Quelque chose ne tourne pas rond. Le voyage est long, beaucoup trop long. Il s’assied au fond du bar sous une affiche à son effigie. Il n’apprécie pas sa bière, ni l’accueil qui lui a été fait par les programmateurs. La route non plus d’ailleurs. Il s’est fait avoir, cette tournée était un piège tendu par un tourneur sorti de nulle part. Note to yourself : ne jamais faire confiance à un type au bout du fil. Mark Sultan cherche à résoudre l’équation bancale. Il cherche dans ses souvenirs les plus lointains ce qui a fait la différence, les autres fois. Tous ces bars et ces salles écumés à la tombée de la nuit, toutes ces fois où il faisait tomber le turban de Sultan et redevenait Mark en sortant de scène, toutes ces conneries insensées où la magie et le pathétique se croisaient en un instant lumineux et divin. Mais cette fois-ci rien ne va.

Le tourneur l’emmerde. L’emmerde vraiment. Et Mark a envie de tous leur dire d’aller voir dans le bar d’à côté.  BBQ n’est pas enthousiaste, il passe ses journées dans un camion à essayer de ne pas parler avec son roadie, ses concerts sentent l’œuvre caritative, comme si Mark Sultan n’était plus qu’une figure venue de l’autre côté de l’Atlantique, un étrange phénomène pour calmer l’ennui.  Ce soir des crétins viendront peut-être s’enivrer à ses pieds et pousser des rires plus forts que sa guitare. Ils danseront en cercle avec une bouteille de rhum-orange en plastique qu’ils feront tourner de main en main. Et derrière il sera là, à hurler des bêtises et des drames. Autour de lui tout le monde a mis sa panoplie de rocker : un étrange reflet de sa vision du rock et de ses fringues qu’il traîne avec lui depuis des années, ne se souciant que de leur commodité.

Et si Mark Sultan n’avait jamais été réellement compris ? Sa musique, par lui et pour lui, et personne pour la comprendre.

Voilà vingt ans que ses collaborations et ses disques prospèrent sur In The Red, Bomp! ou Goner Records. « Sultan » c’était pour estampiller le mystère et ne jamais lever le voile sur sa relation intime avec la musique. Peut-être est-il tombé dans le piège, peut être Mark Sultan est-il devenu le produit hype que l’on cite sans jamais le voir, une référence dont on ne se soucie plus. Il finit sa bière aussi amère que ces dernières dates, que ces concerts aussi valorisants qu’un ticket perdant de tombola. Le problème, c’est que la chance n’a peut-être rien à voir là-dedans. Et si son pied était déjà dans la tombe, son nom inscrit au cimetière  des has-been crack addicts ? La paranoïa envahit tout son corps et toute son âme aigrie. Le Sultan se lève de sa chaise et rejoint la scène. Ce soir il tapera du pied comme il n’a jamais tapé. Les vaisseaux éclatés sous son talon crisperont ses doigts et accélèreront les aller-retours de sa main sur la guitare. Ne jamais sous-estimer les pouvoirs du Sultan. Bientôt il rentrera au Canada. Toute cette merde ne sera qu’un voyage initiatique. Il rentrera bien plus grand. Et les deux albums en préparation Whatever I want et Whenever I want seront la réponse acide à tous ces types qui l’ont pris pour un autre. Mark Sultan ne vit pas de sa musique, il vit sa musique et pendant ce temps-là, petit prétentieux… tu écoutes.

Plus d’infos sur http://casbah-records.com/

Mark Sultan on air by rockalacasbah

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