sa femme Melissa Moore, Matt se fixe alors un objectif : mettre la touche finale à l’album de son frère. C’est facile, la recette magique de Sparklehorse l’est tout autant : quelques accords basiques à la guitare, un Whisper 2000 à 25 dollars pour compresser la voix, des micros d’occasion dénichés dans des bazars, un Wurlitzer et un Mellotron. En plus, Mark a laissé un carnet avec toutes les paroles et des dessins. Un jeu d’enfant, n’est-ce pas ?

Family Business

Tout ce que Matt et Melissa retrouvent de Mark est confié à Bryan Hoffa, ingénieur du son et archiviste, qui a la tâche de digitaliser l’intégralité des musiques récupérées. Au moment d’écouter les dernières sessions et les titres débutés avec Steve Albini à Chicago, lui aussi se rend compte que les squelettes sont déjà formés. L’homme parvient à stocker les morceaux sur bande magnétique 24 pistes et offre à Matt l’occasion d’aller au bout du contrat.

En 2021, accompagné d’Alan Weatherhead — un proche de Mark — les deux hommes passent un mois au studio Montrose Recording et entrent dans le dur : qu’est-ce qu’on garde ? Comment on termine cette chanson ? Que faut-il ajouter à cette composition ? Qu’aurait fait Mark s’il avait été là avec nous ? Des questions auxquelles ils doivent répondre seuls. Alan accentue le côté rock crasseux du titre d’ouverture It Will Never Stop — façon Pig ou Sick of Goodbyes; Melissa ajoute du violon sur Evening Star Supercharger. Comme l’explique The New York Times dans cet article, les paroles inscrites dans le carnet leur permettent d’ajouter des harmonies à certains moment. Deux morceaux sont envoyés à Jason Lytle, leader de Grandaddy, pour qu’il pose sa voix dessus. Le neveu de Mark — dont la voix ressemble à celle de son oncle — est aussi impliqué dans le projet : il chante sur cinq morceaux de l’album. C’est une affaire de famille, ou presque. Une fois la production des 14 chansons terminée, et comme Mark l’avait voulu, l’album est mixé à New York par Joel Hamilton. Le travail est fini. Et comme par magie, Sparklehorse revit le temps d’un album posthume. Mais « Bird Machine » est-il à la hauteur de la carrière de l’artiste ?

Dire que « Bird Machine » ne tient pas ses promesses serait mentir. Dire qu’il tient toutes ses promesses le serait tout autant. Découvrir ces morceaux inédits, 13 ans après sa mort, est un moment marquant, presque improbable. Mais passé l’excitation des premières écoutes, l’album peine, contrairement aux quatre autres sortis de son vivant, à vous marquer au fer rouge. Il y a des très beaux moments : O Child est sublime ; Daddy’s Gone, Kind Ghosts et Falling Down sont plaisants et The Scull of Lucia perce le cœur. Mais le disque manque d’une vraie direction artistique et sonne souvent plat, voire redondant. On a parfois l’impression que des bruits parasites on été ajoutés à l’aveugle juste pour rendre certains morceaux plus « Sparklehorse-friendly » (Daddy’s Gone, Chaos of the Universe), ou que le fantôme de Mark est trop transparent pour convaincre (I Fucked Up, Everybody’s gone to Sleep). La reprise de Listening to the Higsons — un titre de Robyn Hitchcock sorti en 1982 — ainsi que le plaisir de réentendre Sparklehorse sur les quelques bons titres sauve la mise. Mais c’est un rendez-vous à moitié manqué. Et c’est dommage, car il s’agissait très probablement du dernier.

L’album « Bird Machine » sort le 8 septembre sur ANTI- Records.

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