Ici on reçoit des messages de détresse : ''Cher Gonzaï, impossible de passer ce disque en soirée, les danses se figent, les discussions cessent. Des têtes explosent, même. Je ne c

Ici on reçoit des messages de détresse :  »Cher Gonzaï, impossible de passer ce disque en soirée, les danses se figent, les discussions cessent. Des têtes explosent, même. Je ne comprends pas, il n’y a pas de chanteur ? Comment, mais comment faire pour écouter le nouveau Jaumet ?  » Forcément, dans un monde où la construction de fusées spatiales est une perte d’argent, Night Music semble n’avoir aucune chance.

Mais n’ayez crainte cher Roger, on va tout vous expliquer. En cette rentrée de classe technologique option français, Jaumet n’est pas nouveau. Alors qu’au premier rang il y aura certainement une nymphette pour fayotter auprès du prof en imitant Björk, il s’assied au fond. A coté, les deux Air révisent leur prochain exposé ou rêvent de vierges suicidées. Le petit Etienne, lui, est absorbé par ses expériences : il grave des équations sur la table, va mettre des mentos dans la bouteille de Coca de Married Monk ou distille la souche virale qui transformera le monde en Zombie Zombie. Il aime bien travailler seul mais pas pour appeler aux galipettes ni plaquer or et velours aux haut-parleurs de l’ascenseur. Donner des lettres de noblesse à la lounge music ne semble pas l’intéresser beaucoup.

Solo sur la pochette donc, mais produit par le Motor City Boy Carl Craig, un Nerd entre Frodon, Léonard Hofstadter et Conrad Schnitzler regarde vers le haut. Des étoiles, le faisceau d’une soucoupe volante, l’œil de Dieu ou le fantôme d’Einstein en lévitation, qui sait ce qu’on lui montre. La seule lecture des titres est une carte du ciel. Entropy / Mental Vortex / Through the Strata. Pas besoin d’ajuster la longueur des pistes pour garantir une cohérence. L’important ici est d’engourdir le chaos pour traverser les murs. En 20 :22 ou 3 :30.

Conçues comme une rampe mantra, la boucle tank et le BITbox vintage s’élèvent dans la répétition. Parfois on attendrait Popcorn que des mélodies fantômes se matérialisent, des signaux genre THX traversent au milieu des synthétiseurs, grésillant entre deux bruits bug ailés et chœur maniaque. Des mandolines et mélodies arabisantes surgissent comme des réminiscences en flash d’acoustique avant l’extension en jazz cosmique. Noyer de réverbération un saxophone dans la ferveur galactique, c’est de la physique quantique sonore. Parfois le moteur se coupe, la mécanique magique ralentit. L’espace à remplir révèle plus de dimensions que prévu. Les particules se multiplient, s’évadent et cela se gonfle, se tord puis se dilate indéfiniment en strates minimales.

 »Une vie nouvelle vous attend dans les colonies de l’espace »

Le titre de l’album préconise un usage nocturne. Personnellement je trouve ca trop facile. J’ai cherché d’autres pistes, mais en écoute sous hypnose, sortir de soi dans un costume en aluminium était ridicule. Non, à entendre Jaumet faire ses emplettes dans les supermarchés de la geekerie sonore, entre le rayon Megadrive et les étalages Space-Opera, je me dis qu’on tient peut-être une alternative.  Car après des millénaires de pyramides, de cathédrales et de temples mayas, on peut se demander si ce XXI siècle ne laissera derrière lui que zones commerciales périurbaines et perspectives évaporées, coulées il y a bien longtemps dans la laideur des cubes de béton et des plaques de tôles. Ces  »grandes surfaces » sont à part dans l’univers humain, derniers points de convergence sociale obligatoire. Night Music pourrait mieux se vivre en ce territoire collectif stérile.

PLAY. Je musarde entre les bières et les rouleaux de Sopalin, j’observe les trajectoires de ceux qui m’entourent. Banal. Superficiel. Artificiel. En les voyants concentrés sur leurs listes de courses, je me demande s’ils sont androïdes. A force d’essayer de deviner s’ils rêvent d’écrans plats ou de X-Box, je ne sais seulement s’ils rêvent. Sans le savoir, j’ai pris l’ascenseur. Taillé par Internet, ces sons de réseaux composent une partition virale pour ouvrir les vannes de l’imaginaire collectif. Les jambons se mettent à ressembler à Jabba le Hut, les yaourts se transforment en Blob et la caissière a la tête de Dark Vador. Promo choc au rayon X. A la courbe des sons naissent des tours de verre qui se superposent aux rayonnages. Je pousse mon caddie dans un New-York spatial et c’est Wipeout en X-Wing. Au plafond, les projections astrales des vigiles contemplent le remake de Tron. Jamais ô grand Jaumet, je n’avais vu ca. C’est beau comme un Tetris sous acide.

Je rentre, malade de cette bactérie qui ouvre mon clavier sans mérite. Mes mains pianotent seules et je scrute le ciel pour 44 :17 afin de mettre un mot là-dessus. Dans ces sons arides, ce n’est pas l’Epice musicale et la préscience qui nous attendent, mais quelques souvenirs. Retrofuturisme et la petite case qui monte à la bouche de chacun est léchée.

Oui, en 2010 nous serons tous rétrofuturistes.

C’est hype de fantasmer cet avenir qu’on nous montre depuis les pulps des années 30. Bientôt, perspective réjouissante comme un prolapsus, on se réveillera au Flore du coma germanopratin pour lire de la SF. Inventer Internet et l’I.A en songeant aux lendemains d’hier, avancer en technologie pour rattraper l’esthétique est la mission du siècle.

Les pieds dans l’époque mais la tête dans les lignes de fuite, Etienne Jaumet nous livre sa théorie des Korg. Jazz, Kraut, Electro, Synth-pop : Ouvrir le Velux pour la musique.

Un album satellite pour ne plus avoir peur du jour, voilà comment écouter Night Music, ce générateur d’entonnoir pour une sortie épique des consciences.

Fixez le pendule, pré-mutants, car vous êtes humains après tout.

Etienne Jaumet // Night Music // Vesatile

Photo: Sonia Koumskoff-Raissi

www.myspace.com/etiennejaumet

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