Le duo, formé par Quentin (du groupe Greyfell) et Adrian (de MNNQNS), revient avec un EP intitulé « Partout en France » qui carbure à la déprime et à la frustration afin d’évacuer un tas d’angoisses. Et essayer d’aller mieux, grâce à la musique comme une forme d’exutoire.
Du punk indus, du rock déprimant, de l’électronique chelou : vous pouvez qualifier la musique de Modern Men comme bon vous semble, mais ça n’enlèvera pas son effet à l’écoute, cette sensation d’avoir envie de frapper son voisin de table sans raison avec une batte. C’est extrême, mais ce côté primitif, voire animal, est aussi à la base de Modern Men, duo formé par Quentin et Adrian qui navigue sous terre, sous l’eau, dans les bas-fonds de la France profonde pour délivrer une musique qui fait écho à rien de bien réjouissant. Mais dont on a tous besoin. Et dont ils ont besoin pour s’en sortir. Pour sortir la tête de l’eau. Et pour sortir de cette misère ambiante sans envisager une reconversion dans les ressources humaines proposée par Pôle emploi à tous ceux qui ont un Bac STG et qui veulent réussir dans la musique en jouant devant 43 personnes tous les soirs.
Sur ce nouvel EP, accompagné ici d’un nouveau clip pour le titre Partout en France disponible en exclusivité mondiale sur Gonzaï, Modern Men régale. Un cocktail mixé au hachoir avec tout ce qu’ils avaient sous la main (des synthés crades, des mash-ups de sonorités étranges, du saxo, du vocoder, des guitares, un chant nerveux) à boire cul-sec, d’une traite, sans trop réfléchir. Forcément, ça se termine mal, mais c’est dans cette peine et cette douleur qu’on aime entendre Modern Men, l’un des duos les plus réjouissants quand tout va mal.
Bon, pourquoi c’est la même chose partout en France ?
Quentin : Il y a plusieurs niveaux de lecture pour cette chanson. Dans un premier temps, ça parle des gens qui viennent se plaindre en permanence de la ville dans laquelle ils habitent, qui déménagent et qui constatent que le problème continue de les suivre, sans pour autant se remettre en question. Dans un second temps, ça développe aussi notre petit concept de « France » : on a tous été marqué par le Covid et à quel point les institutions françaises se sont montrées intrusives. On le savait déjà, mais là il faut avouer que ça nous a fait bizarre. Cette tendance à l’uniformisation coûte que coûte, c’est un peu la ligne directrice de cet EP.
On estime avoir notre personnalité. C’est déjà pas mal et c’est le seul truc qui compte.
Quentin, avant de continuer, j’ai besoin de savoir : tu lis vraiment des manuels de synthés que tu ne possèdes pas ?
Alors ça, c’était surtout pendant mes études où j’étais un peu coincé dans une spiral « nerd ». En vrai, c’est hyper intéressant : c’est un peu comme regarder un documentaire Arte sur le parc national du Serengeti sauf que là, c’est un PDF. Et puis il faut remplacer les hippopotames et les gnous par des oscillateurs et des filtres.
Avec Modern Men, vous avez l’impression de suivre une sorte de tradition française de musique glauque (ASS, Ventre de Biche, Noir Boy George, Colombey, etc.) ou de vous en détacher ?
Avoir son propre style ce n’est pas possible ou alors ce n’est plus possible. Et c’est débile de le prétendre. On estime avoir notre personnalité. C’est déjà pas mal et c’est le seul truc qui compte. Après, les groupes que tu as cités, on ne les connaît pas très bien. Il me semble que ça chante en français, et effectivement, cette langue se prête bien pour diffuser un feeling un peu glauque. Mais on ne pense pas développer ce truc, à la limite il y a de la tristesse et de la mélancolie.
Modern Men, c’est un exutoire ?
Oui, il faut être honnête : on ne va pas hyper bien psychologiquement et avoir ce groupe, ça nous aide beaucoup. J’ai toujours mis énormément de moi dans ma musique. Adrian est un excellent musicien, il tient vraiment toute la charpente technique du projet. Moi, j’ai l’impression de glisser pas mal de sincérité dans les chansons pour faire en sorte que ça semble crédible. Ça m’a libéré de plein de trucs au niveau de mes angoisses, quand tu les hurles en fixant les gens dans les yeux. Après, c’est plus simple de les accueillir dans la vie en général.
C’est sûr que quand tu utilises un orgue et que tu chantes en français, ça fait vite Noir Boy George.
Votre musique, elle se nourrit de quoi ?
Elle se nourrit de la peur et des angoisses. On a ce truc en commun d’être angoissés et de développer des maladies psychosomatiques. Je vis de manière omniprésente dans la peur de plein de trucs depuis que je suis enfant, du coup quand j’écris mes paroles, je mets ça dedans parce que de toute façon, j’ai du mal à penser à d’autres choses.
Est-ce qu’on peut parler de mash-up pour décrire la musique de Modern Men ?
Oui, il y clairement du bidouillage. On avait parlé de patchwork de références aussi, c’est une accumulation d’hommages. Par exemple pour le titre Hear Nothing, le saxophone c’est Indochine et le texte du refrain, c’est un truc qu’on a volé à Discharge sans changer le moindre mot.
Parce que sur FFNHR, je trouve que c’est trop le foutoir par exemple…
Pour le cas de FFNHR, c’est un morceau qui divise : soit on trouve ça super ou alors tu en as rien à taper. Mais ça illustre bien nos petits moments de complicité où on s’éclate vraiment à faire ce projet. Il y a côté un peu laboratoire où on veut explorer des choses nouvelles plutôt que de reproduire des schémas déjà utilisés sur d’autres de nos morceaux.
Sale Bête, ça fait penser à Nafi, forcément. C’est une figure que vous respectez ?
C’est sûr que quand tu utilises un orgue et que tu chantes en français, ça fait vite Noir Boy George. Personnellement, j’aime beaucoup ce qu’il fait de manière générale. Après on ne va surement pas l’entendre car la chanson a beaucoup évolué depuis, mais l’influence principale à la base c’était the The Big Ship de Brian Eno. C’est la meilleure chanson pour voir sa vie défiler devant ses yeux et se mettre à chialer.
Dernière question (c’est toujours les pires) : Modern Men, c’est la joie ou la déprime ? Ou la joie de la déprime ?
C’est plutôt la joie, c’est même la fête ! Même si on fait plutôt la fête pour fuir nos problèmes plutôt que pour célébrer un événement heureux.
L’EP « Partout en France » est dispo juste ici sur le label et collectif Soza.
3 commentaires
partouzes en ?
sacs a puces!
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