Demander à un artiste de se définir en 8 morceaux et de tapoter dans la foulée une représentation de soi sur un clavier à touches sans vie est un exercice de style pour le m

Demander à un artiste de se définir en 8 morceaux et de tapoter dans la foulée une représentation de soi sur un clavier à touches sans vie est un exercice de style pour le moins difficile. Pour ne pas dire une mission impossible. Aujourd’hui Mathias Durand, un garçon un peu tête en l’air, bien perchée au dessus des nuages.

Broken Letters, son 1er album autoproduit, est parsemé de dix missives qui flirtent avec la mélancolie à défaut d’emballer vulgairement un tampax à fleurs sous une boule à facettes. Ces lettres n’ont bien évidemment jamais été envoyées (voir plus haut). Et ce message, bien évidemment, a failli ne jamais arriver.

Autoportrait en mode chronologique :

(Chantilly, 1983-92): « Je me souviens que l’on m’a offert une batterie d’enfant.
J’entends ma grand-mère jouer Chopin et Rachmaninoff au piano. J’aime ce son, le romantisme de son jeu. Queen, Mickaël Jackson et les Beatles sont mes premiers bonheurs musicaux ».

(Paris, 1993-2004): « Puis vient Jimi Hendrix, et l’envie d’une guitare électrique. La passion pour la guitare est frénétique dans les premières années. J’apprends seul et c’est obsessionnel. Rencontre avec Sébastien, c’est le début d’Alacazas Jasey. Nous approchons ensemble l’improvisation et l’enregistrement. A ce moment je fais le choix de la musique ».

(Nice, 2005-06): « Je voyage trois mois en Asie du sud-est, c’est très intense. Les premières chansons de Broken Letters prennent forme. J’aime de plus en plus travailler des textures de son électronique, mais je sais que l’album sera acoustique, comme une musique de chambre ».

(Paris, 2007-09): « Alacazas Jasey (Rock Psychédélique) redémarre, c’est aussi le début de Castle of Aaaaaargh (Blues) et It (Musique libre). Cette diversité me donne quatre biais d’expression différente et chacune enrichit l’autre. Broken Letters est enregistré.

Aujourd’hui Math and the Letters est la continuité de cet album folk. Nous sommes quatre Maï, Maxime, Charlie et moi ».

La playlist de Mathias Durand :

Tim Buckley: L’écoute de cet album est un choc. Tout s’y mélange, dans un univers free parfaitement maîtrisé. Tim Buckley trouve ici un espace de jeu formidable où sa voix est libre. Cette chanson, la première du disque, m’inspire une marche funèbre. Le reste de l’album nous emporte vers un monde hallucinatoire aux contrastes très vifs.

The Beatles: Que dire sur eux… L’évidence. I want you, bien sûr pour ses harmonies et mélodies, mais surtout car c’est une facette rare des Beatles. Répétitif et psychédélique, presque krautrock…

Radiohead: J’aime le métissage de cette chanson, on distingue même plusieurs époques du jazz dans les arrangements de Greenwood. La tension est tenue tout le long avec un équilibre fragile, les cuivres semblent à fleur de peau. Jusqu’à ces sept notes de clarinette à 3:53. Elles me glacent à chaque fois, et libèrent la pression. Je ressens un effet « soupape de plaisir » à cet instant.

Terry Riley: Plus connu pour ses oeuvres répétitives, le pianiste et compositeur américain rend hommage sur ce disque au maître indien Pandit Prah Nath. C’est encore le croisement des influences qui m’interpelle ici. Du classique contemporain, l’empreinte de la musique indienne et des montages sonores, le tout avec une grande place laissée à l’improvisation. Cet album me fascine.

Pink Floyd: Je pensais à Syd Barrett en composant la première partie d’As an Evidence, une succession d’accords majeurs assez naïfs. Ses chansons sont des empreintes de l’enfance, je me sens bien dans le milieu psychédélique de Piper. On entend qu’ils s’amusent en créant leurs textures sonores, que l’osmose entre eux quatre est parfaite.

Nick Drake: Les chansons sont brutes, d’autant plus sur Pink Moon. Nick Drake chante comme un conteur, il murmure presque. L’émotion qu’il diffuse est sereine, toujours juste. Jamais d’envolée lyrique, c’est un repos pour l’oreille. On écoute le calme d’une forêt. Et cette ambiance se transmet, sa musique appelle le silence.

John Coltrane: Je vois un lien fort entre le Jazz du début des années soixante, et le rock psychédélique. J’écoute Jimi Hendrix comme John Coltrane ou Wayne Shorter. Ce sont des influences fortes pour mon jeu de guitare électrique. J’aimerais sonner comme leur saxophone. Sur ce titre, Eric Dolphy est à la clarinette, Mc Coy Tyner au piano.  Leurs improvisations, le combat pour atteindre le »It », et le garder est très communicatif. En auditeur, nous sommes témoins privilégiés de cette lutte introspective.

Robert Wyatt: Une chanson d’amour troublante, le texte est magnifique. Chaque phrase peut être prise de façon indépendante, et résonne seul aussi forte que dans l’ensemble. La longue ligne mélodique maintient la tension et donne des accords l’impression d’un cycle perpétuel. C’est la première chanson du disque et il a l’air d’en découler. Il se maintient dans cette atmosphère aquatique, et c’est très relaxant.

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