Qui, mieux que Guy-Michel Thor, pour dénuder les fils ce nouvel album des bordelais à haut voltage ? Pour les Magnetix, le rock-critic d’Enghien-les-Bains troque les pantoufles contre les crampons et le résultat est, lui aussi, survolté. Comme la dépouille de Claude François trempée dans les eaux de Fukushima.

Depuis que bobonne enchaîne coloscopies et manucure à un rythme effréné et que le gamin est parti crever ses boutons à l’autre bout de la France pour faire carrière dans le droit, avec d’autres morveux de sa génération même pas capables de faire la différence entre les Stray Cats et les Chats Sauvages, je m’emmerde. Faut pas croire, mais on s’attache à tout, même au pire : les hémorroïdes, votre femme qui a pris une chambre à l’hôtel du cul tourné, le gamin qui vous raque pour le dernier gadget à la mode, les traites du loyer réglées comme une paire d’ovaires, la calvitie qui vous rappelle à quel point c’est compliqué de ressembler à Phil Collins… Bref, tout un attirail de désagréments qui vous collent à la peau comme des morpions chopés à Goa en 1969. Tout ça pour dire que j’en ai gros sur la patate, depuis que j’erre seul dans les longs couloirs de ma baraque acheté à crédit ; plus personne à tabasser et plus aucun bruit de fond pour couvrir le bruit de mes vieux vinyles de rock’n’roll. J’aurais dû me douter que ça finirait ainsi. Catherine Mamet et Johnny, même combat, des mythes qui s’effritaient au fur et à mesure que je perdais mes derniers cheveux. J’aurais mieux fait de crever à 27 ans, ça oui, comme mon pote Loulou la braguette, roadie d’Asphalt Jungle écrasé par un bus à l’entrée du Palace. Ca au moins, c’était une fin qui avait de la gueule. Crever aux portes des années 80, ça m’aurait finalement évité un sacré paquet d’emmerdes.

L’autre fois, en matant les albums photos de ma vie d’avant, j’ai repensé à ces irréductibles rockeurs des Magnetix. Aussi loin que je me souvienne, ce groupe avait toujours eu du panache, un look sévèrement burné et des albums qui tenaient toujours, contrairement à moi après deux whiskys, la route. Leur premier album, ils l’avaient sorti la même année que celle de mon dernier coït. C’était la fin de siècle, Michel Sardou sortait son single Qu’est-ce que j’aurais fait moi ? et moi, moi je rêvais d’être un Magnetix pour me la coller sévère au pays des collabos, avec un sosie de Barbarella pour faire concurrence à Aggy Sonora, la belle pépée qui figurait sur les jaquettes de ces deux Bordelais à la discographie plus complexe qu’un plan d’épargne.
Bordeaux, j’ai bien connu. A l’époque même où Looch Vibrato et sa donzelle n’avaient pas l’âge de sucer un téton, et entre deux conventions de 45 tours pour collectionneurs, j’écumais les bars locaux à la recherche d’une Madame Thor à qui récurer le carburateur. Faute de grives on mange des merles, comme on dit… Enfin bon, tout ça pour dire qu’en ces temps reculés on aurait vendu père et solex pour échanger Noir Désir et autres copies du Gun Club contre trois chansons de Drogue Electrique. Du rock bien bas du front, sans prétention. Un condensé de biture à vous donner envie de violer des mannequins de vitrine avec de la reverb’ badigeonnée sur toute la longueur. Comme de la moutarde sur un bon hot-dog, ouais. Me demandez pas de philosopher davantage sur les dix titres de ce nouvel « opus » – eh ouais messieurs les plumitifs de Rock & Folk, moi aussi je peux me la jouer érudit avec du latin de Petit Robert –  parce que les Magnetix, dans le fond, c’est tout ce que j’ai jamais su être. Un mélange entre les Stinky Toys – pour le look – et les Cramps – pour le son –, un couple dynamité aux hormones, capable de résister au temps et à la bêtise crasse de leurs voisins de palier, une grosse paire de rockeurs encore capable, après tant de disques, d’inventer des prétextes à la con – Drogue Electrique raconte l’histoire d’une guerre psychotronique en 2023, voyez ça pisse pas loin – pour donner des signes de vie au Français lamb(a)da.

A la dernière mesure de Velvet Eyes, j’ai refermé l’album photo de ma vie ratée. J’ai repensé à l’ami Jacno, présent en ombres chinoises sur ce disque débridé, puis j’ai tenté d’éteindre cette clope que j’arrivais de toute façon plus à fumer autrement qu’en crapotant comme une jouvencelle de premier rang. Avec nostalgie, j’ai repensé à Loulou la Braguette ; après tout, il était peut-être temps pour moi aussi de me faire empaler sur la voie publique pour en finir avec les rêves adolescents et la vessie qui déconne. Se faire démembrer sur le bitume, les bras en croix, avec un disque des Magnetix enfoncé au fond du Thorax, ça avait de la gueule… Ce jour-là à Enghien-les-Bains, c’était la grève des transports. Chienne de vie. J’ai fini par rentrer dans mon pavillon de banlieue, la queue entre les jambes, avec mon disque sous le bras. De toute façon, ça fait bien longtemps que mon corps supportait plus la drogue, autrement qu’à travers le 220 volts.

Magnetix // Drogue Electrique // Born Bad
http://magnetix.fr/

 

(En concert le 6 janvier 2012 à la Maroquinerie avec ZZZ et Aladdin pour la « Fear & Loathing » organisée par Gonzaï)

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