Interviewer Schlaasss, c’est un mélange de masochisme et de suicide journalistique. Pensée émue pour le gars pilotant une émission radiophonique, dont j’ai oublié le nom, durant laquelle le groupe décide de lancer une ola en plein direct. Alors forcément, quand j’ai finalement rencontré Charlie et Mika après leur dernier concert parisien à la Gare XP, j’étais déjà prête à m’enchaîner des pintes et des pintes. Et ça n’a pas loupé, puisque pintes il y eut, et interview il n’y eut pas. La suite se résume donc à un échange mailistolaire (l’épistolaire 2.0), beaucoup moins risqué.
Schlaasss, je les ai vraiment découverts en live. C’était l’an dernier à la Ferme Electrique, et je me suis pris une sacrée torgnole dans la face. Sur scène, c’est donc Charlie Dirty Duran (aka la biguleuse), et Daddy Schwartz (le grand maigre pour les intimes). Déjà, tout un programme. Lui est déguisé en gros nounours sanguinolent. Elle manie la batte de baseball en booty-shakant (du verbe booty-shaker) dans son mini-short rose. Et les deux côte à côte, ça donne un show assez vénère. Un show oui, parce que Schlaasss ce n’est pas que de la musique, c’est aussi et surtout toute une esthétique visuelle, des clips bien ficelés et plein de goodies rigolos. Musicalement, c’est un groupe ovni, qui fout le bordel dans ton classement Itunes. Charlie et Mika, pour résumer, ils disent que c’est du Volvo-core et, même si ça ne veut rien dire, je trouve que ça colle plutôt bien. Après une campagne de crowdfunding réussie, le tout premier (et sûrement tout dernier) groupe de volvo-core de France sort son premier album en auto-production : « Slaasssch ».
Commençons par le commencement en revenant sur la base du projet Schlaasss. Il va falloir mettre les choses au clair, puisque tantôt Schlaasss est né à la suite d’une partouze dans une volvo, tantôt lors d’un atelier d’écriture en prison …
En vérité on s’est rencontrés à un stage d’équitation animé par François des Béru, c’était chiant comme la mort – à part les chevaux – voilà pourquoi on n’en parle pas.
Ah oui, j’avais failli oublier cette dernière hypothèse : Charlie, je t’ai déjà entendu évoquer une histoire d’erreur de déguisement à la maternelle, ce qui aurait provoqué chez toi une colère à l’origine de Schlaasss. Quand on écoute le titre La Récré et qu’on regarde le clip surtout, je me demande si il n’y a pas un gros traumatisme d’enfance derrière tout ça.
Bien entendu, tout remonte à une petite enfance misérable. Avant de rentrer dans le music business on s’appelait Causette et Jean Valjean, on vendait des allumettes et on se faisait violer tous les dimanches par le garde champêtre. Ceci explique cela comme le veut la logique des mathématiques de CE1, où d’ailleurs nous n’avons jamais eu la chance de foutre les pieds. Si nous avions eu une enfance normale on ferait de la chanson jolie, on se brosserait les cheveux, on aurait un jeton de supermarché sur notre porte clef, et on aurait fait une chanson qui s’appelle Salade, et pas Salope. Par contre, on irait voir des putes mineures en cachette, et on mangerait des écureuils morts dans le dos de notre famille. Nous on est l’inverse de ça, je vous laisse retourner le sablier.
Presque tous vos morceaux sont clippés, avec à chaque fois une esthétique bien singulière. Vous avez aussi monté une micro fiction en plusieurs épisodes : schlaassseur. Pour ceux qui n’ont jamais vu, c’est plein de petites séquences d’environ une minute, où à chaque fois, l’un finit toujours par tuer l’autre. Vous vous faisiez chier un dimanche après-midi ? Ou c’est un refoulement de pulsion meurtrière ?
Bien sûr que, comme tout le monde, on se fait chier les dimanches après-midi (et puis ça nous rappelle le garde champêtre…). La balade dominicale c’est pour les tapins qui essaient de te vendre cette promenade comme un truc super LOL, alors qu’eux-mêmes rêvent d’une partie de jambe en l’air hardcore ! Faut assumer ses pulsions sexuelles et auto-destructrices, sinon c’est la guerre et l’obscurantisme. Et puis, c’est toujours marrant de ressusciter après chaque épisode, ça permet de changer de vie. En plus, faire une petite série nous sort du biz de la musique dont les problématiques sont parfois tristes à crever.
C’est sûr qu’au niveau du look, on trouve Cabu beaucoup plus street-credible que Frederic Beigbeder.
On ne va pas parler de vos influences musicales (sauf si vous avez envie hein), ni du dit « concept » autour de Schlaasss. Cette espèce d’idéologie de l’humour trash, de dérision et d’auto-dérision, fait aussi penser à la ligne d’Hara-Kiri, ce canard « bête et méchant », avec des punchlines du genre : « Si vous ne pouvez pas l’acheter, volez-le ». Sans causer actu’, ce sont des conceptions qui vous parlent ?
C’est sûr qu’au niveau du look, on trouve Cabu beaucoup plus street-credible que Frederic Beigbeder. Mais ouais, ça nous parle de mettre des coups de chevrotine dans le cul de la bienséance. Ça nous parle de saloper un peu le paysage de la culture domestiquée française. Ça nous parle de faire des blagues craignos. D’ailleurs, on a un autel portatif dédié au professeur Choron, on l’amène partout avec nous et on y brûle des poupées fétiches représentant Philipe Val avant chaque concert.
Vous sortez votre premier album le 28 avril. Pour cet LP, vous êtes en total auto-production et vous avez lancé une campagne de crowdfunding pour financer le projet. Dans votre morceau Salope, vous évoquez le milieu culturel fonctionnant à coup de sub’ et de copinages mal placés. L’autoprod’ c’est un choix face à ce milieu de requins ?
C’est un choix forcé face à un milieu de mafiosi pisse froid et consanguins dont le courage consiste a attendre qu’il se passe quelque chose car, « c’est la crise ma brave dame, alors bon, c’est pas facile hein ? ». Mais y a quand même encore des tapinos qui ont des couilles et du flair ! En plus, on est pas si seuls que ça, car notre petit bijou sera sur un super label digital : Atypeek Music, qui assurera la distribution numérique mondiale de « SLAASSSCH » ! On compte s’acheter une villa avec l’argent généré par les ventes.
Charlie, je sais qu’on te reproche souvent ton comportement sur scène, trop vulgaire, trop – tout court-. Ça revient un peu à dire que le fait d’être une femme t’infligerait une certaine ligne de conduite. Comment réagis-tu face à ce genre de jugements ? A quand le procès avec les groupes féministes ?
Je fais comme les mecs, je leur montre ma bite et ça les calme tout de suite. Sérieusement, je pense que ce qui dérange le plus les gens, et les garçons y compris, c’est le paradoxe dans mon attitude. L’air de rien, même dans les milieux les plus ouverts et les plus alternatifs, on nous pousse toujours à nous positionner une fois pour toute dans une catégorie. En musique, c’est pareil, il faut avoir un style bien défini, sinon tout le monde est perdu. C’est une tyrannie en sourdine qu’on s’impose tous les uns aux autres. Moi, sur scène, à la fois je dis des saloperies crasses avec une grosse voix en crachant partout, à la fois je fais du booty-shake avec un mini short rose en faisant un clin d’oeil à un mec du public. Auprès de certaines personnes, ça ne passe pas, j’ai pas le droit d »assumer la multiplicité de mes avatars. Mais bon, comme MC Jean Gab’1, ces gens là en fait, je les emmerde.
Daddy, au-delà de Schlaasss, tu peins et tu tatoues aussi. Lors de l’édition 2014 de la Ferme Electrique où une expo t’étais consacrée, j’avais notamment retenu ce petit chat si mignon avec ta reprise du pastiche Aie Litière écrit au dessus. Au final, ici aussi c’est dérision et 15e degré ?
C’était marrant cette expo à la Ferme Electrique car ça s’est fait dans l’urgence, j’y suis allé trois jours avant et j’ai peint sur tout ce qu’on me proposait comme support. Eh oui, j’essaie d’exposer souvent, mais je fais trop de choses pour m’en occuper sérieusement. Concernant le Aie Litière ce n’est pas de l’humour, je suis vraiment un con de nazi qui essaie juste de rendre mes idées acceptables, un peu comme tout le monde en ce moment quoi.
Schlaasss // Slaasssch // sorti le 28 avril 2015 chez Atypeek Music
https://www.facebook.com/pages/Schlaasss/238961719557086?fref=ts
Release party au Marché Gare (Lyon) le 7 mai, le 8 mai à l’Ursa Minor (Saint-Etienne), le 9 mai à Petit Bain avec Infecticide
Crédit photos : Nicolas Charozé.
1 commentaire
bonjour, il manque le crédit photo sous ma photo ! vous pouvez me contacter pour les condition d’utilisation de mes photos merci