« Nous sommes quatre types avec des instruments, nous faisons de la vieille musique avec des chaussures neuves ». Cette phrase lapidaire balancée sur une page Bandcamp résume tout ce que nous saurons sur ce combo rock barcelonais qui pourrait désormais faire plus de buzz dans la blogosphère que l’autre catalan le plus célèbre de France lorsqu’il prend les vessies (de taureaux) pour des lanternes (de bodega).

Ca faisait longtemps qu’on avait pas parié un kopeck sur la péninsule pour faire sortir du bois un groupe de branleurs capable de botter des culs à coup de riffs de guitares ravageurs et de mélodies imparables. Les années 2000 avaient surtout mis à jour le génie pop espagnol d’Elefant Records et ses sorties improbables mélangeant sunshine pop, variétés du sud de l’Europe flirtant parfois avec l’italo-disco d’un goût douteux et electro lo-fi baroque pleine d’une naïveté rafraîchissante.

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Entre temps, Barcelone est devenue avec son immense festival Primavera un carrefour important des musiques pop, garage, électro en tout genre, détrônant au passage Bénicassim dans le cœur des défricheurs pas demandeurs d’une énième affiche faisant coexister les Stone Roses, Pulp, Kasabian, Goldfrapp et Hot Chip. Un peu plus pointu, Primavera a su redonner un coup de boost à l’envie de nouveautés des Espagnols mise à mal par ces décennies à subir les invasions des groupes anglais sur leurs plages de carte postale. Mais quid de leurs groupes locaux ? On avait du mal à comprendre qu’un public féru de tant de groupes de qualité, notamment dans l’univers garage, ne fasse émerger quelques pépites susceptibles de rivaliser de temps à autre avec les acteurs de cette scène en pleine effervescence. Et voici que débarquent ces jeunes Mujeres, pleins d’une fougue à faire pâlir les clones de Frantz Ferdinand fidélisant un public fatigué qu’on lui serve toujours le même gaspacho, et d’une aura comparable à celle des Black Lips au moment de leur explosion. Et pourtant les Mujeres avaient déjà gravé les esprits avec leur garage-rock bluesy très spontané au fil de démos, singles et autres cassettes depuis 2008. Leur album de qualité, « Soft Gems » sorti en 2012 manquait encore d’une énergie, d’un grain ou d’une créativité qui pouvait les hisser au niveau des meilleures productions, avec un son un peu lourd. C’est maintenant leur moment, avec l’album « Marathon » autoproduit et édité par Platinum Records.

L’album commence très fort avec le hit garage-punk Lose Control. Cette chanson fait renaître de ses cendres le phoenix stoogien ayant encore fait quelques apparitions au moment du premier album des Bass Drum of Death ou de certains morceaux de Fidlar, avec un petit supplément d’âme résidant dans l’efficacité mélodique de meilleures productions californiennes allant des Memories à Tijuana Panthers. Une basse très dynamique renforce la puissante section rythmique de Feels Dead et de nombreux autres morceaux et les chorus entraînent la tête la première dans des enchaînements mélodiques bien ficelés. Ajoutez à cela quelques breaks et debreaks inspirés, un petit côté romantique comme seuls savent nous le servir nos amis latinos, et voilà tout le charme du sud de Los Angeles.

Ce même charme qui nous fait comprendre que la Californie a de profondes racines espagnoles et que tout ce qui nous a toujours titillé dans ce garage-rock énergique baigné par le soleil et imprégné de mélodies prenantes ne vient pas de nulle part. Avec Mujeres, littéralement Femmes, les Espagnols prennent enfin leur place d’acteurs sur cette scène garage hyperactive. Peut-être parce qu’elles le valent bien.

https://mujeres.bandcamp.com/album/marathon

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