Révélé au monde en 2018 par son album « Sleepwalking » et son tube indie à 29 millions de vues, le Néo-Zélandais au visage toujours masqué revient 4 ans plus tard avec un cinquième album bancal où Jonathan Bree donne parfois l’impression d’avoir gagné au Loto avec les bons numéros sortis dans le désordre. De quoi s’interroger sur la capacité à redevenir « so cool » quand on a déjà braqué la banque.
Les déménageurs en savent quelque chose : un piano tombe rarement deux fois au même endroit. Comme avec la foudre, on ne sait jamais vraiment où le hasard tombera, et s’il tuera des gens sur son passage. Dans le cas de Jonathan Bree, on pourrait évoquer un foudroiement par le succès ; un truc tombé du ciel à un âge avancé (39 ans) et qui prendra, dans la tiédeur de l’an 2018, la forme d’un arc soyeux. Ca s’appelait You’re so cool et même 48 mois plus tard, on en connait qui ne s’en sont toujours pas remis.
Le disque « Sleepwalking », dans son intégralité, contrastait tellement avec l’époque hyper, dans ses arrangements comme à ses lignes de basse in the style of Melody Nelson, qu’on ne voyait pas vraiment comment Bree parviendrait à remonter la pente à l’envers, c’est-à-dire réussir à ne pas descendre du nuage sur lequel il était monté par magie. Et cette envie de le voir rester collé au plafond fut si forte qu’on ne jeta qu’une oreille très discrète au successeur, « After the curtains », un disque étouffé par le Covid. On imaginait de toute façon assez difficilement comment un chanteur caché derrière son masque spandex se démerderait pour porter un FFP2 validé par Didier Raoult.
Comme les Daft Punk
Que faire quand on est l’auteur d’un hit inattendu, et qu’on est parti de rien à l’âge de 12 ans avec un père reconverti en gourou de secte australienne ? Continuer, c’est dans l’ordre des choses. Et alors qu’un autre musicien anonyme, Thomas Bangalter, profite de 2023 pour faire tomber le masque, Bree continue quant à lui sur sa lancée avec « Pre Code Hollywood », cinquième disque qui doit son nom à une directive en vogue à Hollywood de 1934 à 1966, et qui régulait le contenu de la production des films en convenant de ce qu’il était acceptable (ou pas) de montrer à l’écran. En s’inspirant de cette histoire vraie, le gant blanc humain semblait donc signifier qu’il était motivé à continuer à creuser la marge plutôt que de se fourvoyer dans la facilité. Dommage que « Pre Code Hollywood » fasse exactement l’inverse.
Voix de baryton, chant susurré et petites mélodies de boite à musique pour nostalgiques des années 60 ; la formule était connue, elle devient lassante. Dès City baby, l’ennui s’installe, au point qu’on se demande d’entrée de jeu si Bree n’a pas ressorti es chutes de studio de « Sleepwalking » pour confectionner cet album semblable un footballeur fringué en smoking. A cette impression mitigée succède le titre éponyme Pre-code Hollywood, avec une introduction évoquant une musique d’illustration pour le secteur bancaire, avec éoliennes et famille parfaite en arrière-plan courant vers un futur radieux à 3% d’intérêt. Et de fait, c’est semblable à un prêt immobilier, très excitant au début, pénible sur la longueur. Oui mais sauf que. Breaking news. A la guitare, on retrouve un certain Nile Rodgers, autant connu pour ses succès avec Chic que pour son hold-up patrimonial sur le « Random Access Memories » des Daft Punk (tiens tiens).
Si le gratteux funky à dreadlocks est présent – de façon presque inaudible – sur le titre, c’est parce que dixit la bio Bree se rendit compte, au moment d’enregistrer ses démos, qu’une certaine esthétique 80’s s’en dégageait. Ni une, ni deux, Rodgers est convoqué par email et boum : Rodgers accepte. Également présent sur un autre titre qui fait étonnamment à du John Maus exotique (Miss You), le guitariste au poignet en plastique ne suffit pas à relever le niveau average de cet album où l’on guettera, en vain, un Let’s dance.
Un son mou du genou
Pas vraiment bon ni véritablement mauvais, « Pre-code Hollywood » est somme toute un mauvais film avec de bons acteurs ; le problème étant qu’il est impossible de l’écouter sans avoir l’impression d’avoir déjà vu et entendu cette histoire. Un disque à l’image de la pochette, pas fini, avec de bons moments (You are the man) mais où l’originalité bégaye et se prend les pieds dans le tapis temporel, coincé entre 1972 et 1983.
A empiler les vignettes et les clins d’oeil, tantôt à Beck pastichant Gainsbourg (Epicurean), tant Depeche Mode reprenant les Smiths (We’ll all be forgotten), on finit par s’interroger : qui se cache vraiment derrière le masque de Jonathan Bree ? Et a-t-on encore vraiment envie d’entendre des « basses gainsbouriennes » en 2023 ? Et existe-t-il une survie artistique après le succès, quand on est monté trop haut ? Autant de questions auxquelles « Pre-code Hollywood » répond sans vraiment rien dire de notable, et ce alors même que Thomas Bangalter, pour revenir à lui, a finalement décidé de sortir de son anonymat facial pour sauver son identité. Dans le cas de Bree, à force ne pas voir son visage, on finit hélas par en oublier les chansons.
Jonathan Bree // Pre-Code Hollywood // Lil’ Chief Records
4 commentaires
mr le president envoyez les aux chatons
il bree!
Gonzai a choppé du cérumen dans les esgourdes !
Critique à chier, l’album est une orfèvrerie, songwritting, production, interprétation, cohérence, une direction artistique monstrueuse. Ne lisez pas ce torchon au-dessus et foncez !