Les meilleures histoires de groupes, comme les blagues, sont souvent les plus courtes. En deux disques, Poni Hoax aurait pu tout dire, tout écrire, tout envoyer valdinguer puis retourner à l’anonymat qui guette chaque rockeur français hésitant trop longtemps entre la posture de l’artiste maudit et l’intermittence. Mais avec Poni Hoax, tout est toujours compliqué. A l’image de ce troisième disque qui sort finalement après cinq années de long silence, accompagné d’une ferveur médiatique miraculeuse quand on connaît la capacité des journalistes rock à désaimer aussi vite qu’ils s’esquintent le poignet sur des futilités sans avenir.
Auréolé ici même par une longue chronique qui voyait Nicolas Ker transformé en héros rohmerien pissant de la copie comme des futs de bière, Poni Hoax livre aujourd’hui son « State of War » comme on déballerait ses roubignoles sur la table de la salle à manger. Sans ambages ni finesse, à l’image d’un groupe désormais réputé pour ses frasques et sa capacité à s’auto-détruire en permanence. La meilleure preuve de cette constance dans l’inconstance reste encore la genèse de ce « State of War », débutée en 2008 alors même que le groupe vient de publier, avec un certain succès, son deuxième disque « Images of Sigrid ». Salué par les branchés et la critique, vendu à presque 15.000 exemplaires sans que le groupe ait eu à se foutre une plume dans le cul pour séduire la ménagère, ledit disque doit alors apporter la consécration à ce groupe qui, gourmand de reconnaissance, décide alors de claquer la porte de son petit label Tigersushi. Alors que les propositions de majors se font encore attendre, un certain Renaud Letang [célèbre producteur remarqué pour son « travail d’orfèvre » auprès de Manu Chao, Emilie Simon ou Gonzales, autant dire que le bonhomme a le plus grand mal à distinguer un accordeur d’une clef de douze] décide alors de prendre les jeunes fougueux sous son aile, bien décidé à les faire s(a)igner dans l’une des trois grandes majors françaises. Fin des années 2000, et après plusieurs maquettes de « State of War » réalisées dans la souffrance, le producteur improvisé manager croit tenir son affaire quand Sony manifeste un intérêt certain pour les incontrôlables. Un concert de signature s’organise à la Flèche d’or, tout ce petit monde bien occupé à sabler le champagne pendant que Nicolas Ker, échauffé par l’été qui s’annonce, annonce à l’audience en costume « qu’il fait chaud, sale temps pour les gros ». Premier malaise chez les cols blancs. C’est à dire que signer Poni Hoax, ce n’est pas vraiment comme acheter du Coca Zéro. Chez le groupe fondé en 2001, les bulles remontent toujours à la surface et le vomi avec. Victimes d’un étrange imbroglio interne qui les voit mêlés à une lutte de pouvoir parce que le chef de projet de chez Sony cité plus haut aurait complètement foiré la sortie de l’album de Yannick Noah [on parle de 700.000 ventes au lieu du million espéré, voyez comme l’industrie du disque a les oreilles en face des trous] et que bon maintenant Lolo faudrait voir à arrêter les conneries, si tu signes Poni Hoax tu prends la porte, les Poni Hoax se retrouvent sur le carreau. Sur le sentier de la gloriole, le groupe semble alors s’être trompé de chemin. Retour à la case du faux départ.
C’est dans ce contexte que « State of War » voit le jour, quelques années plus tard et dans une autre décennie. Entre temps, chaque membre ou presque de Poni Hoax a eu des enfants avec d’autres compagnes, façon de dire que la constellation de projets parallèles de chacun des membres a presque fini par éclipser ce troisième disque que, pour être honnête, plus personne n’attendait. De Limousine à Paris en passant par Aladdin ou Viva & The Diva, chaque membre des Poni Hoax a fini par noyer son chagrin dans d’autres verres un peu moins vides ; et jusqu’à la signature inespérée du groupe chez Pan European l’année dernière, personne ou presque n’y trouvait rien à redire. On s’était pour ainsi dire habitué à cette absence. Sauf que non. Portés par une inébranlable foi en l’absurde, les Jean-Foutre du rock français ont finalement trouvé en la personne d’Arthur Peschaud, patron de Pan European, la figure du Saint Sauveur permettant à Nicolas Ker d’éructer des choses incompréhensibles sur l’amour, Charles Manson et le boum des obus sur un Paris postmoderne en flammes.
Que dire de ce « State of War », si ce n’est qu’il est déroutant ? Initialement composé comme une thérapie à la propre histoire du chanteur ayant grandi dans le Cambodge en guerre, le troisième disque de Poni Hoax chante en réalité l’état de siège qui vivra le groupe encerclé, pendant plus de cinq ans, seul ou presque dans une France qui ne veux plus d’eux. Certainement un peu piqué au vif par tant de dédain, Poni Hoax imagine alors un disque ambitieux et grandiloquent, démesurément pop et délesté de son pathos, loin des batifolades de cimetières telles qu’on pouvait les entendre sur le premier album, publié en 2006. Est-ce vraiment Poni Hoax qu’on entend sur Leaving Home Again, en train de chanter l’espoir lumineux et la sortie du tunnel avec des pédales d’effets empruntées à U2 et des chœurs féminins à la Frederick Goldman Jones ? S’agit-il vraiment du même groupe qui collait en 2007 une grosse déprime à toute l’Europe avec son single Budapest, anxiogène à souhait ? A l’évidence, oui. Dans l’intervalle, et pendant ces cinq ans de tergiversations, le groupe a donné plus de 500 concerts, écumé salles glauques et gros festivals, parcouru le monde entier et s’est finalement résolu à admettre que oui, les meilleures blagues étaient les plus courtes. Transformé par la colère en tank Panzer démolissant tout sur son passage, les mélodies comme la finesse, Poni Hoax ressemble aujourd’hui à Gulliver, grosse machine amplifiée pour ne pas dire mainstream, perdue au royaume des petites choses indie. Sur « State of War », on entend parfois des démos mal fignolées, un Nicolas Ker fulgurant par endroits et approximatif l’instant d’après, des morceaux produits avec des moufles, un batteur (Vincent Taeger) qui désormais frappe mécaniquement comme un ouvrier sur sa machine outil, un riff de piano sur Blood & Soda qui fait étonnamment penser à du Claude François d’outre tombe ; en bref des envies de grandeur qui riment surtout avec glandeur. Aussi ambitieux soit-il, le disque qu’on tient aujourd’hui entre les mains est parsemé d’imperfections, c’est un disque bancal qui donne l’impression d’être devenue une galette gondolée a force d’avoir voulu rentrer dans le moule sans vouloir en accepter les contraintes. L’enfer des grosses productions françaises composé avec une honnêteté sans faille, certes, mais l’enfer des grosses productions quand même.
A 24H de l’interview planifiée avec le groupe pour discuter de cet étonnant changement de cap, je m’interroge sur la posture à adopter. Faut-il, comme c’est de bon aloi en de telles circonstances, mettre un mouchoir sur les doutes ou, au contraire émettre des réserves sur ce qui ressemble à un grand ravalement de façade ? Comme l’avouera plus tard Laurent Bardainne, co-compositeur du groupe aux cotés de Nicolas Ker, « le sulfureux s’est aujourd’hui dilué dans le professionnalisme » et Poni Hoax ressemble désormais davantage à une machine de guerre qu’à un joujou pour hipsters. Qui pourrait les en blâmer ?
Entre temps, Bowie et Depeche Mode sont ressortis du placard, avec pour les premiers un excellent disque de rock stadium, et dans l’autre le souvenir formol d’un siècle révolu avec des refrains qui rampent tels des zombies pour éviter l’hospice. Bref, tout cela ne nous rendra pas l’Alsace et la Lorraine, pas plus que le retour en grâce des mentors de Poni Hoax ne permettra à ces derniers d’éviter de sonner comme du François Feldman tombé par hasard sur une réédition d’Alain Kan. Entre variété française et insurrection, de Michel Berger à Jim Morrison, c’est surtout l’histoire d’une guerre dont personne ne sort indemne.
L’histoire de « State of War » est pour le moins compliquée [Nicolas acquiesce lourdement] et du coup je me demande si certaines choses doivent rester off, dans la façon dont est né le disque.
Nicolas Ker : C’est même pas ça, c’est juste qu’on s’en fout.
Laurent Bardainne : C’est surtout qu’on n’est pas les seuls à avoir fait parti d’enjeux qui nous dépassent et qui sont complètement extra-musicaux… Ca a été beaucoup de galères, et quand le temps est élastique, il peut devenir encore plus élastique, une semaine peut devenir six mois, un mois, quatre ans.
Nicolas : Moi ce qui m’énervait c’est que le disque sortait pas, surtout.
Vous êtes-vous senti, à un moment, en état de guerre, pour faire écho au titre du disque ?
Laurent Bardainne : « State of War », pour moi c’est devenu beaucoup plus qu’une thématique d’album, c’est devenu un combat permanent, prendre des décisions, se séparer de gens avec qui tu travailles, de se faire larguer par des gens avec qui tu bosses, de casser des trucs, de sentir des choses injustes… Prendre des décisions, à un moment ça s’est apparenté à une stratégie de guerre.
Ce disque est longtemps resté dans les tiroirs, depuis combien de temps est-il en l’état, tel qu’on l’entend aujourd’hui ?
Nicolas Ker : On l’a fait en aout… euh [Laurent le coupe]
Laurent Bardainne : … On l’a réenregistré trois fois.
Nicolas Ker : En fait sur cet album y’a 35 chansons, et au final y’en a que 10, qu’Arthur [de Pan European] a choisi. La première version de « State of War », elle a été maquettée par Laurent et moi en aout 2008, quatre mois seulement après la sortie de « Images of Sigrid ». A cette époque, toutes les chansons parlaient clairement de la guerre. Et puis après on s’est tellement perdu à trouver une maison de disque, blah blah, que pour survivre, pour pas devenir fou, on a fait plein d’autres chansons qui n’avaient rien à voir. Très vite, j’ai épuisé le sujet de la guerre, je savais plus de quoi parler, du coup je parlais de mon chat, ah ah. Trente cinq chansons sur la guerre, bon… Dans la version finale, y’a plus de chansons sur la guerre. Le véritable état de guerre, comme dit Laurent, c’est surtout lié à la conception du disque.
Laurent Bardainne : C’est surtout plus riche comme ça, à travers l’état de guerre des histoires d’amour de Nico, que littéral, à parler des bombardements…
C’est vrai que j’ai du mal à imaginer Nicolas en train de chanter la guerre au Mali…
Nicolas Ker : Ah non. Si je te montrais ce que j’ai écrit sur les dictateurs, c’est hyper classe.
Laurent Bardainne : Comme ton projet d’hommage à Leo Ferré [il commence à chanter avec l’accent bêlant de Ferré : « Viens, la metallurrrrgie…. »].
Nicolas Ker : Nan nan je l’ai viré ce projet.
Bon, revenons à « Images of Sigrid ». Quand vous sortez ce deuxième disque en aout 2008, et qu’il se vend bien, avez-vous déjà le sentiment qu’il faut grandir sortir de la niche indé’ ?
Nicolas Ker : Non, pas moi…
Laurent Bardainne : Oui alors clairement au sein du groupe on avait envie de quitter Tigersushi, voir les autres proposition pour pas partir comme ça, sans rien. On s’est vite rendu compte qu’en fait ça allait être compliqué de euh, bosser dans l’industrie des majors… Enfin on s’est pas vite rendu compte, on s’est laissé trimballer assez longtemps. Entre temps, on a enregistré un album au studio Pigalle, après on s’est retrouvé en studio avec un autre producteur… je sais pas si on le cite ou pas…
Nicolas Ker : Non, on le cite pas.
Laurent Bardainne : Bref le producteur nous a pris sous sa houlette mais le tout a pris beaucoup trop de temps.
Qui a produit le disque au final ?
Laurent Bardainne : C’est nous, avec l’aide de Vincent Taurelle [réalisateur et arrangeur, Vincent a collaboré avec Air, Oxmo Puccino, Alain Souchon, Lhasa, Charlotte Gainsbourg].
Nicolas Ker : Il a fait de super trucs pour les prises, mais je crois pas qu’on puisse dire que c’est le producteur, c’est surtout Poni Hoax et Vincent Taurelle.
Donc vous êtes resté maitres de votre album, pour résumer. Au moment où vous quittez Tigersushi, il y a déjà l’envie d’un son plus ample, plus ouvert ?
Laurent Bardainne : Ah ouais ouais ouais, carrément.
C’est précisément ce que je n’aime pas dans ce disque. L’esprit indie s’est complètement perdu, du moins de mon point de vue de fan taliban qui ne chérit que les disques qui se vendent à 50 copies.
Laurent Bardainne : Dès 2008, avec Nico on était là à vouloir composer des trucs genre Young Americans, pour contrer le coté shiny de « State of War »…
Nicolas : Ouais non c’est même pas shiny, moi je voulais le son hyper mainstream de « Ghost in the machine » de Police…
Ou le coté Bowie de « Young Americans »…
Nicolas Ker : Ah mais non, Bowie c’est trop indé’, c’est trop classe.
Ah ouais… tu voulais vraiment devenir mainstream ?
Nicolas Ker : Non, pas mainstream. Bowie, c’est ultra élégant ; moi j’avais envie qu’on sorte de l’élégance. Un truc complètement overground, la différence entre Oui FM et RTL. Tu fous pas « Station to Station » sur RTL, par contre t’entends Every breathe you take.
Laurent Bardainne : En terme de production et de son, on voulait pas faire un énième truc rock électro 80’s coldwave, parce que je sais bien que tous les trucs qui vont sortir et ressembler un peu à ça vont sonner terriblement has been.
Le but était donc d’éviter un Budapest bis.
Laurent Bardainne : Voilà, exactement. Faire ça une troisième fois, pour moi c’était de la connerie.
Je me souviens de votre concert au Point Ephémère à Paris, en juin dernier. A un moment, vous avez joué She’s on the radio, et j’ai senti un mouvement de foule, du genre « ah on connaît ce titre c’est génial », on sentait presque la nostalgie. A un moment, après dix ans de carrière, avez-vous peur d’être perçu comme le groupe connu d’une certaine population, pour un titre composé voilà déjà huit ans ?
Laurent Bardainne : Moi j’en n’ai rien à foutre.
Nicolas Ker : Moi non plus. Je ne pense pas à ce qu’il y a derrière, pas deux secondes. C’est hyper simple de faire un truc « indé », je te le fais en deux secondes aussi.
Laurent : Le prochain [disque], ce sera peut-être de la viole de gambe et du djembé…
Ouais ouais, c’est ça.
Nicolas Ker : D’ailleurs j’ai un scoop pour toi, c’est le nom du prochain album : « The Secret World ».
Ce sera quoi le concept ?
Laurent Bardainne : Viole de gambe, djembé et, euh, voix. Ah ah ah.
Mettons de coté l’aspect commercial et le procès d’intention consistant à croire qu’avec « State of War » vous voulez vendre plus de disques. Ce disque, c’est une prise de risque pour Poni Hoax ?
Nicolas Ker : C’est pas une prise de risque, c’est juste qu’on l’a fait comme ça. C’est comm’si, comm’si… c’était un film d’horreur. Et voilà, tu fais du Police.
Refaire ce disque encore et encore, c’est justement un peu comme refaire des prises de film pour arriver au film qu’on aimerait voir. Compliqué, nan ?
Nicolas Ker : Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? On a fait « The Soft Parade » des Doors, on a grandi.
Il a été éprouvant ce disque, à réaliser ?
Nicolas Ker : Ca s’est fait dans la douleur, mais pas pour des raisons artistiques. Dans la douleur, parce qu’on a losé pendant cinq ans. Enfin j’sais pas ce qu’on foutait quoi… J’arrive même pas à savoir ce qu’on a fait.
Laurent Bardainne : Si tu fais une paraphrase de ce que tu as fait avant, pour moi tu te négliges. Là on avait envie d’un autre truc et bon…
Ca vous semble logique que des fans de la première heure, comme moi, aime moins ce disque.
Nicolas Ker : Baaaaah… ça me semble logique, aussi logique que le fait que d’autres préfèrent ce disque. En tout cas, on l’a pas fait dans un but vénal, on n’en a rien à cirer.
A quel moment avez-vous pensé que Poni Hoax n’arriverait pas à se relever ?
Les deux (unanimes) : Jamais.
C’est tout de même paradoxal que votre disque le plus accessible sorte finalement chez Pan European, pas réputé pour écouler des millions de disques à la Fnac.
Nicolas Ker : Oui mais si ça se trouve, on va complètement se refermer. Si ça se trouve, le prochain ce sera du free jazz ultra violent et ce sera White Light White Heat, on n’en sait rien.
Laurent Bardainne : Au moins on n’aura pas la pression des maisons de disque. J’ai d’autres groupes de potes où c’est un peu le contraire, les gars ont commencé avec des groupes très pop où il faisaient de la gymtonic, tout ça, et puis ça s’est compliqué quand ils ont voulu aller vers des choses plus profondes.
Vous êtes affranchis du système, au bout du compte ?
Nicolas Ker : Mais on l’a toujours été, le seul truc chiant c’est qu’on n’a pas d’argent.
Laurent Bardainne : L’expérience d’avoir bossé avec un producteur qui ne te laissait pas écouter les bandes, pour moi c’était complètement abscons comme concept ; y’avait aucun intérêt à aller en studio pour enregistrer, sans pouvoir en profiter. Jamais je ne laisserai aller ce groupe dans une direction où on ne contrôle pas ce qu’on fait.
Toute notre discussion autour du mainstream, je le précise, n’a pas vocation à ramener Poni Hoax à l’argument financier. Je m’interroge simplement sur votre conception du grand public, puisque cet album a pour ambition de sortir le groupe du ghetto indie.
Nicolas Ker : On ne dit pas qu’on est devenus mainstream, le mainstream c’est Nirvana par exemple. Par contre, j’ai à un moment été fasciné par une tentative d’un son mainstream.
Laurent Bardainne : Un vrai big sound à la Phil Collins avec des pianos électriques, ça peut être une expérience qu’on tentera un jour, moi ça me plairait vraiment.
Nicolas Ker : Moi je trouve qu’on l’a déjà fait pas mal avec « State of War ».
Plus que les chansons, les refrains, c’est la production clinquante qui détonne, quand on connaît le groupe.
Laurent Bardainne : Le mix du disque, c’est un mec de Bot’Ox. Toi tu parles de mainstream, pour moi c’est de l’indé qui fait du mainstream. Au moment du premier disque de Poni Hoax, moi je sortais du free jazz, j’avais l’impression de faire du Madonna. Et pour le deuxième, du Mickael Jackson…
Nicolas Ker : Pour moi, « State of War » c’est un son, le son de Duran Duran, le son de Police qui enregistre au Caire. Ca veut pas dire que c’est forcément radiophonique. (…) Pour ce disque, on pouvait vraiment faire ce qu’on voulait ; Arthur nous a payé les studios, on aurait pu faire du noise et du Merzbow, Laurent aurait pris son saxophone pour faire du Albert Ayler, personne nous demandait rien. Ca s’est fait comme ça.
Comment vit-on la schizophrénie artistique qu’est Poni Hoax avec tout ses groupes dérivés ? Il y a, en vrac, Limousine, Paris, Aladdin, Viva & the Diva…
Nicolas Ker : C’est très simple. Voilà environ deux ans, Poni Hoax était en résidence à Marseille, on se retrouve alors dans une salle avec 500 personnes, peut-être un peu moins. Quatre mois après, je passe avec Paris, 8 personnes dans la salle. Voilà. Mais je m’en fous. Laurent dit que ses albums sont ses enfants, je comprends très bien. Pour moi, ce sont mes groupes qui sont mes enfants. Là tu vois par exemple, Aladdin il est mal en point, il est sous chimio, ah ah ah ! Et Poni Hoax, c’est vraiment le plus relou’ de mes gosses, c’est l’enfant à problème, et en même temps c’est le plus brillant !
Avec votre moyenne d’âge autour de 38 ans, comment voyez-vous le jeunisme qui a, de tout temps, imposé une quasi dictature dans le milieu du rock ?
Nicolas : Ca n’existe pas le jeunisme, c’est fabriqué par les médias. Si tu regardes les groupes qui marchent, ils sont TOUS vieux, arrête tes conneries. Morrissey par exemple, ou les têtes d’affiche des festivals, ils ont tous 60 ans ! Tu dis n’importe quoi ! Tous les trucs qui marchent, ce sont des vieux. Depeche Mode, tu crois qu’ils ont quel âge ? Ils sont plus vieux que nous ! Damon Albarn, il est plus âgé que Laurent Bardainne, AHAHAHAHAHAH [rire sardonique à la Fantomas dont Nicolas Ker a le secret, après trois pintes]
Néanmoins, le bruit court que vous n’avez pas réussi à terminer votre concert, pour la soirée anniversaire des cinq ans de Pan European.
Nicolas Ker : Mais non, c’est moi. J’ai commencé par jouer tout seul mes chansons, et puis j’en ai eu ras le bol, j’ai posé la guitare et je me suis barré. (…) D’ailleurs, scoop, j’ai réservé pendant huit jours une chambre au Prieuré Saint Benoît, à Montmartre, pour écrire mon livre, A l’ombre de dieu. Retraite spirituelle, mec.
C’est prévu pour quand ?
Nicolas Ker : Bah là il faut d’abord que j’ai les thunes. Parce que ça coute quand même de l’argent…
Oui donc, ta retraite spirituelle c’est encore un fantasme. Ca fait tout de même cinq ans que, d’une façon ou d’une autre, tu sors un disque tous les ans.
Nicolas Ker : Des disques j’en sors 3 par an…
Que reste-t-il du Cambodge, dans ce disque ? Initialement, ce disque devait aussi être une thérapie pour Nicolas, originaire de là bas, mais qui n’y est jamais retourné depuis l’enfance. Sans parler de tous les souvenirs de guerre qui vont avec…
Laurent : La thérapie est en cours…
Nicolas : Je sais pas si j’ai trop envie, en fait. Regarde dans les abysses, et l’abysse regarde en toi. Laurent m’a un peu penché là tête là dedans et… ça m’a rendu dingue.
Laurent : Je lui ai même ramené des fleurs séchées de sa maison. Parce que j’ai réussi à retrouver sa maison !
Nicolas : Ca fait 37 ans que j’y suis pas retourné.
Laurent : C’était l’été dernier, je jouais avec Limousine au Cambodge, c’est comme ça que je l’ai retrouvé. Tu vas voir Nico, on va y retourner ensemble.
Nicolas Ker : Ca me rend fou cette histoire.
Je me permets de vous parler de ça, car les origines cambodgiennes de Nicolas sont clairement expliquées dans la biographie qui accompagne votre disque. Que retrouve-t-on de cette histoire personnelle dans le disque ?
Nicolas Ker : Rien.
Laurent Bardainne : Le titre The Word.
Nicolas Ker : Mais non, arrête tes conneries !
Laurent Bardainne : Life in new motion.
Nicolas Ker : Oui, ça c’est vrai.
Peut-être aussi le morceau Leaving home again, non ?
Laurent Bardainne : Ca c’est autre chose, c’est Nico qui avait peur que je me casse.
Nicolas Ker : J’avais pas peur, j’en avais ras le bol de l’occident, j’en pouvais plus de me faire chier pour rien
Laurent Bardainne : Moi aussi j’ai vraiment failli me casser en Asie. Parce que ma femme vivait là bas, et que je… Poni c’était en stand-by quand même. [A part ça le groupe n’a jamais eu peur de splitter, bah tiens].
Laurent, tu parlais tout à l’heure du refus de refaire la même chose sur « State of War » que précédemment sur d’autres disques. On retrouve quand même sur cet album des sonorités très 80’s, notamment et surtout dans l’utilisation des synthés.
Laurent Bardainne : Ouais c’est vrai.
Nicolas Ker : NAN MAIS LÀ TU TE TROMPES SUR UN TRUC, MEC. Bon, je vais te dire un truc. Quand je suis arrivé dans le groupe, pour le premier album, Laurent connaissait même pas Joy Division ! A l’époque, il écoutait Michel Berger et Albert Ayler !
Du coup, tout s’explique. Je comprends mieux pourquoi un titre comme Blood & Soda me donne l’impression d’écouter du Claude François.
Laurent Bardainne : Ca, c’est mon espère de coming out. C’était d’ailleurs la même chose sur Antibodies.
Nicolas Ker : Faut dire qu’on n’a pas du tout les mêmes références musicales, Laurent et Arthur [de Pan European], Laurent Voulzy ils en peuvent plus ! Moi je trouve ça horrible ! Moi j’écoute les Warlocks et le Brian Jonestown Massacre, c’est comme ça mec, AH AH AH ! Heureusement que moi je chante comme Jim Morrison, sinon ce serait infernal, AH AH AH !
Laurent Bardainne [un peu piqué au vif] : Daniel Balavoine c’est vachement bien. Je suis sûr que s’il chantait en Anglais, tu serais fan.
Nicolas Ker : Arrête tes conneries… Y’a quelqu’un que j’adore en France, c’est Mylène Farmer. Les mélodies qu’elle fait, elles sont HYPER belles, même quand c’est de l’eurodance de merde .
La synthèse de vos gouts, ce qu’on retrouve sur « State of War », c’est donc la rencontre entre Michel Berger et Jim Morrison.
Nicolas Ker : Oui. Et les Bee Gees aussi.
Laurent Bardainne : Michel Berger il était à la pointe au tout début. Une espèce de grooveur, de la pré french touch en fait.
Nicolas Ker : Putain arrête, c’est horrible. Je ne suis pas solidaire de ces propos.
Vous avez donc écrit un album de variété française, mais chanté en Anglais.
Laurent Bardainne : Ouais ouais ouais.
Nicolas Ker : Oui, et en même temps je ne chante pas comme un chanteur de variété. A une époque, et comme on galérait, Laurent et moi on a fait des chansons en Français, juste tous les deux, pour des gens comme Sylvie Vartan, Garou, Julien Doré. Et c’était vraiment intéressant.
Laurent Bardainne : Ouais mais elles ont toutes été refusées…
Nicolas Ker : Mais c’était notre vérité. C’était même pas de la variété, c’était plus chelou.
Laurent Bardainne : Ecoute le morceau There’s nothing left for you here et met la voix de Daniel Balavoine à la place de la voix de Nico, ça marche.
Nicolas Ker : Sauf qu’il lui manque le coté blues.
Laurent Bardainne : Pour moi qui suis né avec les radios libres, La groupie du pianiste c’était hyper fort.
Nicolas Ker : Tout ça c’est des conneries. Les trois premiers disques que j’ai acheté quand j’avais 8 ans, c’était un disque des Ramones, « Hello Century », un autre de Nina Hagen auquel j’ai rien compris, « NunSexMonkRock », et le troisième c’était « Mob Rules » de Black Sabbath.
Que reste-t-il de ce sentiment guerrier, maintenant que « State of War » est sorti ?
Nicolas Ker : Cinq ans de galères.
Laurent Bardainne : Et puis maintenant qu’on a un super tourneur, on va pouvoir partir en tournée avec des lumières, un spectacle, des super décors.
Nicolas Ker : Ca va être Apocalypse Now sur chaque date. Avec des grosses lumières, du napalm dans la salle.
Quand on connaît ton histoire, ton enfance au Cambodge, c’est pas un traumatisant de vouloir revivre ce traumatisme sur scène ?
Nicolas Ker : C’est un spectacle.
Laurent Bardainne : Ce sera un show militaire [Nicolas imite le bruit des mitraillettes avec un rire satanique].
La guerre au Mali, vous êtes pour ou contre ?
Nicolas Ker : Je suis pour.
Laurent Bardainne : J’adore.
Le sentiment de guerre, c’est quelque chose qui vous inspire ?
Nicolas Ker : Non. Je l’ai vécu et mon père était complètement obsédé par ça, lui il l’a vraiment vécu la guerre au Cambodge, ça le faisait bander. Les deux personnes que je connaisse qui soient littéralement et sexuellement obsédés par la guerre, c’est mon père et Laurent.
Laurent Bardainne : Esthétiquement, ça me fascine.
Poni Hoax // State of War // Pan European
https://www.facebook.com/PoniHoax
14 commentaires
Les requins : » Il y a un coté punk qui nous unit tous ». AH AH AH AH
je veux bien 35000 signes mais au moins 34000 sans erreurs sinon tu passes pour un ducon la bite en fleur non?
C’est vrai que c’est déjà le printemps (pour les fleurs) mais je me tiens à ta dispo pour correction des éventuelles conneries écrites.
« Les trois premiers disques que j’ai acheté quand j’avais 8 ans, c’était un disque des Ramones, « Hello Century », un autre de Nina Hagen auquel j’ai rien compris, « NunSexMonkRock », et le troisième c’était « Mob Rules » de Black Sabbath. » : il avait payé par chèque ou par carte bleue ?
NunSexMonkRock ? Faut écouter ça .
Antiworld vs Antibodies : http://www.youtube.com/watch?v=xi5qXSRHrPQ
« une percée en terrain ennemi » : arf, considérer l’éventuelle ascension vers un plus grand public comme une trahison, il démarre bien ce papier…
sylvain
http://www.parlhot.com
C’est un pur papier, j’y apprends plus sur ces zigotos que dans tous les autres papiers que vous avez pondus sur eux. On y voit tout : l’infernale dualité, l’adulescence forcenée. Cette naïveté conservée malgré l’aventure me fascine, il faut vraiment être taré… et mordus. Le « terrain ennemi » n’est probablement qu’un clin d’œil à la posture presque caricaturale de Nicolas cher Sylvain. En tout cas c’est du vrai Poni Hoax, et ce n’est pas si dégueu, je les préfère comme ça, en pleine lumière.
Oui, belle itw in fine, et je les préfère aussi comme ça, « en pleine lumière ».
bien décevant cet album
vu hier en concert c’était vraiment pas glorieux, Nicola Kaer a vraiment besoin d’un bon cours de chant, et d’apprendre à respecter les gens avec qui ils bossent. Qu’on arrete de se branler la nouille avec Nicola Kaer c’est insupportable . On a tous bien écouter leur dernier titre ou c’est moi qui est de la merde dans les oreilles?
http://www.youtube.com/watch?v=cUEjcvGHRVg
‘( BORN 2 LOOK )
croise fête de la biere Barcelona I pogo under some cheap drugs, & j’ai eu mon interview dans el globo car ils trouvaient que je dansait comme un gang gourou ?