Entendu à la terrasse d’un café, « Avant je pensais que la musique était morte, maintenant j’pense plus qu’elle est enterrée vivante par les médias. Faut creuser pour la trouver, la vraie musique.« Bien dit gamin, c’est pas mal trouvé ton histoire de mort-vivant et ta métaphore filée sur les raretés cachées six pieds sous terre.
Ça me rappelle l’autre jour, quand j’ai rencontré une gonzesse qui ne connaissait pas les Rolling Stones. Putain, la gamine connaissait les Beatles mais pas les Stones. On aime ou n’aime pas la choucroute, OK, mais la moindre des choses c’est au moins de savoir qu’il s’agit de bouffe et non pas d’un mouvement architectural. On est quand même pas tous égaux face à cette créature qu’est la musique. Longtemps j’ai pensé que Julien Clerc était un rocker parce qu’il disait en avoir le cœur, je ne citerai pas la chanson, rien qu’à y penser j’ai un gout d’intestin au fond du gosier. Ma mère a contribué toute mon enfance à mon allergie chronique à la variété. Tu m’étonnes qu’arrivés à leurs douze piges environ, un tiers des mômes se mettent à écouter Cannibal Corpse…
Bref, creuser, c’est la nouvelle forme de résistance du XXIe siècle, pour nous pauvres taupes en hibernation devant notre ordinateur à la con. J’entends par là que plutôt que de s’empiffrer du triple gras de la culture populaire – populaire dans le sens le plus péjoratif qui soit – il va falloir creuser pour toper une ou deux racines délictueuses qui nourriront plus l’âme que l’estomac gras de télévision, de la publicité et de tubes de l’été. Cette semaine, Owen Temple Quartet invités à Rock à la Casbah, c’est un peu le même délire : pioche en main, on martèle les fondations de l’excellent premier EP Midnight Parade (servi dans un coffret esthétiquement brillant qui ravira votre contour de cheminée) pour comprendre comment et pourquoi. Les premiers jets de terre par-dessus l’épaule révèlent déjà des sources d’exploitation. Un membre de Rodéo Massacre, rock 60’s psychédélique rarement décevant, un pilier de No Guts No Glory, hardcore punk qui rassemble les kids depuis pas mal de temps, et une rencontre d’antan autour d’un groupe de métal il y a de ça quelques temps, en plein processus de rejet totalitaire de l’héritage musical à gerber des parents. L’éternel retour disait Nietzsche, pourtant j’imagine que ces types-là ne feront pas subir les même monstruosités à leurs enfants. En attendant, savourons cette offrande pendant que le corps est encore chaud.
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