Avec la sortie de leur premier album « Homemade Lemonade », ces 5 jeunes gaillards de banlieue parisienne ravivent la flamme de la musique parfois un peu kitsch que nos parents écoutaient sur platines. Indice : ces artistes portaient souvent de beaux chapeaux. De la country au blues, du groove en velours à Dolly Parton et Bénabar, voici leur histoire.
Je suis pas du genre à regarder les clips et je suis surprise de voir que t’es un jeune blanc bec de 22 ans. Comment expliques-tu ton amour pour les musiques du Sud ?
Théo : C’est étrange mais je pense écouter beaucoup de pop. Pas dans le sens actuel du terme, Taylor Swift c’est pas mon truc. Ce que j’écoute ce sont les hits du Billboard mais d’époques différentes. Donc dans tous les cas c’était de la pop dans leur époque. La pop a évolué mais la plupart des trucs qu’on écoute c’était des tubes dans leur époque.
» J’ai pas le permis, jamais je pourrai chanter « J’ai envie de rouler en regardant le soleil se coucher. »
Je suis perdue, qu’est ce que c’est que la “pop” pour vous ?
Théo : La pop c’est la synthèse des tubes produits ces dix dernières années, les tendances mainstream de la décennie qui précède au sein d’une seul grand genre. C’est une tendance. En 1976 par exemple, les Sex Pistols étaient une réaction aux Pink Floyd. Faire de la musique c’est être à contre-courant, proposer de la nouveauté, sans cesse. La pop c’est un reptile qui change de peau.
Olivier : C’est de la culture décontractée, en marge de l’intelligence. Du easy listening au final. Quelle tristesse.
Dolly Parton n’approuverait pas ce message, si ?
Théo : Elle est incroyable, elle a écrit peut être 3000 chansons. Elle a écrit des tueries dans les années 60. Même si elle écrivait sur des recettes de cuisine à la fin, c’est une vraie bonne songwriter.
Quelles sont vos influences, surtout pour le chant ?
Théo : J’ai deux ou trois styles de chant qui m’influencent beaucoup. T’as deja toutes les chanteuses de Soul des années 60. Je me réfère a trois studios phares : Muscle Shoals Sound en Alabama, Hi Records à Memphis et le son de la Nouvelle Orléans. Du coup j’adore Irma Thomas, Aretha Franklin, Etta James et Dusty Springfield. J’apprécie également la country des années 60 du style George Jones.
Rien de très surprenant. Aucun guilty pleasure de ce côté ?
Théo : D’un autre cote j’adore les chanteurs a la voix posé, presque nonchalante comme Lou Reed, Iggy Pop. Des branleurs.
Des chanteurs sous Xanax …
Théo : Ouais exactement ! Ils sont plus dans l’attitude. On parle pas de la dégaine, vraiment de la nonchalance. Ils sont pas super techniques mais font le job.
Et pour la musique, d’où vient ce mégamix ?
Olivier : Au niveau de la musique, on se rapproche de différents genres sans se foutre dans des cases. On s’aperçoit qu’on s’inspire de pleins de trucs sans faire de plagiats dégueulasses. On parle beaucoup de soul, de country. On écoute plein de trucs et on pioche. Avec Théo on plein d’influences en commun.
Théo : On joue pas dans la cour des autres, dès qu’on veut reproduire un style, on se rends compte que c’est foireux. On peut qu’être frustrés de mal reproduire. On choppe des détails comme des intonations de voix ou des transitions et on les utilisent. C’est copier mais pas vraiment. C’est choper des astuces.
« Quand je change de coiffure, les gens ont une toute autre approche de la musique que je propose. »
Le groupe est basé à Noisy-Le-Sec, pas trop peur du côté caricatural des “Français qui font de la musique à l’Américaine” ? Ou qui n’assument pas la variété, tout simplement ?
Théo : Quand j’ai commencé la musique il y a 7 ans, j’avais les cheveux longs, je portais de pattes d’eph, je faisais de la musique différente de celle que je fais aujourd’hui, pourtant, je suis la même personne. Quand je change de coiffure, les gens ont une toute autre approche de la musique que je propose. On passe par plein de phases, comme n’importe qui. On assume le fait de dénoter en France et où l’on vit de par la musique que l’on sort.
Olivier : A une époque on faisait de la soul, Théo avait une banane 50’s et les gens ont commencé a dire qu’on faisait du Rockabilly. Je trouve ça chelou, bien que naturel, de mettre les artistes dans différentes cases. On aura jamais la même approche de la musique que des américains, il y a forcement notre sang français qui parle à travers notre musique. C’est terrible mais on y peut rien.
Comment on se détache de ses influences pour proposer du contenu original ?
Théo : Quand on se rapproche trop de nos influences on le sent tout de suite et le morceau ne fait pas long feu. On sent qu’il manque quelque chose. On cherche la petite bête pour rendre le morceau bizarre. Comme quand tu assaisonnes un plat ou cherche la fréquence d’une radio. On parle de torture mais il y a des fois où tout part tout seul. Il y a des choses évidentes lorsque l’on compose. Bizarrement pour Heaven To Me c’était pas évident. On a lutté avec cette chanson qui nous suit depuis le début et démontre bien l’évolution du groupe.
Les paroles des chansons ont un ton assez personnel. T’es un type vulnérable ou tu aimes juste te raconter des histoires ?
Théo : Les chansons sont très souvent autobiographiques. Le propre des styles de musique que l’on propose, c’est pour raconter des histoires réelles. C’est trouver la beauté dans le banal. Putain, comme ça on dirait vraiment du Bénabar mais c’est vraiment ça l’esprit ! Il faut jamais que ce soit trop banal ou au contraire, trop dramatique. Tu vois j’ai pas le permis et jamais j’irai chanter « J’ai envie de rouler en regardant le soleil se coucher« . Pour pouvoir mettre de l’émotion dans nos chansons, il faut que les textes collent à ma réalité. Les gens sont pas cons tu sais !
Theo Lawrence & The Hearts // Homemade Lemonade // BMG
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