Grand habitué des échappées belles depuis l’invention de l’ADSL, Rubin Steiner revient au cœur d’un été caniculaire avec un album récréatif à écouter comme un entre-deux discographique où l’exotica planante concoctée au shaker avec The Dictaphone devrait redonner des couleurs à celles et ceux que la plage et les culs mal bronzés dépriment au point de rêver boire des cocktails en open space en écoutant Les Baxter. 

La longévité, quand on est artiste, est un art difficile. Il y a l’option Strokes, consistant à creuser le même sillon au risque de finir par rayer le parquet. Et puis il y a le cas Rubin Steiner ; dont la discographie bordélique retourne tantôt à un éternel retournement de veste, tantôt à une série de virages dignes du grand prix de Monaco. Electro-jazz à ses débuts, dans la lignée de St Germain, puis rapidement qualifié de « James Murphy français » avant de lâcher la branche pour se raccrocher à un side project kraut (Drame) ou à un concept album pas vraiment sponsorisé par EDF (« Vive l’électricité de la pensée humaine »), le bougre incapable de se poser sur une seule case semble avoir passé sa vie à sauter d’un genre à l’autre ; et c’est précisément ce sens du mouvement qui lui permet, à l’approche de la cinquantaine, de jouer avec le formol comme d’autres avec la pâte à modeler.

Dernière loufoquerie en date : « Banananas », un disque dans la droite lignée de l’exotica historique, composé à quatre mains avec l’autre garçon hyperactif nommé Jérémie Morin, à la fois batteur de Rubin dans Drame mais surtout leader autoproclamé de The Dictaphone. Difficile de les taxer d’opportunisme tant le genre a perdu de sa superbe depuis les années 50 et les soirées de « sambassadeurs » où le marimba vibrait si fort qu’il donna naissance à un autre sous-genre, l’easy listening, ancêtre de la musique ambient pour bureaux d’entreprise. Mais l’on s’égare. Car si « Banananas » s’avère taillé pour l’été et ce difficile moment où il faut rêver ses vacances sur TripAdvisor, AirBnB et autres plateformes où le fantasme des cocotiers rapidement s’estompe au profit de meubles Ikea mal vissés par des gens qui écoutent Sting en cachette, c’est justement parce qu’il ne promet rien d’autre qu’un hommage, à la fois fidèle et léger, à ce genre qu’est l’exotica.

Celles et ceux capables de se transporter sur une plage déserte avec crapauds et tiki bar rien qu’en écoutant le fantastique « Eden’s Island » d’Eden Ahbez en seront pour leurs frais. Taquin et instrumental, le disque n’a pas d’autre prétention que de ressusciter l’esprit de Martin Denny ou Arthur Lyman, et la grosse banane, moins underground que velvet, d’offrir un voyage à travers le temps, sans guide trop bavard ou touristes occupés à prendre des photos des bongos. « Un disque idéal pour accompagner vos siestes estivales ou voyager à moindre frais dans des îles imaginaires aux plages paradisiaques », dit la brochure. Contrairement à celles du Club Med ou de tout autre club low-cost, la promesse est tenue avec, ça et là, quelques blagues de puristes comme ce coup de coude wink wink au Bolero de Ravel sur le bien nommé Boléro, et dont Les Baxter aimait à se réclamer au moment où il inventa l’exotica avec son disque « Ritual of the savage », voilà pile 70 ans.

Que faire, après ça ? Certainement allez dire bonne nuit à son copain Wilson le ballon sur l’ile déserte où l’on atterri par mégarde, ou partir faire une partie de cache-cache avec Vendredi en attendant que l’Humanité ne vous retrouver au fond de la forêt en train de danser comme un zouave au son de cette « Banananas » sur laquelle on glisse très facilement.

Rubin Steiner & The Dictaphone // Banananas // Platinum Records
https://rubinsteiner.bandcamp.com/album/rubin-steiner-the-dictaphone-banananas

7 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages